Même qu’on se dit que c’est probablement une astucieuse façon de renouveler ce public si difficile à convaincre de quitter la chaleur de la maison et la complaisance de la télé pour tenter l’aventure du théâtre local.
Ce spectacle fort bien ficelé par Éric Ahern et Cynthia Paris à la mise en scène est touffu, varié, sympathique, accessible. Ce qui ne l’empêche pas d’interpeller, de faire réfléchir, de bousculer, d’émouvoir. Il lui arrive même de sécréter du venim entre deux tranches de sourires, histoire de donner du goût au sandwich.
Devant la proposition initiale d’une suite de monologues, on se dit que tout ça va être statique. Ça ne l’est pas. Premier étonnement. Les metteurs en scène rythment la chose avec bonne humeur et des idées intéressantes. Découper la soirée avec des incisions de J’en appelle à la poésie du Trifluvien d’origine David Goudreault à intervalles réguliers n’est pas la moindre.
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La présence de Robert Turcotte et de Guy Marchamps comme musiciens sur la scène pendant la centaine de minutes du spectacle ajoute aussi quelque chose. On a eu la sagesse de ne pas abuser du procédé et ce n’est pas en rien critiquer les deux hommes que de dire que c’est une bonne chose. Ça évite de basculer dans le spectacle de cabaret. C’est, après tout, une célébration du texte, des mots, des inspirations.
On a réservé le support télé à l’identification des textes, si ce n’est pour une exception d’autant plus touchante et efficace qu’elle est... exceptionnelle, justement.
Le choix de textes est tout à fait intéressant. Variés pour surprendre, avec des tons résolument différents que l’ordre de présentation accentue. Insérer Feydeau entre Fabien Cloutier et Étienne Lepage avant de passer à Raymond Devos, ça vous syncope une soirée.
Évidemment, le sourire et le rire, particulièrement le jaune, dominent, mais les textes dramatiques n’en sont que plus percutants. Mettre la hache de la Québécoise Pattie O’Green frappe comme un dix-roues dans un face à face sur la 55.
Les deux textes de Monique Juteau se démarquent également par leur intense registre de tendresse poétique. Quant à Guy Marchamps, l’autre auteur de la région, son crime de lèse-monarchie dans La reine lui sera pardonné grâce à son humour fin judicieusement dosé.
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Petite surprise en ce qui me concerne avec le Conte de Noël de Jean-François Mercier pétri d’une profonde sensibilité dramatique que je ne connaissais pas chez l’humoriste. C’est noir, certes, mais c’est sincère et, ma foi, troublant. Pour ce qui est du délirant Coma ethylique d’Étienne Lepage, il est fort bien servi par une surprenante Roxanne Pellerin, savoureusement trash.
Pendant que j’y pense, il convient de louer le travail de direction des comédiens par les metteurs en scène. Les interprètes font du bon travail: on sent qu’ils ont été bien aiguillés. On remarque d’ailleurs avec plaisir une certaine constance dans le niveau du jeu des interprètes, ce qui n’était sûrement pas chose facile à obtenir considérant la variété d’âges et d’expériences des participants.
Décidément, le Théâtre des Nouveaux Compagnons offre une soirée fort agréable avec ces douze monologues qui ont trouvé leur public pour la première puisque les places étaient pratiquement toutes occupées à la salle Louis-Philippe-Poisson. Le spectacle sera présenté de nouveau le vendredi et samedi, 19h30 ainsi que dimanche, à 14h30.