Chronique|

Séducteurs sur le ring politique

Sur à peu près tous les sujets, les cinq chefs ont été en mesure de livrer leurs différents messages et de présenter leurs meilleurs arguments.

CHRONIQUE / Les séducteurs, ce sont les cinq chefs ayant pris part au deuxième débat télévisé de la campagne électorale, jeudi soir. Le mot ne doit pas être pris dans un sens péjoratif. Contrairement au débat précédent, les participants ont tous été en mesure de livrer leurs différents messages et de présenter leurs meilleurs arguments. 


Ils y sont parvenus sur la plupart des sujets, mais pas sur tous. Par exemple, pas sur le projet de tunnel entre Québec et Lévis pour François Legault.

Dans ce deuxième débat, tenu sur les ondes de Radio-Canada, le premier ministre sortant a bien sûr été de nouveau malmené par ses adversaires. Mais il s’est plutôt ressaisi par rapport à la joute de la semaine dernière sur le plateau de TVA.

Il savait ce qu’il devait faire et ne pas faire. Il s’était préparé à ne pas faire la moue ni la grimace.

Ce débat a été éclairant pour tous ceux qui ne suivent pas tellement la campagne électorale ou la politique québécoise en général.

Le péquiste Paul St-Pierre Plamondon a été aussi solide que la semaine dernière.

Gabriel Nadeau-Dubois peut-être un peu moins. Mais il faut dire qu’il a dû faire face à plusieurs attaques du chef caquiste, ce qui en même temps n’a pas dû lui déplaire, lui qui parlait en début de semaine d’un duel entre son parti et la CAQ.

François Legault a accusé le solidaire de vivre au «pays des merveilles» avec son plan pour faire face à la crise climatique. Ce dernier a rétorqué que le caquiste cherchait à faire peur aux gens.

Par ses interventions, M. St-Pierre Plamondon a de son côté rappelé que le PQ est plus social-démocrate sous sa gouverne qu’il l’a souvent été ces dernières années.

Il s’est félicité de ce que M. Legault, selon lui, se soit résolument rangé dans le camp fédéraliste, ce qui lui a permis de lancer un nouvel appel aux souverainistes devenus caquistes.

Pour la première fois depuis le début de la campagne, la libérale Dominique Anglade a établi des marqueurs politiques fondamentaux — outre celui de la pénurie de main-d’oeuvre qu’elle porte haut et fort depuis des mois.

La «vraie Dominique» a évoqué ses expériences personnelles, ses parents et ses enfants. Et les femmes en général.

François Legault a d’ailleurs paru prendre d’un peu haut une affirmation de la libérale sur les femmes.

Mme Anglade a mis en exergue son opposition aux projets de loi 96 et 21, sur la langue française et la laïcité — en plus de dire qu’elle voulait travailler en partenariat avec Ottawa, et pas en «adversaire». Ils étaient là ses marqueurs politiques.

Le conservateur Éric Duhaime a résumé son programme en lançant que «si le socialisme fonctionnait en santé, on le saurait». Son principal marqueur était là.

«Agitateur» pendant la pandémie, selon le mot de François Legault, M. Duhaime a rétorqué que le gouvernement Legault a sacrifié la santé mentale des enfants et d’autres Québécois.

Les aiguilles

Cette deuxième joute ne fera sans doute pas beaucoup bouger les aiguilles de la montre électorale, même si ça ne prend jamais grand-chose pour déprimer quelque peu ou réjouir grandement les partis d’opposition.

Tous les chefs visaient à être authentiques, visaient à être «eux-mêmes». C’est ce qu’on leur demande toujours. Et tous voulaient avoir de l’aisance.

M. Legault ne pouvait qu’être meilleur que la fois précédente à TVA.

Mais, sur le fond, pas un seul élément entendu ou perçu ce jeudi soir ne devrait modifier la donne de manière significative.

Ce deuxième débat aura sans doute conforté des opinions déjà établies chez les citoyens.

La semaine dernière, à chaud, on pouvait non seulement déjà dire que M. Legault avait connu un débat plus qu’ordinaire, mais aussi qu’il n’avait pas à s’inquiéter, puisque de tels exercices surclassent rarement les opinions forgées au fil du temps.

De fait, les sondages ayant suivi le premier débat ont très vite indiqué que même si le chef de la CAQ l’avait perdu — ce qui sautait aux yeux de tous —, les bonnes intentions de vote dont il bénéficiait au préalable s’étaient maintenues.

De la même manière, même s’il a fait meilleure figure sur les ondes de Radio-Canada, les promesses de vote dont il jouit ne devraient pas s’envoler plus haut qu’elles ne le sont déjà.

Il ne le faudrait d’ailleurs pas. On aura besoin de partis d’opposition bien présents dans la prochaine législature.