Chronique|

Mieux encadrer le travail des enfants

Jean Boulet, ministre du Travail 

CHRONIQUE / J’entendais des restaurateurs s’inquiéter cette semaine de la volonté du ministre Jean Boulet de mieux encadrer le travail des « enfants » au Québec, par exemple en établissant à 14 ans l’âge d’admission à un emploi.


Et je comprends leurs craintes.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les restaurateurs comptent sur les travailleurs d’âge mineur pour servir au volant, derrière la caisse ou même en cuisine. Sans eux, c’est parfois une réduction des heures d’ouverture qui se profile à l’horizon, quand ce n’est pas une fermeture pure et simple.



Je les comprends, sauf que s’il subsistait encore un doute que le travail des « enfants » doit être mieux encadré au Québec, il vient de se dissiper.

Un rapport d’enquête de la CNESST paru jeudi sur un accident de travail survenu l’été dernier, au Village Vacances ValCartier (VVV), devrait tous nous convaincre de la nécessité d’agir.

Je résume les faits: un jeune travailleur de 14 ans a subi des blessures graves alors qu’il se déplaçait en autoquad avec trois autres jeunes préposés aux opérations extérieures du camping, également d’âge mineur.

Même s’il faut porter un casque, avoir 18 ans et même détenir un permis de conduire pour piloter un tel véhicule, l’employeur laissait les jeunes utiliser l’autoquad sans supervision pour se déplacer sur le site.



Le jeune de moins de 14 ans se trouvait dans la benne à l’arrière, un endroit où il est pourtant déconseillé de s’asseoir. Lors d’un virage, il a chuté. Puis la remorque lui est passée dessus. La position du travailleur sur le véhicule et le manque de formation sont les deux facteurs à l’origine de l’accident selon la CNESST qui a infligé 25 constats d’infraction à Village Vacances ValCartier dans la foulée de son enquête.

Je lisais le rapport, et j’en frémissais d’indignation. Je pensais à comment j’aurais réagi si c’était mon fils qui avait été blessé de la sorte.

Les employeurs doivent tenir compte qu’un jeune de 14 ans n’a pas les mêmes aptitudes et le même sens des responsabilités qu’un travailleur plus âgé. Et lui confier des tâches en lien avec son degré de maturité et ses compétences !

Apparemment, ce n’est pas ce qu’a fait Village Vacances ValCartier.

Ce qui est fâchant aussi, c’est l’insouciance de l’employeur non seulement au moment des événements, mais aussi à la suite de l’accident.

C’est l’hôpital où le jeune a été soigné, et non Village Vacances ValCartier, qui a signalé l’accident à la CNESST deux jours plus tard. Voilà qui suggère une réticence navrante de l’employeur à prendre ses responsabilités.



Lors de l’enquête, la CNESST a également découvert que sur les 800 employés embauchés l’été dernier par VVV, 500 étaient d’âge mineur.

Du nombre, une centaine d’employés de moins de 14 ans n’avaient pas d’autorisation écrite d’un parent ou d’un tuteur, ce qui est aussi obligatoire selon la loi.

Toute cette histoire devrait conforter le ministre du Travail, Jean Boulet, dans sa volonté de déposer un projet de loi en février prochain pour moderniser les règles entourant le travail des enfants au Québec. Elles datent d’un quart de siècle, et ont besoin d’être dépoussiérées.

C’est une démarche nécessaire non seulement pour prévenir le décrochage scolaire chez les jeunes, mais aussi pour faire face aux enjeux de sécurité. Les accidents de travail ont bondi de 36 % chez les travailleurs de moins de 16 ans en 2021.

Qu’on pense aussi au jeune émondeur de 17 qui a perdu la vie sur son lieu de travail à Trois-Rivières, en octobre dernier. La CNESST n’a pas encore publié son rapport d’enquête. Mais d’après des collègues de travail, c’est la « fougue », le « vouloir » du jeune qui l’a amené à se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment, alors que ses collègues abattaient un arbre.

Justement, dans son avis au ministre Boulet, le comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre souligne que les jeunes ont tendance à se sentir davantage « invincibles ». « C’est une préoccupation qu’il faut absolument garder à l’esprit lorsqu’ils sont au travail, puisque cela peut potentiellement avoir un impact sur leur santé et leur sécurité », ont souligné les membres du comité.

Le ministre Boulet devra faire plus que resserrer les normes encadrant le travail des enfants. Il devra aussi s’assurer que les organismes responsables de les appliquer aient les moyens de le faire.