La femme de 44 ans est également connue sous le nom de «La Coiffeuse qui perdait ses cheveux».
C’est arrivé à l’automne 2018, l’année de ses 40 ans. Tout allait bien dans sa vie. Pas de stress particulier ni de problèmes hormonaux. De par son métier, Manon était cependant bien placée pour savoir que la chute fulgurante de ses cheveux n’était pas normale. Clairement, son corps luttait contre quelque chose, mais contre quoi?
Elle a rapidement consulté médecin et dermatologue. Le diagnostic de pelade (alopécie areata) n’a pas tardé à être posé. Cette maladie auto-immune se manifestait par la chute imprévisible et incontrôlable de ses cheveux, par plaques. L’administration de cortisone a débuté simultanément. Il ne lui restait plus qu’à se croiser les doigts.
Manon a été chanceuse dans cette malchance. Quelques mois plus tard, au printemps 2019, ses cheveux ont recommencé à pousser à son plus grand soulagement. Ils ne sont plus retombés depuis. En fait, oui, en juin dernier, mais différemment et pas pour la même raison. La coiffeuse les a fait raser. J’y reviendrai. C’est une autre histoire en lien avec celle-ci.
Reparlons d’abord de cette période où, sans crier gare, elle s’est retrouvée sans cheveux, ou presque, sur la tête. Il n’est pas exagéré de parler d’une situation traumatisante pour celle qui n’est pas différente des autres femmes.
«On définit beaucoup notre féminité par nos cheveux», rappelle Manon Lebel qui s’implique aujourd’hui au sein de la Fondation canadienne de l’alopécie areata, un organisme qui offre du soutien aux personnes touchées par cette maladie et qui recueille des fonds pour la recherche.
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La pelade a forcément engendré un bouleversement dans sa vie, mais rassurée par son état de santé, Manon a décidé de passer à l’action, pour elle et pour les autres.
Il existait sûrement une façon de couvrir la tête tout en réchauffant le coeur.
Cette artiste de la chevelure a toujours aimé garnir la sienne d’accessoires. Avec des rallonges de cheveux récupérés dans son salon, la coiffeuse a «patenté quelque chose», soit des bonnets éclatants agrémentés de fausses franches colorées. Le résultat lui a plu et a attiré l’attention de la mère d’une amie qui avait reçu un diagnostic de cancer.
Les traitements à venir allaient inévitablement entraîner la perte de ses cheveux. Comme Manon, la dame souhaitait avoir une jolie coiffure pour traverser la tempête de la maladie.
La coiffeuse a regardé son amie, Jacinthe Ayotte, qui a accepté de se lancer dans l’aventure avec elle. C’est comme ça qu’est né le projet «Les Bonnets Joys», maintenant une boutique en pleine croissance qui a pignon sur rue à Saint-Tite et en ligne.
Depuis deux ans, l’entrepreneure accueille des femmes qui ont perdu leurs cheveux en raison du cancer et parfois, aussi, de l’alopécie. Avec toute la compassion du monde, Manon les reçoit une à une, en prenant le temps d’écouter leur histoire et de leur conseiller un bonnet avec une frange de cheveux naturels. Confort et réconfort garantis.
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Son propre portrait est accroché au mur. La photo a été prise en 2019, lorsque sa chevelure s’est mise à réapparaître, en formant un léger duvet. On peut y lire la citation de Coco Chanel: «La beauté commence au moment où vous décidez d’être vous-même.»
En juin dernier, Manon Lebel portait fièrement ses cheveux en bas des épaules. Qu’à cela ne tienne, elle a décidé de les couper à la tondeuse dans le cadre du Défi têtes rasées, une cause qu’elle appuyait déjà depuis plusieurs années, en rasant bénévolement les cheveux de participants.
Or, cette fois, c’est elle qui a posé ce geste de solidarité envers les enfants et adolescents qui ont reçu un diagnostic de cancer. Depuis 2021, ils se voient remettre par l’organisme un bonnet signé Manon Lebel qui aime penser qu’à sa façon, elle contribue à améliorer l’estime de soi et la confiance de ces jeunes courageux.
«Si je devais résumer l’année 2022 en quelques mots, je dirais: grandir, résilience, humanité, moment présent et amitié...», a-t-elle écrit au cours des derniers jours sur sa page Facebook.
La femme est animée d’un fort sentiment de reconnaissance à l’endroit des personnes qui, par son entremise, ajoutent un peu de couleur – et de joie – dans leur quotidien durement éprouvé.
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Elle pense entre autres à «Loulou», une femme en fin de vie qui souhaitait assister à un dernier spectacle en étant joliment coiffée.
Manon s’est aussitôt liée d’amitié avec celle qu’elle a visitée à plusieurs reprises avant son décès, deux semaines après leur première rencontre où un bonnet bleu, comme ses yeux, lui a été offert. La coiffeuse avait pris soin d’y ajouter une mèche blonde.
«Louise était une personne lumineuse! Elle me disait que je lui donnais de l’énergie et que je lui faisais du bien, mais elle m’en faisait tout autant», souligne Manon Lebel dont le regard s’éclaire aussi.
Avant de mourir, la dame lui a écrit un mot pour lui rappeler de ne jamais se laisser décourager par les épreuves de la vie.
«Je serai là», a ajouté Loulou dont la photo est posée sur son bureau.
Manon lui retourne son sourire apaisant. En perdant ses cheveux, la coiffeuse a gagné la force de rebondir.