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Vers une nouvelle révolution en Mauricie et au Centre-du-Québec

On anticipe, pour Bécancour, des investissements qui devraient atteindre à court terme les quatre milliards et créer 1500 emplois. Mais certaines prévisions pointent plutôt vers les 4000 emplois.

CHRONIQUE / Si on prête une oreille facile aux économistes et autres prévisionnistes, il ne ferait à peu près plus de doute qu’on se dirige sur le plan mondial vers une période de perturbations économiques... et certains diront que c’est déjà pas mal commencé.


La question serait de pouvoir trancher entre la petite récession vite passée selon les uns et, pour d’autres, le mur implacable sur lequel nos économies seraient condamnées à brutalement s’effondrer.

On devrait être fixé sur tout cela dans les mois qui viennent.

Et si, par un heureux hasard de transition énergétique qui doit être menée à pas forcés, deux petites régions qui se côtoient depuis toujours et qui n’en forment souvent qu’une se trouvaient conjoncturellement à l’abri de ces turbulences mondiales.

On peut se mettre à rêver, penser même qu’on fabule, mais il n’est pas impensable qu’une grande partie de la Mauricie et du Centre-du-Québec connaissent plutôt, dans l’année qui vient, un décollage économique.

C’est pourtant ce que nous promet la filière de la batterie électrique qui devrait prendre vraiment forme en 2023 au Québec, principalement à Bécancour, mais aussi en Mauricie avec la reconnaissance promise de zone d’innovation en transition énergétique et en décarbonation, qui englobera Shawinigan, Trois-Rivières et Bécancour.

Un genre de Silicone Valley, mais du lithium et du graphite.

Pour nous en convaincre, Donald Martel, le député de Nicolet-Bécancour répète, chaque fois qu’il en a l’occasion, que la filière batterie va faire exploser l’économie régionale de la même façon que l’avait fait l’industrie du papier dans la région, dans la première moitié du 20e siècle.

L’homme, faut-il le rappeler, a grandi dans l’ombre de la Laurentide Pulp and Paper, à Grand-Mère. Sa référence est concrète.

Il y aura autant d’emplois directs, à gros salaires, qu’il s’en est créés dans le papier.

Bien sûr, on peut être enclin à échapper un petit sourire en coin quand on parle du Parc industriel et portuaire de Bécancour, surtout ces dernières années, tellement il y a eu d’annonces mirobolantes – il suffit de penser entre autres à Rio Tinto ou Iffco – dont on a abondamment parlé, mais qui ne se sont jamais concrétisées.

Il y avait à un certain moment tellement de prospects industriels, parfois identifiés mais surtout discrets, qu’on prédisait l’agrandissement nécessaire du PIPB jusqu’au pied des collines de Saint-Grégoire, à quelques kilomètres au sud.

La filière batterie apparaît quand même beaucoup plus acquise… même s’il reste toujours bien des choses à attacher, en général le montage financier... ou la hauteur de la participation gouvernementale.

Sur la base d’une étude commandée au groupe McKinsey – décidément très sollicité par le gouvernement caquiste –, Québec serait pleinement justifié d’investir jusqu’à trois milliards dans cette filière qui pourrait créer jusqu’à 25 000 emplois, dans une majorité de cas à 120 000 $ par année.

Depuis, l’inflation s’est invitée. Alors, il faut revoir beaucoup de prévisions à la hausse.

N’empêche qu’en principe, au moins quatre entreprises devraient amorcer la construction de leur usine en 2023 pour des entrées en production en 2025.

C’est le cas de GM-Posco, au moins 500 millions $ et 200 emplois, mais aussi de l’Allemande BASF, de Nemaska Lithium (1,5 milliard $ avec une participation d’IQ de 300 millions $) et de Nouveau Monde Graphite (avec une probable participation de Panasonic), qui devraient tous mettre en chantier dans les mois qui viennent.

Si BritishVolt a déclaré forfait, on sait qu’il y a beaucoup d’autres grands joueurs qui arpentent les terrains du parc et cognent aux portes d’Investissement Québec.

On anticipe, pour Bécancour, des investissements qui devraient atteindre à court terme les quatre milliards de dollars et créer 1500 emplois. Mais certaines prévisions pointent plutôt vers les 4000 emplois.

Il faut qu’il y ait du fondement, car Québec s’est déjà engagé dans des investissements, sous diverses formes, jusqu’à près d’un milliard à Bécancour. Juste pour l’agrandissement du parc vers Gentilly et son aménagement, c’est 375 millions $.

Pour démontrer le niveau d’avancement élevé des projets et s’assurer qu’on saura répondre aux besoins considérables qui seront générés par ce nouveau développement, la Ville de Bécancour a réuni il y a deux semaines 200 entrepreneurs de la région.

On a réalisé que beaucoup d’entre eux, et même certains de l’extérieur de la région, se positionnaient déjà solidement afin de bien satisfaire aux besoins industriels à venir, mais aussi en matière d’habitation et de logement.

On comprend que Bécancour veut aussi profiter au maximum des retombées économiques et démographiques d’un essor industriel inédit.

Historiquement, une majorité de fournisseurs de produits et de services venait de l’extérieur de Bécancour, principalement de Trois-Rivières où prenaient aussi résidence au-delà de 70% des travailleurs des entreprises du PIPB.

Il y a une volonté légitime à Bécancour de s’accaparer d’une plus large part du gâteau et on s’y prépare.

Au-delà des grandes sociétés industrielles qui ont déjà publiquement manifesté leur intérêt à s’insérer dans la filière des batteries industrielles, on devrait aussi ajouter Réseau allégé Québec. Un projet de fabrication de batteries de 1 milliard $ pour lequel on a pris option sur un terrain dans le parc industriel à grand gabarit de Shawinigan, dans le secteur Saint-Georges.

Avec les emplois indirects ou induits, qui se compteront par milliers, les défis à relever dans la région apparaissent immenses.

Non seulement il faudra recruter ces milliers d’employés, mais aussi les loger avec leur famille et offrir un milieu qui comprend tous les services requis. Ce qui dépasse toutes les capacités actuelles.

Il y a déjà 5600 postes à pourvoir en Mauricie. Il faudra être très imaginatif pour recruter aussi massivement... et être en capacité d’installer tout le monde.

Dans un contexte où tout développement, qu’il soit industriel, commercial ou résidentiel, en général pour des raisons environnementales légitimes ou pour simplement préserver son milieu de vie actuel, présente son lot de réserves, souvent d’oppositions et parfois, de refus aussi ferme qu’organisé, il faudra prévoir de bons débats de société.

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Coup de cœur: «L’oiseau le fait, le vent le fait, l’enfant le fait aussi...» Jean Lapointe, on la chante à travers tout le Québec ta chanson.

Coup de griffe: Avec ce qui se passe dans les CHSLD et les RPA, on se demande s’il ne faudrait pas relancer les vocations religieuses pour en confier la gestion à des congrégations.