Chronique|

Incontournables partis politiques

Pour une deuxième fois en six mois, la Commission municipale du Québec a mené une enquête sur la situation qui prévaut à l'hôtel de ville de Trois-Rivières.

CHRONIQUE / Devant le climat qui règne à l’hôtel de ville de Trois-Rivières, la solution doit-elle passer par les partis politiques? En réalité, ce n’est plus tant de savoir «si» des partis politiques feront leur entrée à l’hôtel de ville, mais bien «quand». Et devant cette évidence que la dynamique politique pourrait bientôt changer sur le plan municipal, on ne devrait pas envisager cette solution uniquement pour régler les conflits qui font les manchettes depuis plusieurs mois déjà, mais davantage pour planifier, pour véritablement envisager ce que sera la prochaine décennie à Trois-Rivières.


Oui, le climat qui règne actuellement au conseil municipal de Trois-Rivières est difficile. De quoi résulte-t-il? Certains vous répondront que c’est un manque de transparence, d’autres dénonceront des entorses répétées au code d’éthique par certains élus. On crie au manque de leadership, on dénonce du favoritisme sur les comités, et on mêle trop souvent les fonctionnaires à ces différentes querelles qui se jouent au gré des dossiers qui vont et qui viennent bien en marge d’un programme politique qu'on peine encore à définir.

Est-ce que des partis politiques viendraient régler cette dynamique? Certainement pas à très court terme. Les élus qui ont été mandatés par la population jusqu’en 2025 l’ont tous été à titre d’indépendants, parfois même en étant préférés aux candidats s’affichant avec le parti Action Civique. Ce serait sans doute mal vu, et avouons-le difficile à comprendre de la part de plusieurs électeurs de changer les règles du jeu en cours de route. Mais il est aussi évident que cette éternelle indépendance finit par jouer des tours. Elle entraîne, malgré elle, une gestion qui, trop souvent, finit par étouffer la vision politique. Une gestion au projet, à court terme, au gré des opportunités qui se présentent et des votes qui se prennent.



À travers ça, on plaidera chez les conseillers avoir été élus par la majorité des citoyens de leur district, et chez le maire d’avoir été élu lui aussi majoritairement dans chaque coin de la ville. Si deux visions s’affrontent alors, qui a raison? Qui est celui qui peut se targuer de représenter le plus les intérêts et la volonté des gens des différents secteurs?

Aux yeux de certains, ce qui semble manquer à l’hôtel de ville présentement, c’est une vision plus large, un projet politique porté par une ou plusieurs personnes, qui permettrait d’avoir une idée claire de ce que les gens que l’on porte au pouvoir veulent faire pour Trois-Rivières.

La cacophonie vécue dans le dossier du Carrefour 40-55 en est une manifestation, mais il n’y a pas que ça. De la dernière campagne électorale municipale, aussi intéressantes pouvaient être les candidatures, a-t-on réellement vu se dégager un projet politique? Un programme auquel les citoyens auraient pu adhérer, ou au contraire qu’ils auraient pu rejeter en connaissance de cause? 

Quand le principal enjeu électoral d’une ville de l’importance de Trois-Rivières a finalement tourné autour de la construction ou non d’un centre aquatique, ça laisse bien des électeurs sur leur faim... Sans rien enlever à la valeur d'une telle idée, on ne peut pas non plus la qualifier de programme électoral.



Mais bien au-delà du dossier 40-55 et des terrains que l’on souhaite y développer, ou encore d’un centre aquatique, du déneigement des trottoirs, de la fermeture d’une patinoire ou d’un taux de taxation trop ou pas assez élevé, il existe des enjeux bien plus grands pour Trois-Rivières. Des enjeux qui se pointent déjà à l’horizon depuis les dernières années et pour lesquels le politique ne pourra pas se contenter de réagir. Il devra être proactif, et ce, en ayant une visée à long terme. Certaines initiatives sont déjà prises en ce sens, et c'est à souhaiter qu'on les mette davantage de l'avant, qu'on les porte comme faisant partie d'un plan.

Et un plan, justement, ça ne doit pas servir qu'à calmer des chicanes ou qu'à empêcher la bisbille. Ce serait se tromper drôlement que de penser que là est le seul objectif qui compte pour Trois-Rivières.

L’ère des grands projets d’infrastructures est peut-être derrière nous, mais les défis ne manquent pas pour autant. Changements climatiques, électrification des transports, étalement urbain, protection des milieux humides, développement économique répondant aux attentes de la nouvelle génération, efficacité du transport collectif, sécurité routière et surtout, l’importance de maintenir un rôle de leader régional en cette époque où des opportunités incroyables se dressent à l’horizon dans la région, avec notamment le développement de la filière batterie.

Ces enjeux, on ne peut pas les traiter à la semaine, au gré des soubresauts que fera vivre l’inflation au budget municipal. Ils demandent une vision politique, un projet, une idée claire, construite et présentée au public comme étant le plan de match pour la prochaine décennie. Le plan de match qui mènera Trois-Rivières vers son 400e anniversaire, en 2034.

Bien sûr, un homme ou une femme, à titre d’indépendant, peut porter le tout sur ses épaules. Mais la formation d’équipes autour de ces propositions politiques permettra certainement aux citoyens de se faire une meilleure idée de ce qui les attend.

Et l’existence même au sein de l’hôtel de ville d’un parti, majoritaire ou minoritaire, et d’une opposition bien définie et constituée aurait ce mérite de mieux tracer les rôles et de cesser de jeter l’éclairage sur des conflits personnels ou de valeurs au gré des dossiers et des projets qui passent.

Est-ce que les partis politiques sont une panacée? Certainement pas! Ils entraînent aussi des enjeux organisationnels, économiques et budgétaires avec lesquels Trois-Rivières n’avait pas encore eu à jongler jusqu’ici. Ils entraînent aussi une nécessaire confrontation des idées, pas seulement entre les différents élus, mais à l’intérieur même des partis pour le maintien d’une ligne de parti que certains redoutent toujours. Mais si Sherbrooke, Gatineau, Québec et Montréal y sont parvenus, pourquoi pas Trois-Rivières?



Ceci étant dit, pour le moment, le conseil municipal est composé de quinze élus indépendants, et il apparaîtrait quelque peu irréaliste de voir un parti se former en quelques semaines et arriver autour de la table du conseil en plein milieu d’un mandat. Pour qu’un parti se forme, il faut du temps, du recrutement, du financement, des idées bien établies...

L’échéance de l’élection de 2025 semble donc la plus réaliste à l’heure actuelle. Une échéance qui, pour un tel projet, arrive très rapidement. Le maire Jean Lamarche, s’il a l’intention de revenir en poste après son congé, doit déjà considérer cette option. Ceux qui souhaitent lui faire opposition aussi.

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