Présentement, il n’y en a pas. Et il en faudrait un.
Jusqu’à maintenant, la mairesse s’est contentée d’affirmer sa volonté de trouver des solutions rapides et concrètes à la pénurie de logements, après la formation de son fameux «comité-choc» sur l’habitation en mars dernier.
Mais déjà, on sent qu’elle veut régler la pénurie de logements sans piler sur les pieds des puissants promoteurs immobiliers à Gatineau. Comme elle le disait en campagne électorale, la mairesse veut collaborer avec les promoteurs, pas leur forcer la main. Fort bien. Mais alors, le fardeau de la preuve lui incombe. Qu’elle se fixe des objectifs clairs en termes de logements abordables. Combien veut-elle en construire durant un premier mandat? 500? 1000? 1500? Ensuite, qu’elle démontre comment elle peut atteindre une cible le moindrement ambitieuse sans forcer la main des promoteurs.
Perso, je pense que la collaboration ne suffira pas. Mais l’administration Bélisle semble persuadée du contraire.
Ainsi, la commission de l’habitation rejette l’idée d’adopter un règlement d’inclusion à Gatineau qui forcerait les promoteurs à prévoir un certain pourcentage de logements sociaux dans leurs projets résidentiels. Raison officielle: cela aurait pour effet de trop faire grimper le prix des maisons et d’aggraver encore plus la crise du logement. Mettons que c’est le cas: pourquoi alors jeter le bébé avec l’eau du bain? On pourrait très bien voter un règlement d’inclusion qui s’appliquerait uniquement dans certains secteurs névralgiques — au centre-ville de Gatineau, par exemple.
Le plus inquiétant peut-être, c’est qu’au sein même de sa commission de l’habitation, la mairesse compte un apôtre du libre-marché et de la pensée magique. Le conseiller Jocelyn Blondin a déclaré cette semaine qu’il suffit de laisser l’offre et la demande faire leur oeuvre pour que du logement abordable apparaisse comme par magie à Gatineau.
Des propos qui ont dû sonner comme de la musique aux oreilles de l’APCHQ, le lobby des constructeurs d’habitation. Sa collègue Anik Des Marais lui a fait remarquer que si les choses étaient aussi simples, ça se saurait. La construction résidentielle n’a jamais été aussi florissante à Gatineau. Pourtant, les jeunes, les aînés, les familles nombreuses ont de la difficulté à se trouver des logements à prix abordable…
Les experts s’entendent pour dire que le libre-marché ne suffira jamais à équilibrer les chances sur le marché de l’habitation. L’État doit intervenir pour s’assurer de fournir du logement abordable non seulement aux pauvres, mais également à la classe moyenne. Au sommet de l’habitation à Laval, en août dernier, les experts venus s’adresser aux élus municipaux passaient tous le même message: pour juguler la crise du logement abordable, il faudra construire plus de logements «hors marché».
M. Blondin devrait en prendre bonne note au lieu de répéter le credo de l’APCHQ. Tout comme le président de la commission, Daniel Champagne, qui n’a pas cru bon de rappeler son collègue à l’ordre après ses propos.
À Montréal, la mairesse Valérie Plante a mobilisé la communauté autour d’une cible ambitieuse: construire 60 000 logements abordables au cours des 10 prochaines années. Contrairement à l’administration Bélisle, qui évite à tout prix de froisser les promoteurs immobiliers, la mairesse Plante n’hésite pas à leur forcer la main avec un règlement d’inclusion visant à faire de Montréal une métropole «mixte», avec 20% de logements abordables, sociaux et familiaux sur l’ensemble de son territoire.
Ici même à Gatineau, l’ex-maire Marc Bureau s’était mis la tête sur le billot en promettant de construire 700 logements sociaux lors de son premier mandat en 2005-2009. Oui, il s’était mis beaucoup de pression. Les villes, malgré toute leur bonne volonté, n’ont pas les meilleurs outils pour s’attaquer à une crise du logement. Le logement abordable était, et demeure, un domaine de compétence provinciale.
Il reste qu’en chiffrant publiquement son engagement, l’ex-maire Bureau mettait de la pression par la bande sur Québec. Chaque fois qu’on lui demandait où il en était dans l’atteinte de son objectif, il se faisait un malin plaisir de rediriger les questions vers les députés provinciaux. Gatineau était prête à aller de l’avant, disait-il. Manquait plus que l’argent de Québec…