Mardi avant-midi, le conseiller Dober a fait parvenir une lettre à ses collègues annonçant son intention de s’opposer à cette nouvelle hausse salariale, lettre dont nous avons obtenu copie. Et son intention est on ne peut plus claire.
«Imaginez deux minutes la réaction des citoyens lorsqu’ils connaîtront leur augmentation de taxe foncière. Certains devront peut-être même vendre leur maison. Une augmentation de cette taxe veut aussi dire augmentation du coût de la vie. Conséquemment, une augmentation de la pauvreté, augmentation des loyers, augmentation de l’itinérance. En somme, l’augmentation de la taxe foncière aura une cascade de conséquences que nous ne pouvons pas ignorer. Je ne me vois pas m’accorder une augmentation salariale dans un tel contexte. Je sais qu’il n’y a jamais de bon moment pour le faire, mais actuellement, ce serait le pire moment pour le faire, même graduellement», écrit-il.
Je me suis déjà prononcée, par le passé, en faveur de ce réajustement salarial, et je maintiens ma position: les élus de Trois-Rivières n’obtiennent actuellement pas une rémunération adéquate lorsqu’on la compare aux villes de taille équivalente. Qui plus est, cet ajustement devient nécessaire dans une optique où l’on souhaite la meilleure représentativité possible autour de la table du conseil, et où l’on souhaite inciter les meilleurs candidats à se présenter aux élections. Dans un monde idéal, ce serait à Québec de légiférer définitivement sur le salaire des élus municipaux. Mais en attendant que quelqu’un à Québec se réveille à ce sujet, le conseil municipal est condamné à être juge et parti de sa propre rémunération.
Mais pas maintenant! Pas cette semaine, alors que l’on s’apprête à envoyer aux contribuables un compte de taxes municipales qui, selon les prédictions, dépassera les 8% d’augmentation. Pas alors qu'on s’apprête à sabrer tous les services municipaux, qu’on s’apprête à fortement diminuer les services dans l’ensemble des bibliothèques municipales, qu’on sabrera dans les heures de glace pour les jeunes hockeyeurs, que des projets de construction ou de rénovation de piscines seront abandonnés et que de nombreux événements verront leurs subventions diminuées, sinon complètement rayées de la carte.
Pour en ajouter une couche, Radio-Canada affirme aussi que le budget du cabinet du maire pourrait être augmenté de 36%, soit un peu plus de 122 000 $. Ce budget, en fait, représente le salaire réservé à l’actuelle directrice du cabinet, entrée en poste au cours de l’année 2022. Il ne s'agit donc pas d'une augmentation de l'actuel budget, pour un cabinet qui fonctionne de cette façon depuis juin dernier. Or, il n’en demeure pas moins que pour le cabinet de Jean Lamarche, il s’agissait de l’ajout d’une ressource à ce cabinet qui comptait déjà sur la présence d’une conseillère spéciale en la personne de Marianne Méthot, d’un porte-parole et d’une adjointe administrative.
En entrevue, le maire Jean Lamarche a justifié cet ajout par la nécessité d’augmenter sa représentation, que cette nouvelle ressource lui permettrait d’être davantage présent un peu partout au Québec, d’assurer d’aller chercher tout ce à quoi la Ville a droit, et qu’au final, ce sera bénéfique pour l’ensemble.
D'ailleurs, en après-midi, M. Lamarche a tenu à préciser que du budget qu'il pourrait légalement utiliser pour son cabinet, à peine 52% étaient utilisés. La loi lui autoriserait de dépenser 951 000$ pour les dépenses du cabinet, mais elles ne représentent que 502 000$ au budget annuel. "Vous n'avez qu'à faire la comparaison, nous avons le plus petit cabinet de toutes les villes de taille semblable", a-t-il affirmé. Il n'a pas manqué de rappeler que depuis les trois années qu'il est en poste, il aurait eu besoin de cette ressource supplémentaire, mais qu'il s'est bien gardé de l'imposer au budget, ce qui selon lui a représenté une économie sur les trois dernières années.
Jean Lamarche a du même coup réitéré que jamais, de son côté, il n'avait demandé d'augmentation salariale pour son poste de maire. Par ailleurs, si un seul conseiller municipal devait se prononcer en défaveur de l'augmentation salariale des élus municipaux, il votera contre lui aussi, ce qui mettra un terme au processus. C'est donc probablement ce qui arrivera ce vendredi. À suivre.
Toutefois, à ce moment-ci, la nouvelle concernant l'ajout d'une ressource au cabinet cette année reste un message contradictoire vis-à-vis les contribuables, mais également les différentes directions de la Ville, qui ont dû gratter les fonds de tiroir au cours des derniers mois.
On se demande combien de ces directions rêveraient aujourd’hui d’avoir une telle représentation... On se demande aussi ce qu'en disent les citoyens de Trois-Rivières, eux qui auront des choix déchirants à faire en recevant leur compte de taxes municipales.
Parce qu’au même moment, ils reçoivent aussi leur compte d’électricité, leur facture d’épicerie, la hausse de leur paiement de loyer, la hausse de leur facture d’essence.
Comprenons-nous bien: le rôle d’un cabinet du maire dans une ville comme Trois-Rivières est important en ce qui concerne non seulement le lien avec le conseil municipal, mais aussi la présence politique auprès des événements et organismes du territoire, en plus d’assurer une grande représentativité à l’échelle de la province.
Dans des temps aussi troubles sur le plan financier, toutefois, les citoyens ont le droit de soulever des questions qui demeurent légitimes.
L'une de ces plus légitimes questions demeurera celle de la rémunération des conseillers municipaux, et elle n'a pas fini de faire réagir.
À la veille de cet important vote qui laissera des traces dans le portefeuille de chacun des contribuables, on peut comprendre la grogne populaire qui se fait entendre à la fois sur la place publique et sur les réseaux sociaux. Aussi nobles les intentions derrière ces décisions puissent-elles être, il est peut-être temps de les reconsidérer et d’accepter que le politique, à l’instar de tout le reste, se serre lui aussi la ceinture.