C’est entre autres ce qu’il est venu dire par visioconférence devant un parterre de jeunes gens d’affaires réunis dans le cadre de la tournée du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec qui s’est arrêtée jeudi à Rivière-du-Loup. La rencontre était placée sous le thème «La crise de l’habitation: en mode solutions».
Pendant que la situation économique est plombée par des enjeux cruciaux comme la flambée des prix de l’immobilier, la hausse des taux d’intérêt et la pénurie de logements, l’initiative vise à offrir un espace permettant les échanges entre de jeunes entrepreneurs et des professionnels.
Conséquences sur le développement économique
Pour le président et chef de la direction de Desjardins, la crise du logement a des conséquences sur le développement économique. «On veut aider nos jeunes membres à devenir autonomes financièrement, indique-t-il en entrevue téléphonique avec Le Soleil. Un des éléments est d’avoir accès à une propriété. L’immobilier est un bien qui prend de la valeur comme actif et qui peut contribuer, dans beaucoup de cas, à construire le patrimoine d’une famille, d’un couple, d’un individu. Donc, la crise du logement fait en sorte que des jeunes ont moins de chances d’investir rapidement dans l’immobilier.»
Selon lui, le phénomène cause une iniquité intergénérationnelle. «On pourrait avoir une génération qui n’aura pas les mêmes conditions pour pouvoir investir dans l’immobilier ou se bâtir un patrimoine immobilier comme les générations précédentes.» Mentionnons que, depuis les années 1950, l’achat d’une maison était largement associé à l’enrichissement et au bonheur. Or, plusieurs individus de 40 ans et moins voient leur rêve d’accéder à la propriété s’évanouir.
Situations peu enviables
Guy Cormier se dit profondément préoccupé par des situations peu enviables comme de jeunes couples ou de jeunes familles qui doivent dormir au sous-sol de la maison de leurs parents parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter une maison ou de se loger à prix raisonnable. Un autre exemple: des jeunes venus étudier à Rimouski à l’hiver 2022 qui ont dû se loger dans un motel parce qu’il n’y avait plus de logements abordables de disponibles. Selon le Regroupement des cégeps en région, la crise du logement est d’ailleurs un frein important au recrutement d’étudiants internationaux.
Des situations d’itinérance cachée ont été dévoilées dans la Baie-des-Chaleurs, en Gaspésie. Des personnes n’ayant pas de domicile sont hébergées temporairement chez d’autres personnes, habitent une roulotte ou vivent dans une maison de chambres.
De La Pocatière à Gaspé, le marché immobilier est sous pression. La pandémie a poussé l’augmentation des prix des propriétés vers un sommet historique. L’exode de certains citadins vers les régions a accentué le phénomène. De plus, les taux d’intérêt qui ne cessent de grimper depuis le début de l’année rendent l’achat d’une résidence inabordable. Par conséquent, le montant des hypothèques est exorbitant.
Un écosystème bienveillant
De l’avis de Guy Cormier, la crise du logement nuit à la vitalité économique des collectivités. Parmi les solutions, il recommande d’offrir aux jeunes un écosystème bienveillant. Il fournit comme exemple la décision de Desjardins prise en juin avec le gouvernement du Québec, Fondaction et le Fonds de solidarité FTQ, d’injecter des sommes dans un projet visant la construction de 3000 logements sociaux au Québec au cours des prochaines années.
«Nous sommes un des rares prêteurs au Québec qui finance des projets d’autoconstruction, notamment dans le Bas-Saint-Laurent, ajoute Guy Cormier en entrevue avec Le Soleil. On accompagne aussi les gens dans la planification de leur projet en les aidant à faire un budget, à épargner, à pouvoir utiliser les différents programmes gouvernementaux. Donc, la bienveillance va bien au-delà du financement.»
Pour le grand patron de Desjardins, un écosystème bienveillant passe aussi par l’aide de son organisation auprès des municipalités. «Il y a des projets qu’on a mis de l’avant avec le Fonds du Grand Mouvement pour qu’il y ait des congés de taxes pour des gens qui achetaient une première propriété.»
Ralentissement à prévoir
Le nombre d’acheteurs est en baisse parce que de moins en moins de gens ont les moyens d’accéder à la propriété. Le ralentissement se fait sentir. Les offres multiples et les surenchères se raréfient. Seule prédiction optimiste, le marché de l’habitation deviendra un peu plus abordable vers la fin de 2023, de l’avis de Guy Cormier. «La baisse des prix est amorcée et elle va se poursuivre pour atteindre 17% d’ici la fin de l’année prochaine.» Les taux hypothécaires devraient suivre la tendance eux aussi.
Si les prix des maisons descendent, cela ne règlera pas nécessairement les difficultés vécues par les jeunes; ils continueront à être touchés par la situation. Pourquoi? Parce que, selon M. Cormier, une majorité des Québécois de moins de 35 ans sont locataires. Par conséquent, avec l’augmentation des prix des loyers, ils ont de la difficulté à épargner pour la mise de fonds nécessaire à l’achat d’une maison. Avec la pénurie de logements, la pression à la hausse des prix des logements se maintiendra. De plus, les personnes de 18 à 29 ans représentent le groupe dont le taux d’endettement et le poids des paiements mensuels par rapport au revenu sont les plus élevés.
C’est pourquoi le dirigeant de Desjardins insiste sur l’importance de construire des logements sociaux. «Mais, les délais de construction sont importants et l’injection de fonds publics et privés ne suffit pas. Il faut accélérer le rythme de construction. Il faut élargir l’accès à la propriété.» Guy Cormier ne souhaite enfin qu’une chose: que les jeunes puissent avoir un cadre de vie agréable et abordable.