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Santé mentale: prenons soin de nos étudiants

Les demandes en soutien psychologique chez les étudiants ont pratiquement doublé en moins de trois ans à l’UQTR.

CHRONIQUE / Demandes toujours plus grandes pour obtenir des services de soutien psychologique, hausse du taux d’absentéisme en classe, anxiété, stress. Si la pandémie a eu un impact certain sur le bien-être des jeunes et des étudiants, force est de constater que le retour en présence cette session-ci n’a pas forcément contribué à régler tous les problèmes. En Mauricie, depuis les dernières années, on parle même d’une augmentation du simple au double des demandes d’aide chez les étudiants. Et en cette fin de session où chacun aura enfin l’occasion de pouvoir souffler un peu, il devient impératif d’adresser le problème afin de mieux prendre soin de nos étudiants.


À l’Université du Québec à Trois-Rivières, les chiffres ne mentent pas. Durant l’année 2019-2020, le Service aux étudiants enregistrait 334 demandes de consultation psychologique. Deux ans plus tard, en 2021-2022, ce sont 645 demandes qui ont été adressées. Et cette année, après seulement sept mois et demi de compilation et un retour en présentiel, 416 demandes de consultation ont déjà été adressées, ce qui laisse penser qu’on pourrait se diriger vers plus de 660 demandes durant l’année complète.

«Ce n’est pas compliqué: c’est du simple au double», résume le responsable des relations avec les médias à l’UQTR, Jean-François Hinse.



Depuis deux ans, le service a donc été bonifié de plusieurs ressources. En 2020, on comptait deux psychologues à temps plein. Cette session-ci, le service comptait sur trois psychologues à temps plein, deux à temps partiel et quatre techniciennes en intervention psychosociale, dont une spécialement dédiée à la première ligne, soit celle de trier les demandes et de recevoir les urgences.

Est-ce que l’ajout de ces ressources a fait en sorte que les étudiants étaient plus enclins à demander de l’aide? La sensibilisation à l’importance de demander de l’aide lorsqu’on vit un épisode difficile a-t-elle pu contribuer à une plus forte demande d’aide? Difficile de se prononcer avec certitude. Par contre, le corps professoral, lui, remarque que la session qui vient de se terminer n’avait rien d’ordinaire. Et si toutes sortes de problèmes ont été vécus par les étudiants durant la pandémie et le mode virtuel, le retour en classe n’a pas pour autant réglé tous les enjeux. 

«Depuis la pandémie, je rencontre beaucoup plus d’étudiants qui vivent une détresse psychologique qui nécessite des soins. De nombreux étudiants montrent des symptômes dépressifs et un certain nombre parmi eux ont des idées suicidaires. De façon générale, je constate que les étudiants sont beaucoup plus anxieux qu’avant. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les soutenir. Nous nous rendons disponibles en soirée et la fin de semaine, par téléphone, si nous avons l’impression qu’ils sont en détresse. Des collègues et moi avons l’intention de suivre des formations pour mieux les accompagner», confie Jason Luckerhoff, professeur, chef de section, directeur des programmes de premier cycle et directeur des programmes de cycles supérieurs par intérim au département de Communication sociale.

Cette session-ci seulement, M. Luckerhoff a eu à référer au moins une quinzaine d’étudiants au soutien psychologique du Service aux étudiants, des cas dont il avait été personnellement saisi. Parmi ceux-ci, quelques-uns représentaient une nécessité immédiate d’intervention. «Lorsque les étudiants étaient à distance, ils ont eu à vivre des difficultés de divers niveaux, et ça variait d’un cycle à l’autre. Là, ce qu’on voit, c’est une fatigue, un stress, une anxiété qui demeure et qui est très présente. Ça a cheminé tout au long de la session, jusqu’à des absences répétées lors des trois ou quatre dernières semaines dans certains cas», explique-t-il.



Collège Laflèche

Au Collège Laflèche de Trois-Rivières, on constate aussi cette hausse des demandes, de l’ordre de 47% depuis cinq ans. Pour les besoins de la cause, la directrice des affaires étudiantes, de l’international et de la fondation, Geneviève Dallaire, a fait l’exercice comparatif des demandes d’aide formulées durant les mois de novembre 2021 et de novembre 2022. Résultat: mois pour mois, on aura enregistré une hausse de 35% des demandes pour du soutien psychologique.

«C’est difficile d’évaluer si c’est seulement lié à la pandémie. Nous faisons de plus en plus de sensibilisation et d’actions pour faire connaître nos ressources. Est-ce que c’est parce que les étudiants sont plus sensibles à ça? Qu’ils connaissent mieux nos services», se demande Geneviève Dallaire.

Quoi qu’il en soit, le collège a choisi d’agir en amont à chaque début d’année scolaire, et procède à un dépistage des symptômes de dépression et d’anxiété chez tous les étudiants.

Retour en présentiel difficile pour certains

Et il ne faut pas croire que le retour en présentiel a été bénéfique pour tous. Certains étudiants, tant à l’UQTR qu’au Collège Laflèche, ont manifesté de l’inconfort quant à ce retour en présence. Pour certains, les difficultés relationnelles qui en découlent parfois ont joué un rôle dans l’anxiété et le stress.

«Nous sommes conscients qu’une proportion de nos étudiants ont préféré le mode virtuel, tout comme une proportion de notre personnel préfère aussi le télétravail. En deux ans, les gens ont développé de nouvelles habitudes. C’est aussi ce qui fait que notre offre de cours en ligne cette session était plus grande qu’avant la pandémie. Mais il est certain que le retour en présence a pu générer de l’anxiété pour des étudiants», fait savoir Jean-François Hinse.

Politique en santé mentale

L’UQTR a choisi de prendre le taureau par les cornes, et se dotera dès la session prochaine d’une politique en santé mentale, au même titre qu’elle dispose désormais d’une politique pour les violences à caractère sexuel par exemple. Cette politique est présentement en construction et permettra de mieux définir le rôle de chacun et d’offrir une meilleure boîte à outils à l’ensemble du corps professoral, des chargés de cours et du personnel de l’université pour mieux reconnaître les signes manifestés par une personne qui ne va pas bien. On compte aussi mettre en place une brigade de bienveillance, formée par des étudiants qui deviendront des témoins actifs et interviendront plus rapidement au besoin.

Une initiative saluée par le professeur Luckerhoff. «De se doter d’une politique, ça va devenir un bel outil, parce que ça va baliser les actions qu’il faut poser et nous donner davantage de ressources pour aider notre monde. Nous sommes bien souvent les personnes vers qui ils se tournent pour parler de tout ça, alors il faut savoir comment agir», convient-il.