Chronique|

Trois-Rivières: jouer son avenir... sur division

Dès qu’il est question d’atteinte, même parcellaire, à l’environnement, on assiste à un refus total de la part d’au moins la moitié du conseil municipal. C’est le cas pour les projets d’expansion du parc industriel Carrefour 40-55.

CHRONIQUE / Les rictus sévères qui contractent le visage des Trifluviens ces jours-ci viennent moins de la division qui se réplique déjà pour 2023 au sein de leur conseil municipal que de ce qui leur est livré par la poste: un compte de taxes fortement «bonifié».


Comme à tous les ans, la nouvelle année municipale est accueillie par des grognements de citoyens qui digèrent toujours plutôt mal les hausses de taxes dont ils soupçonnaient certes l’ampleur, mais qu’ils découvrent, en ouvrant leur courrier, de manière brutalement concrète.

Et cette année recèle toutes les justifications à des telles sautes d’humeur puisque la hausse est sans précédent, mais surtout qu’elle intervient à un moment où le pouvoir économique d’à peu près tout le monde est rongé par l’inflation et par des mensualités gonflées par une envolée frénétique des taux d’intérêt.



Probablement que la grogne va durer un peu plus longtemps qu’à l’habitude, mais elle finira comme toujours par s’estomper… une fois la douleur fiscale acquittée et au besoin, quelques Maalox absorbées.

Par contre, après cette première année d’un conseil municipal en partie remodelé lors des élections, les Trifluviens doivent se résigner à constater que loin de s’atténuer, les mésententes ont repris à l’hôtel de ville et qu’elles risquent fort de persister en 2023.

Bien sûr, il y a des conflits de personnalité et probablement quelques agendas politiques qui peuvent pigmenter ces mésententes.

Il y a surtout des visions, comme leurs taxes, plus foncières, qui se manifestent au sein du conseil municipal et qui deviennent de plus en plus dures à réconcilier.



La nouvelle année n’avait pas une semaine qu’une proposition du conseiller de Pointe-du-Lac, François Bélisle, en apparence à des fins conciliatrices, est venue nous rappeler qu’on ne s’entendait pas… et qu’on ne s’entendra pas.

On passera sur sa suggestion de remplacer à la fonction de maire suppléant Daniel Cournoyer, un fidèle allié du maire Jean Lamarche, par René Martin, plutôt solidaire jusqu’à présent des positions du maire, mais qui serait plus rassembleur.

On passera aussi sur cette autre proposition d’intégrer à l’exécutif deux conseillers qui interviennent souvent sur la place publique, Pierre-Luc Fortin et Luc Tremblay, qui sont de la mouvance contestataire à l’intérieur du conseil municipal… donc souvent en conflit avec le maire Lamarche.

Ce sont là des nominations qui appartiennent en général au maire ou à la majorité au sein du conseil municipal.

Mais là où la suggestion du conseiller Bélisle illustre vraiment tout l’esprit qui divise le conseil municipal c’est, pour rétablir l’harmonie au conseil, fait-il valoir, de renoncer carrément et immédiatement au projet d’agrandissement du parc industriel Carrefour 40-55.

Innovation et développement économique (IDE) Trois-Rivières a beau remporter des prix et tenir un apaisant discours presque plus vert que les verts, mais surtout avoir fortement modifié son projet d’expansion au Carrefour 40-55 pour le rendre en principe écologiquement présentable, est-on convaincu, la nouvelle mouture ne passe pas davantage.



Dès qu’il est question d’atteinte, même parcellaire, à l’environnement, on assiste à un refus total de la part d’au moins la moitié du conseil municipal. Ç’a été jusqu’à présent quasi systématique et ce conflit, entre environnement et économie, est devenu la plus grande source de division entre les membres du conseil.

On peut penser que la nouvelle proposition pour le 40-55 pourrait être adoptée. Mais si c’est par une majorité du conseil, ça serait difficilement par plus d’une voix en sa faveur. On peut plutôt penser qu’il y aurait égalité et qu’il appartiendrait au maire Lamarche de trancher. Peut-être qu’on la cherche cette majorité.

Que le projet soit accepté, même si c’est à majorité démocratique, la mésentente restera globale au sein du conseil et cela teintera d’une façon indélébile toute la prochaine année. Mais qu’il soit retiré ne rétablira pas davantage une harmonie qui n’a jamais pris ses assises.

L’opposition écologique qui se manifeste est à l’image de celle qu’on observe à beaucoup d’autres endroits au Québec, mais aussi un peu partout dans le monde.

Les environnementalistes concèdent de moins en moins de place à des compromis pour permettre une conciliation entre développement économique et protection de l’environnement. Cela se perçoit au conseil de Trois-Rivières.

Il est vrai que d’un rapport à l’autre, le GIEC nous apprend que l’état climatique de la planète ne cesse de se détériorer et qu’on en serait même rendu au point de bascule sur le plan environnemental. D’où, selon un courant de pensée de fermeté quasi absolue qui tend à se répandre et qui radicalise les positions, le refus de toute concession.

Même si la bande de terres humides le long de la 40 était développée, on peut raisonnablement croire que ce n’est pas ce qui mettrait la planète en sécurité ni qui la ferait chavirer. Mais avec en tête un esprit d’urgence climatique, le moindre mètre carré doit désormais être protégé des promoteurs, est-on convaincu.

Il est vrai que sur le plan de l’image, une ville qui démontre de grandes sensibilités écologiques s’inscrit dans la couleur du temps, ce qui peut devenir un facteur d’attraction non négligeable pour les jeunes générations.



Par contre, la première considération sera toujours la possibilité d’obtenir un bon emploi, dans ses compétences, avec d’honnêtes perspectives d’avancement, idéalement au sein d’entreprises soucieuses de l’environnement ou qui y sont dédiées.

C’est ce que revendiquent IDE Trois-Rivières et les membres du conseil favorables au développement du Carrefour 40-55.

Or, Trois-Rivières est à la limite de ses infrastructures de développement industriel, au moment même où la région est sur le point d’être reconnue Zone d’innovation en transition énergétique et alors qu’elle pourrait retirer beaucoup d’une filière batterie au bord de l’explosion.

Si les portes de la ville sont fermées…

Trois-Rivières pourrait-elle s’installer comme une ville moderne et d’avenir, une ville résolument verte, avec une vie culturelle, sportive, éducative, au-dessus de la moyenne, et où les plus grandes aspirations de carrière sont permises?

C’est toute la société trifluvienne qui devrait avoir son mot à dire là-dessus. Parce que, dans un sens comme dans l’autre, peu importe où on loge, ça la concerne en premier. C’est ce qu’elle sera demain qui se jouera en 2023 et il est possible que la population soit aussi partagée là-dessus que son conseil municipal.

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Coup de cœur: Aux p’tits poissons de Sainte-Anne-de-la-Pérade. Parce qu’ils nous attendent, qu’ils nous façonnent une distinction régionale originale et que c’est un pèlerinage hivernal.

Coup de griffe: Tant que le «speaker» n’a pas de voix à la Chambre des représentants américains, on se bidonne. On peut leur suggérer quelques bons candidats dont on aimerait se débarrasser.