Le projet était ambitieux, convient à regret Alexandre Lampron. Lancée en pleine pandémie, avec le casse-tête de la consigne, la Laiterie rachetait une partie de sa propre production pour l’embouteiller elle-même et se rapprocher du marché. Or, il y a un an, la famille s’est fixé certains objectifs de rendement. L’autofinancement a ses limites et il n’était pas question d’hypothéquer la ferme au profit de l’aventure, expose-t-on.
Il semblerait donc que la croissance se soit avérée trop timide pour continuer. Sans qu’elle explique tout, l’inflation qui sévit s’est aussi invitée dans la partie, pointe Alexandre Lampron. «Avec l’épicerie qui coûte plus cher, c’est sûr que les gens font plus attention», observe-t-il.
«On voyait qu’il y avait quand même un marché, les gens étaient contents d’acheter nos produits, il y avait une belle communauté qui nous suivait... mais c’était pas assez», commente à regret le fermier.
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Le contexte inflationniste a aussi joué sur les opérations, note encore M. Lampron. Le coût des intrants a bondi, tandis que la marge de profit rétrécissait. «Il y avait une limite à augmenter le prix du litre de lait qu’on vendait», remarque celui qui souligne que la bouteille de la Laiterie était déjà un produit niché.
À l’aspect financier de l’affaire s’ajoute un labeur, qui aura également pesé dans la décision de fermer boutique. «Fallait se rendre à l’évidence... les prises de commande, tout le côté lavage de bouteille, production, salubrité, les ventes... tandis que la ferme, c’est pas compliqué!» avance le fermier entrepreneur. «La mise en marché, c’est tout un défi, surtout pour un produit périssable», insiste-t-il — lait au chocolat ou pas.
Le dernier tour de clé dans la serrure n’altère en rien l’idéal des frères Lampron, maintient cependant le cadet du quatuor. «Le monde accorde plus d’importance à [l’achat local] qu’il y a quelques années. Je pense que c’est vers ça qu’on s’en va. C’est pour ça qu’on avait parti ce projet-là».
«Je suis convaincu qu’avec le temps, on aurait fini par l’avoir. Mais combien de temps ça aurait pris, puis combien d’argent ça aurait coûté? Il aurait fallu continuer à investir dans l’automatisation... La rentabilité était toujours plus loin et la ferme avait déjà investi beaucoup. C’est ça qui nous a fait reculer un peu», synthétise Alexandre Lampron.
D’abord annoncée sur les réseaux sociaux, la nouvelle générait déjà une traînée de commentaires, une heure à peine après sa mise en ligne. «Quelle tristesse!», pouvait-on lire à répétition. «Quelle belle aventure», semblait aussi penser M. Lampron.
À la fin de l’entrevue, le fermier a tourné les talons pour reprendre le chemin de l’étable, vers une familière et réconfortante routine.
La ferme Y. Lampron et Fils perdure et se réjouit de s’être un temps permis de rêver tout haut, comprend-on.