Chronique|

S’ancrer dans le chocolat

L’histoire de la chocolaterie David-Choco, c’est d’abord et avant tout un changement de cap pour le capitaine David Gagné et un retour aux sources pour Michèle Landry. 

CHRONIQUE / David Gagné n’a pas toujours eu les deux mains dans le chocolat. Il a déjà tenu la barre d’un gouvernail. Pendant une vingtaine d’années, le chocolatier a été capitaine de bateau.


L’homme de 57 ans sait donc de quoi il parle lorsqu’il dit: «Il ne faut pas attendre que la vie arrive. Fais-la, ta vie!»

Michèle Landry est du même avis. Comme David, la femme de 50 ans a quitté un navire pour un autre. Elle est revenue à ses racines et à l’essentiel.



«On vit la vie qu’on veut vivre.»

En l’enrobant de couleurs et de saveurs sucrées.

La chocolaterie DavidChoco a ouvert ses portes en septembre dernier. L’entreprise artisanale a pignon sur rue dans un secteur de Trois-Rivières plus résidentiel que commercial, mais les gens n’hésitent pas à faire le détour, se réjouit David Gagné.

Il chérissait Pointe-du-Lac avant de l’habiter et d’y travailler. Celui qui a beaucoup voyagé a choisi la proximité du lac Saint-Pierre comme port d’attache. L’été, il aime y pagayer en kayak, lui qui a vogué sur de plus grosses embarcations.



Originaire de la Beauce, David a été capitaine de bateaux d’excursions touristiques, scientifiques, de traversiers, etc.

«J’ai fait un peu de tout», ajoute celui qui a aussi été enseignant à l’Institut maritime du Québec et aux commandes de l’ancien M/V. Draveur, à Trois-Rivières, un navire de croisières sur le fleuve et la rivière Saint-Maurice.

C’est à cette époque que David a rencontré Michèle qui était alors propriétaire du Coconut Bar, un lieu mythique fondé par son père, Gérard Landry.

Après la vente, en 2005, de l’établissement inspiré de la culture Tiki, Michèle est retournée aux études où elle a obtenu un diplôme de l’Université Laval en affaires publiques et relations internationales.

Appelée à travailler au Sommet de la francophonie qui s’est tenu à Québec en 2008, la jeune trentenaire a rapidement développé une expertise qui lui a permis d’être recrutée par l’équipe du G8/G20.

Le vent dans les voiles, Michèle a pris la direction d’Ottawa où sa carrière s’est poursuivie au ministère des Affaires mondiales, plus précisément au bureau de gestion des sommets au Canada.



Elle pouvait être dépêchée à l’étranger, là où le premier ministre participait à des conférences internationales. C’est comme cela qu’en 2016, Michèle s’est retrouvée pendant trois mois à Madagascar. L’organisation sur place souhaitait faire appel à son expérience de terrain.

«Me rapporterais-tu de la vanille?», lui a demandé son amoureux.

À l’approche de la cinquantaine, David Gagné ressentait de plus en plus le besoin de tourner la page sur sa carrière dans le domaine maritime. Son travail ne le comblait plus comme avant.

«J’avais le goût de faire autre chose.»

Entre deux contrats de navigation, l’homme s’est mis à cuisiner, chose qu’il avait toujours aimé faire, mais délaissé en raison de son boulot sur l’eau. Un matin, le capitaine s’est levé avec l’impression d’avancer sur le pilote automatique.

«Je pense que je vais lâcher ma job et que je vais aller faire des gâteaux», a annoncé David à Michèle qui lui a répondu: «Je pense qu’on va aller prendre un café...»

Ils rient tous les deux en se remémorant la scène.

À 50 ans, David a décidé d’apprendre un nouveau métier. Il a étudié en pâtisserie, un programme intensif de 18 mois durant lequel l’élève a pu explorer l’univers du chocolat et s’en donner à coeur joie. Déterminé à se lancer en affaires, il a également suivi une formation en entrepreneuriat.



David Gagné a d’abord exploité une chocolaterie en ligne tout en travaillant à titre de pâtissier dans un complexe hôtelier de Gatineau. Il a ensuite mis en pratique ses notions de gestionnaire en étant gérant du département de boulangerie d’un marché d’alimentation.

Fort de ses expériences acquises ici et là, David Gagné n’a jamais cessé de faire des chocolats et de rêver à sa propre chocolaterie.

Pendant ce temps, Michèle travaillait toujours aux Affaires mondiales, au département du commerce international. «Mon rôle consistait à aider les entreprises canadiennes à exporter à l’étranger», explique-t-elle avant de mentionner que l’idée de mettre le cap sur Trois-Rivières lui trottait cependant dans la tête.

En partant pour Ottawa, Michèle et David s’étaient toujours dit qu’ils reviendraient vivre en Mauricie pour se rapprocher de la famille et des amis. Après quatorze ans dans la région de l’Outaouais, le temps était venu pour eux de faire le saut.

Depuis janvier 2022, Michèle Landry est directrice générale de GROUPÉ Mauricie-Rive-Sud dont la mission consiste à mobiliser des gens d’affaires de la région afin de développer leur plein potentiel économique.

«Je ne renie pas du tout mon passé professionnel. J’ai vécu de très belles années, mais je travaille aujourd’hui dans un milieu à échelle plus humaine. J’ai l’impression d’être mieux outillée pour aider les entreprises d’ici à exporter et à croître.»

Ses responsabilités sont nombreuses. Michèle trouve néanmoins le temps de venir donner un coup de main à David, en remplissant de jolies boîtes.

«J’ai ça à coeur. On est là-dedans ensemble. Et puis, c’est ce que je fais dans la vie, aider des entreprises.»

Une mappemonde couvre un pan de mur de la chocolaterie.

«David l’a collée morceau par morceau. C’est un ancien marin. La précision, c’est bien important», souligne Michèle avec amusement.

Cette déco fait de l’effet lorsqu’on entre dans le commerce où l’artisan aime décrire chacune de ses créations chocolatées, un amalgame de produits locaux, internationaux et de sa touche personnelle.

DavidChoco connaît un beau succès depuis son ouverture. Cinq mois plus tard, le commerce s’apprête à vivre sa première Saint-Valentin. David Gagné s’attend à être fort occupé.

«Je me prépare fort!», ajoute celui qui n’en revient pas de l’accueil que lui ont notamment réservé les gens du coin, des jeunes et moins jeunes qui se font une fierté d’avoir une chocolaterie artisanale à deux pas de chez eux.

Certains reviennent chaque semaine pour l’encourager. «On ne veut pas que tu partes!», lui disent-ils.

Ce n’est pas l’intention de l’ancien capitaine qui déguste sa nouvelle vie, un chocolat à la fois. C’est du bonheur à l’état pur, comme l’extrait de vanille et le coulis de fruits qui viennent rehausser le tout.