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Saint-Élie-de-Caxton: Québec doit s’en mêler

Le Protecteur du citoyen a donné raison à un groupe de citoyens de Saint-Élie-de-Caxton, qui avait porté plainte au Commissaire à l’intégrité municipale en 2018.

CHRONIQUE / Ainsi, la plainte qu’un groupe de citoyens de Saint-Élie-de-Caxton avait formulée au Commissaire à l’intégrité municipale en 2018 était recevable, et aurait dû être enquêtée par Québec. Voilà la conclusion du Protecteur du citoyen dans un rapport daté de mars 2022, et dont Le Nouvelliste rapporte l’existence mercredi matin.


Une révélation qui a de quoi surprendre quand on sait à quel point des voix se sont élevées durant ces années pour dénoncer le climat qui régnait à l’hôtel de ville, pour dénoncer les démissions en série d'employés municipaux et de bénévoles, pour déplorer des apparences de conflits d’intérêts ou d’abus de pouvoir. Mais à l’époque, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, venue en visite au pays des lutins en août 2020, avait plutôt soulevé une «question de perception», n’y voyant aucun drapeau suffisamment rouge pour s’en inquiéter. 

Ces jours-ci, on peut comprendre les citoyens de Saint-Élie-de-Caxton d’en avoir ras le pompon lorsqu’il est question de bisbille au conseil municipal. Autour de la table, les visages ont changé depuis le conseil élu lors du mandat 2017-2021. Mais la réalité de la gestion municipale n’est pas plus rose pour autant. Et disons que depuis le temps, les citoyens commencent à en avoir soupé. Ils ont hâte que les choses tournent rondement. On peut les comprendre.



La mairesse Gina Lemire a remis sa démission à l’automne dernier, moins d’un an après son élection. En entrevue récemment, elle me confiait avoir traversé une rude période, ayant connu de graves problèmes de communication avec le reste du conseil et le directeur général. Ces jours-ci, on comprend que c’est le directeur général Pierre Piché qui aurait été suspendu avec solde, et son avenir à l’emploi de la Municipalité est loin d’être garanti. Mais pour le moment, personne au conseil ne confirme ce que tout le monde sait. On se contente de parler du «Matricule 13-1900».

Sur le plan légal, il est normal que le conseil municipal refuse de dévoiler l’identité de l’employé concerné par la suspension. Cherchez dans toutes les instances décisionnelles que vous voulez, un dossier de ressources humaines est presque automatiquement confidentiel. C’est une question légale, et ces discussions ont généralement lieu à huis clos lorsqu’il s’agit d’une organisation publique comme un gouvernement municipal. La décision, elle, demeure publique, mais sans qu’on en connaisse tous les détails.

Là où les citoyens ont raison d’être inquiets et fâchés, c’est sur le plan de la transparence quant aux impacts qui découleront de ce qu’on semble reprocher à cet employé. Que s’est-il passé de si répréhensible? Quelles seront les conséquences de ce qu’on lui reproche, ou encore de son départ, sur les organisations locales? Sur les projets qui doivent voir le jour dans les prochaines années? Sur les activités qui animent la communauté? Sur les services auxquels les citoyens sont en droit de s’attendre?

Et surtout, quand peut-on espérer l’adoption d’un budget à Saint-Élie? Car tant que le budget n’est pas adopté, les comptes de taxes ne peuvent être envoyés. Sans comptes de taxes, ce sont les coffres de la municipalité qui ne se garnissent pas pour garantir la continuité des services. Le budget, c’est la base même des activités municipales.



À l’hôtel de ville, on se refuse à tout commentaire. Même s’il s’agit d’une organisation publique qui devrait faire preuve de transparence, on peut s’imaginer la volonté d’en dire le moins possible tant que le processus entourant le congédiement ou non de cet employé ne sera pas terminé.

Ce qui est toutefois surprenant et difficile à comprendre, c’est qu’on embauche, aux frais des contribuables, une firme de relations publiques dont le mandat actuel est de refuser toutes les demandes des médias et de maintenir qu’aucun commentaire ne sera fait. Loin de moi l’idée de blâmer cette firme, qui ne fait que remplir le mandat pour lequel elle a été engagée. Mais pour un conseil municipal, n’est-ce pas là une bien drôle de dépense, non prévue dans un budget qui n’a pas encore été adopté? Franchement, dire «non» à des demandes d’entrevues ne nécessite pas le recours à une telle expertise et à la facture qui l’accompagne.

Il serait toutefois bien malhonnête de penser que le conseil municipal actuel est de mauvaise foi. C’est certainement un conseil qui doit vivre avec des décisions antérieures qui continuent d’avoir des impacts, des effets sur les finances et l’administration d’aujourd’hui. C’est un conseil sans grande expérience en politique municipale qui navigue depuis près d’un an et demi à faire son gros possible pour parvenir à ramener un peu d’ordre dans les affaires municipales, mais qui se bute constamment à de nouvelles embûches, et qui doit réagir au mieux de ses capacités.

L’ancien maire André Garant est sorti publiquement dans les derniers jours pour réclamer ni plus ni moins que la démission en bloc du conseil municipal. Une solution plutôt radicale qui ne garantirait absolument pas l’assainissement du climat à la Municipalité, pas plus que le dénouement miraculeux de ce trou financier qu’on a récemment découvert et qui semblait traîner depuis un certain temps, soit depuis l'ancienne administration.

Ce qui est le plus triste dans toute cette histoire, c’est l’image projetée de la municipalité à travers la province et ce, depuis plusieurs années déjà. Pendant qu’on s’embourbe dans cette bisbille dont on ne semble pas être en mesure de sortir, on ne parle pas des bons coups. De ces entreprises qui naissent et qui grandissent dans la municipalité, de toutes ces jeunes familles qui ont choisi de s’y établir et qui continuent de faire vivre et d’animer la communauté, de ces artistes qui font rejaillir une lumière créative incroyable sur ce petit bout de pays. Le pays de Fred a vu, au fil des années, naître une communauté fantastique de créateurs, de bâtisseurs. Et trop souvent, ils sont dans l’ombre de toute cette mésentente.

Ce dont Saint-Élie a besoin, ce n’est pas d’une démission en bloc. C’est d’un sacré coup de main de la part du provincial. Le député Simon Allaire a fait savoir mardi que le bureau régional du Ministère des Affaires municipales offrira de l’accompagnement à Saint-Élie. C’est déjà un excellent début.

Les problèmes vécus lors du mandat 2017-2021 ne sont peut-être pas de même nature que les enjeux que l'on rencontre aujourd'hui, mais dans l'oeil des citoyens, le résultat est le même: ça tourne carré, et les citoyens veulent que ça change. 

La politique municipale à Saint-Élie a besoin d’aide, depuis longtemps. Aujourd’hui, le Protecteur du citoyen l’a confirmé. Qui pourrait encore parler d’une simple «question de perception»?