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Des retombées d’un million$ en péril pour une économie de 13 000$

Le colisée Vidéotron et tous les autres arénas de la ville seront utilisés par les policiers fin avril 2023.

CHRONIQUE / La Ville de Trois-Rivières va-t-elle laisser filer un événement sportif générant des retombées économiques d’un million de dollars pour des pinottes?


C’est le bruit qui court à propos du tournoi provincial annuel des policiers qui s’est tenu une première fois le printemps dernier dans la cité de Laviolette.

Ce tournoi, ce sont 1500 policiers qui débarquent pour un long week-end en avril. Le parc hôtelier déborde, les restaurants sont bondés. Tous les arénas de la ville, même ceux privés, sont sollicités. Ça fait beaucoup, beaucoup d’argent injecté dans le milieu en l’espace de quelques jours.

Pour attirer ce tournoi en 2019, Innovation et Développement économique Trois-Rivières et la Ville avaient planché sur une entente tripartite. La part de la Ville: alléger la facture de 60 000$ pour la location des glaces de quelque 13 000$.

«C’était un coup de circuit», plaide Jean-Philippe Lemay, qui ne s’est pas défilé quand je l’ai rejoint pour discuter du dossier. À titre de délégué commercial, tourisme sportif, c’est Lemay qui avait réussi à convaincre les policiers de venir à Trois-Rivières. «Quelle ville ne voudrait pas d’un tel événement? Ce sont des grosses retombées économiques et en plus, les profits du tournoi sont remis à des organismes communautaires de la ville.»

Finalement, le coup de circuit est peut-être en train de se transformer… en fausse balle.

En raison de la COVID, les policiers ont dû attendre à 2022 avant de disputer la 45e édition de leur tournoi. Ils devaient «ouvrir» le nouveau Colisée, ils n’y ont finalement presque pas joué en raison de conflit d’horaire avec les Lions.

À ce sujet, on s’est assuré que la situation ne se reproduise pas. Le tournoi a été repoussé du début à la fin avril en 2023. À cette période de l’année, aucun conflit d’horaire: Patriotes, Estacades, Dragons, le senior, le hockey mineur, tout est terminé.

Les arénas sont vides.

Par contre, les policiers ont été avisés par le service des loisirs qu’ils ne pourront plus compter sur le rabais consenti par la Ville pour les heures de glace.

Vous savez, le budget s’annonce très difficile à rédiger, tout le monde doit faire sa part.

En théorie, c’est noble.

En pratique, ce concept risque de causer des dégâts s’il est appliqué sans nuances.

Pour des événements de ce genre-là, Trois-Rivières est en compétition avec d’autres villes. Paraît que Victoriaville, par exemple, est prête à éponger entièrement la facture des glaces pour reprendre le tournoi!

Une source près des policiers m’indique que ceux-ci préfèrent Trois-Rivières. C’est, disons-le comme ça, plus central – et festif – que les Bois-Francs pour une grande réunion entre collègues!

Mais il y a des limites au pouvoir attrayant du décor.

Se sentir respecté dans un processus, ça aussi, c’est important. Se faire ouvrir une entente bouclée de trois ans sous le nez, ça ne doit pas donner le goût de rester quand d’autres villes font la file...

Pour 2023, les policiers vont jouer à Trois-Rivières. Le délai est trop court pour tout chambouler. Mais à partir de là, Lemay voit mal comment sa ville pourra conserver l’événement.

«Le mal est fait. Ça fait quelques semaines que ce dossier traîne. J’ai commencé à faire mon deuil pour 2024», confie Lemay. «Je suis un peu indigné de la situation mais je dois faire avec. C’est une décision politique que je ne contrôle pas. Ma job, c’est de trouver des solutions pour que l’édition 2023 soit à la hauteur des attentes des policiers. Il faut sauver les meubles et laisser une belle carte de visite, si on veut toujours attirer des événements chez nous...»

Joint par Le Nouvelliste, le maire Jean Lamarche est un peu moins alarmiste. Il ne veut pas commenter directement les montants en cause, mais il promet de reparler aux policiers à court terme. «Je ne peux présumer des décisions qui seront prises par le conseil dans le cadre du budget. Ceci étant dit, on va travailler de façon à trouver un moyen pour que ça fonctionne. On va prendre le temps de rencontrer les policiers. S’ils optent pour une autre ville, au moins on aura essayé de les retenir.»

Ce n’est pourtant pas si compliqué.

Des pinottes!

Pour faire rouler des arénas qui sont vides fin avril, et des commerces qui sont en basse saison.

Parole de Lemay, certains restaurants ont signé un week-end record pour avril en 2022 avec tous ces policiers en ville.

En plus, ce «rabais» consenti sur la location des heures de glace est inférieur au montant remis aux organismes communautaires par les policiers! L’an dernier, ce sont 22 000$ qui ont été redistribués, notamment chez les Patriotes, le hockey mineur, le Fonds Jean-Pierre-Petit et Leucan.

Trois-Rivières a vraiment les moyens de laisser filer ça?

«Nous, on veut rester», tranche Sébastien Matte, sergent enquêteur à la Sûreté du Québec au poste de la MRC Chenaux et président du tournoi de hockey provincial du Québec, qui a retourné l’appel du Nouvelliste en fin de soirée. «On avait signé une entente de trois ans. Si l’entente est respectée, on va rester. Mais c’est sûr que si l’entente n’est pas respectée, on va partir. Pourquoi rester si on n’est pas désiré», lance-t-il.

Matte se fait quand même rassurant. Il avait parlé quelques minutes auparavant à Jean-Philippe Lemay, dont il vante la coopération depuis le jour 1 de l’entente. Lemay lui a répété qu’il cherchait des solutions. Et puis il y a le conseiller René Martin qui l’a appelé pour lui demander un peu de temps, afin de faire cheminer le dossier. «René est conscient de la valeur du tournoi, il va tenter de sensibiliser ses collègues. J’apprécie qu’il soit pro-actif. Ça fait un bout que ça traîne, mais on peut bien attendre quelques jours de plus si ça permet de résoudre le problème...»