Chronique|

Le présent en cadeau

Pour ceux et celles qui croyaient que le coût du panier d’épicerie allait se stabiliser pour la prochaine année, l’annonce faite cette semaine par les experts qui prédisent le contraire ébranle à la fois les plus démunis comme les mieux nantis.

CHRONIQUE / Les prix ne cessent d’augmenter. La planète vit de grands bouleversements climatiques et la population se partage un paquet de virus et d’infections. Nos hôpitaux croulent sous les listes d’attentes et les écoles enregistrent des taux d’absence inédits. Dans un contexte aussi peu joyeux, peut-on vraiment célébrer Noël comme si de rien n’était?


Ne soyez pas inquiets. Moi qui ai l’habitude de toujours trouver le positif en toute situation, je ne suis pas en train de sombrer dans la grisaille de notre époque. Mais force est d’admettre que les circonstances entourant le mois de décembre sont peu réjouissantes.

À peine remises de la pandémie, les familles sont confrontées à plusieurs problématiques aussi variées que le choix des décorations de Noël à accrocher dans un sapin.



Pour ceux et celles qui croyaient que le coût du panier d’épicerie allait se stabiliser pour la prochaine année, l’annonce faite cette semaine par les experts qui prédisent le contraire ébranle à la fois les plus démunis comme les mieux nantis. Pour les uns, cette mauvaise nouvelle signifie la continuité de la triste symphonie des estomacs vides qui gargouillent. Pour les autres, on peut penser que les dépenses moins essentielles s’en retrouveront amputées. Et lorsqu’on ajoute la septième hausse du taux directeur dans l’équation, on se doute que certains de la deuxième catégorie devront rejoindre le groupe qui n’a d’autre choix que de se tourner vers l’aide alimentaire.

Heureusement, tout le monde ne vit pas avec des difficultés financières. Les nombreux cadeaux achetés sur les «Amazon» de ce monde abonderont sous les sapins des chaumières. Il faut alors se forcer à oublier à quel point la Terre est sursaturée de déchets causés par la consommation excessive pour s’adonner au dépouillement d’arbre de Noël sans remords. Encore faut-il pour y arriver, une bonne dose d’insouciance et faire abstraction de la pollution engendrée par un magasinage outremer.

Reste que pour vivre un beau Noël avec le buffet – ou pas – et avec les cadeaux – ou non – l’important, c’est évidemment d’avoir la santé pour en profiter. Et ce n’est pas nécessairement le cas de tout le monde. Après la COVID qui semble les avoir épargnés dans son ensemble, les enfants sont attaqués de tout bords, tout côtés. Grippe, gastro, streptocoque: un bouillon de cochonneries guette les parents et tous ceux qui les côtoient. Sans parler de tous ces cas de cancer et de maladies graves qui continuent de ronger leurs hôtes en attendant de pouvoir consulter un médecin.

Le portrait de notre société à l’aube de 2023 n’est pas très reluisant…



Et je laisse volontairement de côté toutes les guerres à l’international et les épisodiques fusillades chez nous, envers lesquelles le citoyen moyen se sent complètement impuissant.

Car on ne peut pas porter tout le poids du monde sur ses épaules! Paradoxalement, ce n’est pas facile de fermer les yeux sur la noirceur qui nous entoure en cette période dite de réjouissances.

Ça me fait penser à ce que je dis souvent en conférence: on ne choisit pas les épreuves qui nous tombent dessus, mais on a au moins un choix, celui de décider comment on va rebondir. On peut donc faire de petits gestes qui, collectivement répétés, finiront par prendre une plus grande valeur.

On peut choisir de donner du temps en cadeau cette année.

Alors que je venais de fêter mes 18 ans, deux de mes amies et moi avions décidé sur un coup de tête de nous rendre à l’Hôtel-Dieu de ma municipalité pour tenter de divertir les résidents. Une jouait magnifiquement bien du piano et nous l’accompagnions avec nos bâtons du diable tout en effectuant quelques mouvements de danse. Le petit spectacle improvisé aux allures d’un cirque joyeux a eu tout un effet sur les personnes âgées en fin de vie.

Jamais on ne s’était attendu à vivre d’aussi puissantes émotions simplement en parcourant les salles de séjour pour semer un peu de joie. Je me souviendrai toujours du monsieur qui ne bougeait jamais au dire de ces préposés. Après avoir entendu la dernière note au piano, il s’était mis à remuer les bras pour nous applaudir.



Avant de quitter l’endroit qui m’apparaissait comme un triste mouroir, on a décidé de rester un peu plus longtemps, juste pour saluer et écouter les âmes qui y vivaient. Alors que j’avais posé ma main sur l’épaule d’une vieille dame en lui passant le bonjour, sa réaction de surprise m’avait frappé droit au coeur.

«Qui est là? Qui me parle?» Les yeux pleins d’eau, elle appréciait le moment présent. Comme si le temps que je lui consacrais sans même la connaître était le plus beau des cadeaux.

C’est ce genre de présents qu’on devrait offrir sans compter. Du temps aux gens qu’on aime. Du temps aux plus vulnérables. Du temps, un sourire, de l’écoute. Créer des souvenirs dans le coeur des autres comme dans le nôtre. C’est gratuit et carboneutre. C’est joyeux, valorisant et ça pourrait bien éclipser toute la morosité qui sournoisement s’est installée.

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Artiste peintre, conférencière, auteure… et quadruple amputée, Marie-Sol St-Onge partage sa façon de voir les choses qui l’entourent. Un angle de vue différent, mais toujours teinté d’humour et de positivisme.