La mesure sera implantée graduellement, explique Antranik Handoyan, directeur des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques. D’abord dans la région de Drummondville, dès le 26 février, le personnel travaillant déjà dans les services ouverts 24 heures devront revoir le nombre de fins de semaines travaillées pour en arriver au même nombre que leurs collègues, ou minimalement, une fin de semaine sur trois. Cette mesure s’appliquera à l’ensemble de la région Mauricie et Centre-du-Québec entre le 26 mars et le 21 mai.
Puis, en prévision de l’été, ce sera l’ensemble du personnel infirmier de Drummondville qui devra travailler une fin de semaine sur trois. À l’automne, on prévoit cette mesure sur l’ensemble du territoire du CIUSSS MCQ.
Autrement dit, une infirmière qui oeuvre sur semaine de jour dans un GMF, en milieu scolaire, en immunisation, en clinique de grossesse à risque élevé (GARE), comme conseillère à la santé publique, en santé sexuelle ou encore comme conseillère en soin, pour ne citer que quelques exemples, sera appelée, une fin de semaine sur trois, à aller prêter main-forte dans les centres hospitaliers, à l’urgence, ou encore, en CHSLD afin de combler les quarts que l’on peine actuellement à combler. Des mesures qui permettraient, à terme, de combler 1500 quarts de travail de fin de semaine par mois. Les nouvelles directives respectent l’actuelle convention collective, assure la direction. Le syndicat, lundi, étudiait toujours le dossier, lui qui est actuellement en négociations pour le renouvellement de cette convention collective.
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La mesure viendra évidemment avec des «modulations de services» – lire ici que certains services seront diminués afin de libérer des infirmières pour occuper ces quarts de travail. Le soutien à domicile pourrait faire partie des services qui écoperont, mais plusieurs autres également qui restent à être identifiés au fur et à mesure que le tout se mettra en place.
«Certains services, comme l’oncologie par exemple, ne seront pas touchés», assure Antranik Handoyan.
Essentiellement, le CIUSSS plaide qu’il faut trouver de nouvelles façons de faire pour donner un peu d’oxygène au personnel infirmier affecté aux services 24-7, qui doit régulièrement composer avec le temps supplémentaire obligatoire et chez qui on détecte de plus en plus de détresse.
«Présentement, le statu quo n’est plus possible. On fait tous les efforts pour le recrutement, y compris à l’international, mais il faut pouvoir se donner de la flexibilité. On comprend que la mesure ne plaît pas à tous, nous en sommes très conscients, mais il faut aussi comprendre qu’une partie du personnel a aussi besoin de se sentir soutenu. On veut que nos infirmières qui travaillent dans ces services et qui trouvent ça difficile depuis longtemps se sentent soutenues. C’est une mesure qui mise sur la solidarité et l’équité envers toutes. La pression ne peut pas être seulement sur les équipes 24-7», considère Antranik Handoyan.
Or, dans le réseau, ça crie fort. Lundi soir, j’ai pu m’entretenir avec près d’une dizaine d’infirmières occupant des postes de jour sur semaine et pour qui la nouvelle a eu l’effet d’une bombe. Par crainte de représailles, aucune n’a souhaité commenté publiquement, mais certaines d’entre elles envisagent déjà de démissionner.
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«J’ai travaillé pendant presque dix ans dans le 24-7, j’ai donné! J’ai appliqué sur un poste de jour justement pour pouvoir avoir mes fins de semaine et m’assurer une meilleure conciliation travail-famille. J’envisage sérieusement de tout lâcher. J’irai faire autre chose. Ce ne sont pas les emplois qui manquent en ce moment», lance l’une d’elles.
«Je suis allée faire mon baccalauréat justement parce que je voulais pouvoir appliquer sur de meilleurs postes. Là, ils changent les règles du jeu en cours de route. Ce qu’on vient de dire aux filles, c’est: n’allez pas à l’université, ça ne vous donnera aucun avantage», considère une autre infirmière.
«Je pense que le CIUSSS a l’impression qu’on ne partira pas parce qu’on a de l’ancienneté, parce qu’on ne retrouvera pas d’aussi bonnes conditions ailleurs. Mais les conditions de travail, ce n’est pas juste un salaire, un fonds de pension ou des semaines de vacances. C’est aussi le sentiment de savoir qu’on est respectées de notre employeur. Ça, en ce moment, c’est un gros zéro», ajoute l’une de leurs collègues.
Pour l’heure, la direction du CIUSSS dit comprendre la réaction des infirmières ébranlées par la nouvelle, mais estime aussi que d’autres sont plus qu’heureuses de savoir qu’elles pourront enfin souffler un peu. «On prend ça très au sérieux, on ne veut pas que les gens quittent. Évidemment, il y aura des exceptions et nous sommes prêts à faire preuve de flexibilité dans certains cas. Les gestionnaires seront à l’écoute du personnel», assure M. Handoyan.
Quant à la possibilité que ces nouveaux horaires puissent nuire à l’attractivité de la profession, la direction précise que les étudiantes qui suivent la formation collégiale savent généralement d’avance qu’elles débuteront leur carrière sur les équipes 24-7, que c’est déjà attendu de la plupart d’entre elles qu’elles travailleront les premières années sur des horaires de soir, de nuit et de fin de semaine.
On assure par contre que toutes les infirmières qui seront appelées à travailler dans de nouveaux services auxquels elles n’ont pas été affectées depuis longtemps auront droit à de la formation et de l’accompagnement pour répondre aux attentes des usagers du réseau.
Pour certaines, par contre, la décision est déjà prise. «Je n’ai pas envie de vivre ça. J’ai fait mon effort de guerre dans le temps, et ce n’est plus pour moi. Il me reste quelques années avant ma retraite, mais je peux vous garantir que ce n’est pas ça qui va m’empêcher de regarder ailleurs», m’a signifié cette infirmière de la région de Shawinigan, le trémolo dans la voix.
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