Frictions sur thème immobilier au conseil municipal de Saint-Boniface

Le maire de Saint-Boniface, Pierre Désaulniers, a fait face à des citoyens critiques de son administration lundi soir.

Transactions, tergiversations, remontrances, l’assemblée du conseil municipal de Saint-Boniface de lundi soir a été le théâtre de quelques échanges cassants entre élus et citoyens. Les esprits s’échauffent et certains s’impatientent alors que le dossier de l’hôtel de ville stagne et que celui de la nouvelle caserne, en mal d’unanimité, donne lieu à des décisions ambiguës. Le tout tandis que le maire Désaulniers est pris à partie sur son implication dans le «Zéro rue Guimont».


La soirée s’est ouverte sur un vote partagé quant à l’acquisition d’un immeuble situé au 101 Principale, angle Guimont. L’idée est de démolir l’édifice qui compte deux logements et un local commercial. On invoque des questions de sécurité. L’intersection serait difficile à manœuvrer pour les autobus scolaires et les véhicules d’urgence surdimensionnés. C’est aussi par là que sortiraient les camions de pompier si la future caserne est construite sur la rue Guimont, chose encore incertaine.

Seul le conseiller Luc Arseneault s’est opposé à la résolution qui entérine le règlement d’emprunt pour l’achat du bâtiment. «Il n’y a aucun plan de réaménagement qui nous a été présenté avant de passer au vote», déplore-t-il. La majorité fait valoir qu’il s’agit d’une aubaine, tandis que l’immeuble se transige à 138 000$, soit quelque 30 000$ sous l’évaluation municipale. M. Arseneault estime cependant qu’à la dépense s’ajoutent différent frais, dont ceux liés à la démolition. «En plus, on va être privés de revenus de taxes», insiste-t-il.

Le conseiller municipal de Saint-Boniface, Luc Arseneault s’est opposé à un règlement d’emprunt visant à acheter et détruire une résidence de la rue Principale.

Les réserves du conseiller Arsenault ont trouvé écho à la période de questions. «C’est comme ça qu’on fonctionne à Saint-Boniface? Un projet qui n’est pas ficelé du début à la fin?», demande incrédule le citoyen Alain Gélinas. «On n’est même pas sûr encore... Advenant que la caserne de pompier est pas là... Allez-vous faire pareil le chemin?», interroge-t-il encore.

Le maire Pierre Désaulniers ne semble pas s’enticher de pareilles inquiétudes. «On va voir ça dans le futur», laisse-t-il tomber. Un autre conseiller a suggéré quant à lui que l’immeuble pourrait toujours être revendu si la Municipalité n’allait pas de l’avant avec une caserne sur la rue Guimont.

Confiant, le premier magistrat souligne par ailleurs que même si différentes avenues sont explorées, le terrain identifié sur la rue Guimont, adjacent à l’hôtel de ville, demeure le site privilégié pour la future caserne. Les élus devraient statuer sur la question à la prochaine réunion. Le projet est assorti d’une subvention d’environ 65% provenant de Québec, dont l’échéancier doit être mis en branle sans trop tarder – on évoque février 2023.

L’éthique du maire remise en question

Le dossier du Zéro rue Guimont a à nouveau été soulevé à la période de questions. Le terrain en cause appartenait au maire Désaulniers avant qu’il ne le vende à son beau-frère. Hors-norme, la propriété a fait l’objet de décisions successives et contradictoires du conseil municipal au cours des derniers mois. Les élus ont d’abord refusé le droit d’y construire un immeuble bifamilial, avant de se raviser le mois suivant.

Le chassé-croisé s’est joué sous les directives du maire, qui a brandi un avis favorable du Comité consultatif d’urbanisme (CCU) datant de 2019, quant à une demande similaire formulée au même endroit. Outrés, certains n’ont pas fait de détours pour qualifier le rôle de M. Désaulniers dans toute l’affaire.

«Est-ce que vous gouvernez pour vos propres intérêts ou ceux de vos citoyens?», lance le citoyen Marc Lemire à l’adresse du premier magistrat. «Le citoyen, ça va y donner 4000$ de taxes par année», rétorque Pierre Désaulniers.

M. Lemire fait valoir qu’il avait déjà lui-même eu des visées sur le terrain au centre de la controverse, mais qu’il s’était fait répondre qu’aucune construction n’y était possible. «Maintenant que c’est dans la famille...», souffle-t-il à mots à peine couverts.

«Qu’est-ce que tu veux insinuer? Dis-le clairement, tout est enregistré, dis-le clairement, qu’est-ce que tu veux dire?», s’insurge à nouveau le maire Désaulniers.

«Je veux juste savoir s’il n’y a pas apparence de conflit d’intérêts dans toute cette histoire-là», répond pugnace M. Lemire. Ce contre quoi M. Désaulniers s’est vivement défendu, invitant son interlocuteur à le poursuivre s’il voyait matière à le faire.

Marc Lemire, citoyen de Saint-Boniface, remet en question l’éthique du maire Pierre Désaulniers.

Le Zéro rue Guimont occupe l’ordre du jour pour une quatrième séance consécutive, alors que la composition du CCU est remaniée. Questionné sur le soudain changement de garde au comité qui donne son avis aux élus sur les sujets d’urbanisme, le maire a vaguement évoqué le désir de laisser la chance à d’autres de participer à la vie municipale – certains y siégeaient depuis plus de 20 ans, semble-t-il.

Une autre citoyenne, Maude Lessard, a verbalisé son malaise face à la tournure des échanges. «Je suis estomaquée de comment les gens se font parler, je suis estomaquée de voir comment ça se passe présentement... Là, j’entends des citoyens avec certaines inquiétudes, qui posent des questions sur l’éthique, et qui se font répondre: t’as juste à nous amener en cour!»

Mme Lessard a laissé son commentaire en suspens, invitant les élus à réfléchir plutôt qu’à lui répondre.

L’hôtel de ville doit encore attendre

Pendant ce temps, le dossier de l’hôtel de ville, qui sera rénové plutôt que démoli, comme cela avait d’abord été envisagé, ne progresse guère. Des citoyens ont à cet effet également manifesté leur impatience, tandis que des locaux ne sont plus accessibles à la population pour de nombreuses activités.

En marge de la réunion de lundi, le maire Désaulniers confie être à la remorque des programmes du ministère des Affaires municipales. «On ne peut pas toucher à rien tant qu’on nous aura pas donné de subventions», explique-t-il.

«Aussitôt que le document va être parti, je vais appeler [le député] Simon Allaire pour qu’il pousse dessus, parce que c’est pas urgent, c’est très très très urgent», pointe le premier magistrat.

Le budget déposé fin janvier

Notons enfin que la population de Saint-Boniface devra patienter jusqu’au 30 janvier pour connaître le fin mot du prochain budget municipal. La démission récente de Maryse Grenier, secrétaire-trésorière de la Municipalité depuis de nombreuses années, se traduit par un délai incontournable, comprend-on.

Le maire Désaulniers ne s’étend pas sur les raisons du départ de la comptable en chef, sinon pour dire qu’il est normal de vouloir améliorer sa situation. Une nouvelle directrice entrerait en fonction dans les jours à venir, semble-t-il.