Six ans après sa fondation, l’entreprise Waste Robotics a définitivement le vent dans les voiles avec son robot trieur de déchets, à la lumière des propos de l’un des fondateurs, Éric Camirand.
Un jour, Michel Laforest, qui avait découvert cette technologie en Finlande, lui a dit: «Tu connais les poubelles, tu connais l’informatique, est-ce qu’on serait capable de faire ça?» C’est alors qu’il s’est tourné vers Pierre Grenon, qui travaillait chez un fabricant de robots, pour explorer cette possibilité.
«On voulait créer notre propre robot pour trier parce qu’on voyait qu’il y avait une problématique qui s’en venait dans les centres de tri. Mettre du monde pour trier des poubelles, ça n’a pas de sens», confie M. Camirand.
Et grâce à l’intelligence artificielle qui s’est démocratisée en 2016, «on était capable de commencer à détecter des affaires sur les convoyeurs».
Dès la première année, Waste Robotics a vendu un robot à Minneapolis. «La première application qu’on a faite, qui était quand même assez simple, on ramassait des sacs de matières organiques sur un convoyeur. On développait, on était capable de reconnaître des sacs bleus. Depuis ce temps, on reconnaît n’importe quoi, une bouteille, un morceau de papier», se plaît-il à raconter.
Au fil de toutes ces années de développement, l’entreprise a utilisé toutes sortes de caméras, couleur, 3D, hyper spectrales, qui permettent de voir la chimie des matériaux.
«Là, on est capable de voir différents types de plastique et toutes sortes d’affaires comme ça. Et à travers les années, on a développé une machine de plus en plus complexe qui est capable de faire un paquet de tris avec précision», ajoute M. Camirand.
Car la beauté du robot signé Waste Robotics, c’est qu’il peut être programmé pour trier différents matériaux, ce qui donne de la flexibilité.
«Quand on programme le robot pour trier du bois, si c’est surtout du bois, on lui dit: sors-moi la brique, les plastiques, les contaminants et laisse passer le bois. Tu peux avoir du tri positif, tu vas chercher ce que tu cherches, ou du tri négatif, tu enlèves ce que tu ne veux pas», explique-t-il.
«On a vraiment un logiciel qui nous permet d’utiliser différents types de robots pour lever des petits ou gros morceaux. On achète nos robots au Japon d’une compagnie qui s’appelle FANUC, soit le plus gros roboticien au monde», renchérit M. Camirand.
Et c’est ce qui fait, dit-il, la force de Waste Robotics dans le marché. «Ayant accès à plusieurs types de robots, on peut faire toutes sortes d’applications. On peut lever des petites bouteilles qui pèsent sept grammes avec un petit robot ou on peut lever un morceau de bois de 20 kilos avec un gros robot. Dépendamment de l’application, on va mettre le bon robot et la bonne pince pour ramasser les morceaux. On fait la pince et on achète les caméras», précise-t-il.
Selon lui, le robot peut remplacer de trois à six personnes selon le type de matériau qui est trié. Un atout pour des centres de tri aux prises avec des problèmes de main-d’œuvre.
Et les compétiteurs sont peu nombreux. «Acheter un robot, faire une pince, acheter des caméras, c’est tel que tel, mais avoir le logiciel qui est capable de tout reconnaître ça et orchestrer les mouvements des robots pour que ça se fasse comme du monde, on est cinq dans le monde qui ont la technologie», souligne-t-il fièrement.
Or, le manque de ressources humaines frappe aussi Waste Robotics, tout comme les difficultés d’approvisionnement.
«Ce sont les deux seuls freins parce que la demande du marché est incroyable. J’ai un carnet de commandes que je pourrais remplir pour 200 M$ de chiffres d’affaires», soutient M. Camirand.
Alors que le nombre d’employés est passé de 12 l’an dernier à 25 cette année, ce chiffre est appelé à doubler en 2023. D’où la nécessité de déménager dans une bâtisse plus grande l’année prochaine.
«Nos preuves sont faites, les gens nous font confiance, ils veulent acheter nos machines, notre nom est fait. Oui, on trie, on a les machines pour trier, mais nous autres, on a des caméras et les caméras regardent passer les poubelles. C’est l’un des services qu’on commence à développer, soit un scanner juste pour faire de l’analyse de poubelles, c’est-à-dire, voir ce qui se passe à l’entrée et à la sortie du centre de tri», a-t-il mentionné, évoquant un enjeu de performance globale du centre de tri.
En Suède, le scanner de Waste Robotics va même permettre d’établir les émissions de GES avant de brûler les poubelles et, du même coup, déterminer «qui paie quoi dans la taxe carbone».
Avec un retour sur l’investissement estimé à deux ans, le jeu en vaut la chandelle. «Dans la dernière année et demie, c’est incroyable, on ne s’obstine plus sur le prix. La question, c’est: quand est-ce que tu es capable de me le livrer?», conclut celui qui peut compter sur une équipe de programmeurs au bureau de Montréal alors que le montage du robot se fait à Trois-Rivières.