Les dernières semaines n’ont certes pas été de tout repos pour Jean Lamarche, qui a dû faire face à une vive opposition. Une opposition rarement vue dans la récente histoire de Trois-Rivières et qui, de par son intensité, atteignait des niveaux déjà observés lors de la construction de l’amphithéâtre ou du dossier de l’aréna du boisé des Plateaux, pour ceux qui s’en souviennent.
Vous me permettrez, de par cette tribune que j’ai le privilège d’avoir, de saluer la capacité d’une personne à reconnaître le moment où ça déborde. Le moment où, sur les plans professionnel et personnel, ça ne colle plus. Ce moment qui guette chacun de nous au détour et pour lequel il faut savoir s’arrêter, prendre le temps de respirer profondément et même de se remettre en question, si cela est nécessaire. S’arrêter, prendre du recul, ce ne sera jamais un signe de faiblesse, bien au contraire. Pour cela, Jean Lamarche mérite qu’on lui laisse la paix qu’il demande. Il aura tout lieu de reprendre le bâton du pèlerin lorsqu’il s’en estimera capable.
Ceci étant dit, il importe aussi de rappeler à quel point la pression était forte au cours des derniers jours. Une pression à la fois exercée par ceux qui tiennent à voir le projet se concrétiser que par des citoyens qui avaient d’excellentes raisons de remettre en question le projet d’agrandissement du Carrefour 40-55. La seconde mouture du projet, dont le grand public n’avait pas encore eu le privilège de pouvoir avoir tous les détails, mais seulement des grandes lignes échappées au détour d’entrevues et d’une lettre ouverte publiée samedi dernier, n’avait pas réussi à convaincre la plupart des opposants au projet. Certains d’entre eux, disons-le, n’auraient jamais pu être convaincus, de par la nature même du compromis qui semblait insurmontable: empiéter sur des milieux humides. Même si on ne touchait pas à la tourbière. Même si le maire et la haute direction d’IDÉ Trois-Rivières soutenaient que les effets seraient minimes, et que le projet avait de quoi faire école pour l’ensemble du Canada sur le plan du développement économique et de l’environnement.
La pression était rendue trop forte. Lundi, on en apprenait un nouveau chapitre, soit que le conseiller Pierre Montreuil aurait été victime de menaces de la part d’un autre membre du conseil municipal. Mais aussi que, selon certains calculs menés à l’interne par Le Nouvelliste, le scénario qui se dressait sur la table laissait entrevoir que le vote serait à ce point divisé autour de la table du conseil que c’est le maire qui aurait pu avoir à porter l’odieux de trancher le débat, en bout de ligne, avec son vote. Tout un poids politique à porter!
On voyait, depuis quelques semaines, le débat prendre une telle ampleur qu’on se demandait parfois comment on pouvait politiquement continuer de supporter la position soutenue par le maire, quelques conseillers, et la haute direction d’IDÉ Trois-Rivières. Les prises de position ont atteint un paroxysme cette fin de semaine avec la publication de lettres d'opinions en défaveur du projet et l'initiative du collectif Mères au front qui souhaitait ajouter la Chaise des générations, conçue par des enfants de Trois-Rivières, dans la salle du conseil lors de la séance de mardi soir.
Autant la nécessité de diversifier nos sources de revenus en attirant des entreprises pour continuer de donner les services à la population, autant la nouvelle mouture semblait en arriver à un compromis que le maire voulait acceptable aux yeux d’une tranche de la population, on se trouvait devant une situation intenable. L’impact sur près de 14 hectares de milieux humides, en assurant la préservation de 135 hectares, pour permettre le développement de 103 hectares de zone industrielle, n’apparaissait pas aux opposants comme un compromis acceptable.
Ce n’était pas le scénario idéal, certes, et en 2023, c’était loin d’être le scénario qui répond aux aspirations de la nouvelle génération, pour qui la préservation de l’environnement passe avant tout le reste. Même si on leur assure qu’on en fera du développement durable. Même si on soutient devenir un modèle à imiter partout au pays.
À ce sujet, la lettre cosignée par l’ensemble des membres du conseil municipal de Nicolet, la mairesse Geneviève Dubois en tête, aura eu un effet choc. Bien qu’on ait pu prétendre que cette lettre appuyait en tout point ce que Trois-Rivières essayait de mettre en place, elle a plutôt jeté un pavé dans la mare, en appelant à une mobilisation régionale pour la préservation des milieux humides. Quand on s’intéresse quelques minutes à ce que Nicolet a pu mettre en place, il devenait difficile de prétendre que la proposition de Trois-Rivières en était une à ce point avant-gardiste sur le plan environnemental.
Alors pourquoi s’accrocher autant à l’idée de poursuivre vers ce développement qui ne rencontrait visiblement pas l’acceptabilité sociale? Pourquoi ne pas être rapidement allé vers une démarche de présentation publique de la nouvelle mouture, laissant planer le doute qu’elle pourrait avoir lieu seulement une fois le vote du conseil pris? La pression était-elle devenue trop forte sur le maire de la part de ceux ou celles qui avaient avantage à ce que le dossier chemine, coûte que coûte? Seul lui pourrait répondre. Et on comprendra qu’à l’heure actuelle, il préfère ne pas accorder d’entrevue.
Bien franchement, Jean Lamarche n’aurait jamais perdu de crédibilité s’il avait décidé de prendre un pas de recul avant, s’il avait choisi de prendre le temps d’installer une réflexion plus profonde au sein du conseil, mais également au sein de la population, sur l’avenir que l’on souhaite voir se développer pour le futur industriel de Trois-Rivières, comme le suggérait samedi le conseiller municipal Dany Carpentier dans nos pages. Peut-être même que cette réflexion, avec la collaboration de spécialistes indépendants en environnement par exemple, lui aurait donné raison sur le bien fondé de cette nouvelle mouture.
La séquence communicationnelle qui a entouré tout ce dossier a cependant été difficile, et le message a vite dérapé. Il y aura certes des leçons à en tirer.
En attendant, l’avis de motion concernant le développement du Carrefour 40-55 ne sera pas déposé mardi soir. Le sera-t-il ultérieurement? Ça reste à voir. Mais personne ne peut nier que la crédibilité de ce projet en a pris un sacré coup au cours des derniers jours.
Mais pour le moment, l’heure est à espérer que Jean Lamarche, l’homme et non le politicien, puisse prendre soin de lui et qu’il retrouve les forces nécessaires pour décider de ce qui lui convient le plus, de ce qui rejoint vraiment ses valeurs profondes pour pouvoir poursuivre dans cette difficile mais nécessaire fonction qu'est celle de politicien.