Accident au Monaco: Ayrton Climo gagne sa cause

Au volant de son kart, Ayrton Climo a subi de sérieuses blessures lors du Monaco de Trois-Rivières en août 2014.

La famille Climo gagne sa cause. Le juge Philippe Cantin vient de donner raison à la requête en dommages de cette famille et ordonne à ASN Canada, au Championnat de karting de l’est du Canada et au Monaco de Trois-Rivières de payer solidairement un montant d’argent qui demeure confidentiel pour avoir fait preuve de négligence dans l’aménagement de la piste en 2014. Ayrton Climo avait alors subi de sérieuses blessures à la suite d’une sortie de piste lors d’une période d’essais de cette course de karting à Trois-Rivières.


Dans un long jugement daté du 22 septembre, le juge Cantin accueille positivement la position de la partie demanderesse dont la réclamation initiale était de 26,3 millions de dollars. Après avoir entendu les nombreux témoignages livrés lors du procès de la cause qui a duré deux semaines au printemps dernier, le juge estime que la version de la poursuite doit être retenue.

Selon le juge, la configuration de la piste en 2014 et l’utilisation de balles de foin non ensachées à la sortie du virage numéro 5 sont problématiques. Le circuit avait été modifié en 2014 afin d’élargir la voie à la hauteur du virage 5, ce qui amenait les pilotes à prendre de la vitesse et à circuler sur un rapiéçage de béton. Cette réparation de la chaussée causait de l’instabilité sur les karts. Selon la cour, c’est ce qui est arrivé à Ayrton Climo le 1er août 2014. Le pilote américain a ensuite glissé vers la droite avant de foncer dans des balles de foins non ensachées. La roue arrière droite de son kart a heurté les balles de foin et s’est coincée dans celles-ci. Le kart s’est mis à tournoyer, ce qui a entraîné l’éjection du pilote sur la piste.

Selon différents témoignages entendus lors du procès, des balles de foin ensachées auraient permis à Ayrton Climo de glisser le long de celles-ci et de revenir en piste.

«La preuve prépondérante indique que l’accident ne serait pas survenu si des barrières de plastique avaient été mises en place ou si les balles de foin avaient été ensachées», écrit le juge Cantin dans sa décision.

Le juge soutient que l’exigence d’utiliser des balles de foin ensachées, comme il est prévu dans la réglementation de Karting Québec, est un standard de sécurité élémentaire. Briser cette règle «constitue une faute civile», juge-t-il.

La cour accorde de l’importance au récit factuel de Nick Landi, un pilote qui était en piste lors des essais du 1er août 2014. Ce pilote était derrière Ayrton Climo. Il a déclaré en cour avoir vu le kart de ce dernier glisser vers la droite à cause du rapiéçage de béton sur la chaussée.

«La preuve prépondérante établit que l’irrégularité de la réparation de béton a causé de l’instabilité des karts. Dans le cas d’Ayrton, son kart a glissé vers la droite à cause du rapiéçage», ajoute le juge Cantin dans son verdict.

Ayrton Climo

Le juge rejette la prétention de la défense selon laquelle l’accident ne s’est pas produit à la sortie du virage numéro 5, comme l’avançait la poursuite, mais plus loin dans la ligne droite entre les virages 5 et 6. La défense plaidait également le fait que l’accident d’Ayrton Climo n’était pas lié à la configuration de la piste ni à l’utilisation de balles de foin non ensachées, mais bien à une erreur de pilotage.

«Malgré le fait qu’il soit impossible d’établir un point d’impact précis, les faits suggèrent que, dans la prépondérance des probabilités, cela s’est produit à la sortie du virage numéro 5», peut-on lire dans le jugement.

Le juge Cantin dit que «selon la preuve, rien ne soutient une erreur de la part d’Ayrton. Le fait de rouler sur le rapiéçage de béton ne constitue pas une négligence de sa part». Selon lui, il n’y a pas de preuve que le contact avec les balles de foin est le résultat d’une manœuvre risquée ou d’une conduite erratique de la part d’Ayrton Climo.

Selon le juge, ASN Canada, le Championnat de karting de l’est du Canada et le Monaco sont responsables solidairement du manque de sécurité de la piste. Toutes ces organisations ont le devoir d’offrir un environnement sécuritaire. Tout en établissant un lien de causalité entre la faute et les blessures d’Ayrton Climo, le juge Cantin ne manque pas de souligner que des responsables de la course ont ignoré les plaintes de plusieurs personnes concernant les risques pour la sécurité des pilotes dans le virage numéro 5.

Voilà pourquoi le juge Cantin ordonne aux défendeurs de payer des dommages à Ayrton Climo et à ses parents Lisa et Edward.

«Nous sommes très satisfaits de la décision», a déclaré Edward Climo mercredi matin lorsque joint par Le Nouvelliste.

Ce dernier ne va pas plus loin dans ses commentaires, étant donné que les défendeurs peuvent porter la décision en appel. Il refuse pour l’instant de discuter de l’état de son fils.

La satisfaction est aussi bien palpable auprès de Me Stuart Kugler, un des procureurs de la famille Climo.

Edward Climo, le père d’Ayrton, était à Trois-Rivières au printemps dernier pour témoigner et assister au procès.

«Je suis très content du jugement et nos clients sont très contents. Ça demeure quand même une tragédie que Ayrton a été gravement blessé et subi ces dommages importants à cause de la négligence des défenderesses dans l’aménagement de la piste et concernant les barrières utilisées à la sortie du virage numéro 5», déclare Me Kugler, heureux que la décision du juge aille dans le même sens que les témoignages livrés notamment par les experts Michael Wilson et Robert Barnard.

Les trois organisations visées par la requête sont désormais inexistantes. Les assurances de ces organisations vont prendre le relais.

«Les défenderesses avaient des assurances qui étaient en vigueur au moment de l’accident. On verra au moment de l’exécution du jugement avec les assureurs. Pour nous, les assurances entrent en jeu une fois que le jugement devient final», précise Me Kugler.

Contacté par Le Nouvelliste, Me Frédéric Laflamme, un des procureurs des défendeurs, a été bref dans ses commentaires.

«On étudie le tout.»

Les défendeurs ont 30 jours, à partir de l’avis officiel du jugement, pour déposer un appel. Cet avis officiel n’a pas encore été reçu, à la connaissance de Me Kugler.

Me Stuart Kugler

D’abord ciblé par la requête, le Grand Prix de Trois-Rivières a été exclu de la poursuite en avril dernier, durant le procès. Cette annonce des procureurs est survenue après le témoignage du directeur général du GP3R, Dominic Fugère, selon lequel son organisation n’avait aucun lien avec le Monaco.

Montant confidentiel

Si le montant des dommages est confidentiel, ceux-ci ont fait l’objet de discussions entre les deux parties. Celles-ci ont convenu d’un accord en août 2021 sur le montant. Il fallait ensuite déterminer la part de chaque organisation selon un pourcentage établi advenant que le juge accepte la requête de la famille Climo, ce qui est maintenant fait.

L’argent demandé par Ayrton Climo servira principalement à couvrir les frais de soins reliés à sa condition. La requête indique que l’homme de 26 ans souffre entre autres de faiblesse à la main, à la jambe et au pied droits, d’une perte significative de vision de l’oeil droit, de pertes de mémoire et de concentration, d’incapacité à lire et d’une capacité réduite de parler.