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Centre-ville: le télétravail change tout

CHRONIQUE / Mais oui, quoi faire pour relancer le centre-ville de Gatineau?


C’est quand même étonnant qu’après tant d’années d’efforts, la Ville n’ait toujours pas d’objectifs clairs ou de vision assumée pour dynamiser le centre-ville de l’ex-ville de Hull.

Une réalité que la conseillère Olive Kamanyana a soulignée à gros traits mardi, avec raison.



La mairesse France Bélisle dit que le centre-ville est à la croisée des chemins. Qu’il faut prendre la balle au bond. «Définir» le centre-ville, y ramener un bassin de clientèle.

Oui, mais encore madame la mairesse? Ça fait 50 ans qu’on dit cela.

Chose certaine, pour arriver à «définir» le centre-ville, les élus devront tenir compte d’une donnée dont je les ai peu ou pas entendus parler mardi.

Notre société est en train de vivre l’un des plus grands changements dans le domaine de la main-d’œuvre depuis des générations: le télétravail.



Les visiteurs semblent être revenus au centre-ville l’été dernier, grâce aux investissements dans les spectacles et les activités d’animation.

Mais les fonctionnaires fédéraux, eux, manquent encore largement à l’appel. Et ce n’est plus la peur de chopper la COVID qui les tient éloignés du bureau.

Les gens ont pris goût au travail à la maison. Et c’est une tendance lourde qui est là pour s’enraciner, malgré les tentatives du gouvernement fédéral d’imposer une formule de travail hybride à ses fonctionnaires.

D’ailleurs, c’est en partie pour conserver le privilège de travailler à la maison que les grands syndicats de fonctionnaires s’apprêtent à demander des votes de grève à leurs membres.

Et je les comprends: ça fait des années que la Ville de Gatineau parle de développer des quartiers de proximité, où les gens peuvent habiter, travailler et envoyer leurs enfants à l’école dans un rayon de 15 minutes de marche. Or pour bien des Gatinois, le télétravail permet désormais de profiter de cette qualité de vie à 15 minutes de chez soi. Peut-être pas à la marche, mais au moins en voiture!

Évidemment, ça ne règle pas le problème du centre-ville.



Cela dit, Gatineau n’est pas la seule dans cette situation. Aux États-Unis aussi, les maires se questionnent sur l’avenir de leurs centres-villes désertés par les travailleurs.

À New York, Los Angeles, Washington, l’utilisation des bureaux est encore à plus de 40% au-dessous de 2019, révélait le Washington Post.

Avec pour conséquences que les restaurants, les cafés, les magasins et même les systèmes de transport en commun n’arrivent pas à se maintenir dans les centres-villes désertés.

C’est un copier-coller de ce qui risque de se produire à Gatineau et Ottawa.

Les villes n’auront pas le choix de s’adapter au télétravail.

C’est un changement structurel qui va modifier profondément l’organisation de notre société. Y compris la notion de centre-ville telle qu’on la connaît aujourd’hui.

À Gatineau, peut-être devrait-on commencer à parler dès maintenant de transformer des édifices à bureaux fédéraux en logements. En mettant dans le coup les promoteurs et les investisseurs pour convertir les bureaux excédentaires en appartements.

On pourrait commencer par dresser la liste des édifices fédéraux faciles à convertir: ceux avec des ascenseurs centraux, des fenêtres de tous les côtés, avec une longueur et une largeur appropriée…



La mairesse Bélisle pourrait entamer des démarches à ce sujet avec le fédéral (1)

On se donnerait ainsi les moyens de rameuter une masse critique de gens au centre-ville (sans démolir le patrimoine bâti). Tout en continuant à investir pour rendre le milieu plus intéressant. Avec des parcs, des pistes cyclables, des centres de sports et de loisirs, une bibliothèque ou un centre des congrès tel que promis par le gouvernement Legault…

Mais il faut commencer par voir la réalité en face: le télétravail a tout changé. Tout et pour longtemps.

(1) Précision: le Conseil du Trésor a entamé une démarche sur l’aliénation de biens immobiliers excédentaires à Gatineau et Ottawa. Voir ce texte:

https://www.ledroit.com/2022/08/29/crise-du-logement-a-gatineau-des-bureaux-federaux-a-la-rescousse-6f98ac2135a652e8329313ef0362a5bb