Les délits de nature sexuelle se sont déroulés sur une période de cinq ans dans le district judiciaire de Trois-Rivières. La victime était au départ âgée de 16 ans. Dès qu’il avait une occasion d’être seul avec elle, Éric Milette en profitait pour se livrer à des attouchements sexuels. Il l’a également incitée à le toucher et ce, à plusieurs reprises. Les gestes reprochés sont des masturbations, des fellations, des cunnilingus et des doigtés dans les parties intimes de l’adolescente.
Dès que la plaignante a eu 18 ans, il a commencé à avoir avec elle des relations sexuelles complètes sans qu’elle soit consentante. Encore une fois, il a profité de sa position d’autorité pour l’abuser sur une base régulière, sans utiliser de préservatif. Il y a aussi eu des pénétrations anales à deux occasions. Selon l’exposé conjoint des faits, qui a été présenté en cour, Éric Milette serait même tombé en amour avec elle, affirmant vouloir se faire vasectomiser et ne plus avoir de relation avec sa conjointe de l’époque comme gage de fidélité.
Elle a certes réalisé que cette relation avec cet homme de 24 ans son aîné n’était pas normale mais il l’a manipulée. Prise au piège de la crainte et de la honte, elle n’a pas voulu en parler à personne pendant des années au risque de détruire des vies. Elle a notamment déclaré: «J’étais comme un peu perdue parce qu’il me jouait dans la tête. Il me disait plein de promesses pis toute. J’étais perdue là-dedans. Il m’a dit: “Tu sais, notre relation n’est pas si malsaine que ça. Il y a plein d’autre monde qui le fait: on ne sera pas les premiers, on ne sera pas les derniers.”»
Elle a tout fait pour ne pas plus avoir de contact avec lui mais l’accusé l’a appelée et textée à de nombreuses reprises pour la dissuader de mettre fin à leur relation. Il l’a suppliée de ne pas le laisser, allant même jusqu’à inventer une rumeur au sujet d’un garçon qui dénigrait la victime en prétendant qu’elle était prête à n’importe quoi pour avoir des rapports sexuels avec n’importe qui. Il a aussi laissé dans le pare-brise de sa voiture une lettre écrite supposément par ce faux garçon et dans laquelle il lui disait de «faire attention à son char». Milette a aussi menacé de se suicider et d’utiliser ses armes.
Le comportement étrange et harcelant de ce dernier a fini par soulever des doutes chez des proches de la victime. Ceux-ci l’ont confrontée sur de possibles abus sexuels et elle a fini par avouer. Une plainte a ensuite été portée à la police.
Éric Milette a été arrêté une première fois, puis libéré sous conditions. Il a contrevenu à celles-ci en tentant encore une fois de convaincre la plaignante de revenir vers lui. Suivant une enquête préliminaire, il a décidé de plaider coupable à des accusations de contacts sexuels, d’incitation à des contacts sexuels, d’agression sexuelle, de harcèlement criminel et de bris de conditions.
La procureure de la Couronne, Me Catherine Lacoursière, a réclamé du juge Jacques Trudel l’imposition d’une peine de dix ans de pénitencier alors que l’avocate de la défense, Me Frédérique Lambert, a proposé trois ans.
Dans son analyse, le tribunal a tenu compte des facteurs aggravants tel que l’abus de confiance et d’autorité, l’âge de la victime, la nature des gestes considérés très intrusifs et intimes, la période délictuelle, la répétition des gestes, la manipulation, le comportement harcelant même après son arrestation et les torts causés à la victime.
Le juge Trudel a d’ailleurs souligné le courage et la résilience de celle-ci. L’impact des abus dans sa vie a été dévastateur. Elle a souffert d’anorexie, d’isolement, d’une perte d’estime de soi et a tenté de se suicider entre autres.
Les facteurs atténuants que le juge a relevés sont l’absence d’antécédents judiciaires de l’accusé, son plaidoyer de culpabilité, les efforts qu’il a déployés dans le cadre d’une thérapie, les remords et certains éléments de stabilité de sa vie comme un travail et une conjointe.
L’évaluation sexologique et le rapport présentenciel ont par ailleurs révélé que l’accusé se victimisait en affirmant que «c’est plutôt la victime qui en voulait toujours plus et que c’est lui qui devait l’arrêter.» Une telle constatation a pour conséquence de laisser le tribunal songeur sur son niveau de responsabilisation. Les experts l’ont d’ailleurs décrit comme un homme immature et présentant des distorsions cognitives. Il a de la difficulté à identifier les facteurs de risque et les facteurs de protection. La récidive ne peut donc être écartée. Le juge reconnaît que des efforts ont été faits mais qu’ils ne sont pas terminés. L’accusé est d’ailleurs ouvert à une prise en charge thérapeutique.
Pour toutes ces raisons, le juge a conclu que tous les éléments militaient en faveur d’une peine sévère. Et bien que la victime n’était pas un enfant en bas âge, les principes applicables aux sentences imposées pour des crimes sexuels sur des enfants demeurent les mêmes. Le juge est revenu évidemment sur l’arrêt Friesen mais également sur la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Edgar Fruitier qui stipule qu’un adolescent de moins de 18 ans est malgré tout considéré comme un enfant au sens de la loi.
Le juge s’adressera ainsi à l’accusé: «Les gestes étaient prémédités et imposés à la victime. Même s’ils révèlent une incapacité complète à contenir vos pulsions sexuelles, vous avez préparé et manipulé la victime pour les satisfaire. De surcroît, rien ne peut expliquer et justifier (et ça ne se justifie pas), l’acharnement à lequel vous vous êtes livré auprès de la victime une fois qu’elle ait démontré qu’elle voulait mettre fin à tout rapport, ce qu’on appelle le harcèlement.»
Éric Milette a donc été condamné à 80 mois de prison avec l’interdiction de communiquer avec la victime. Il sera inscrit au Registre des délinquants sexuels à perpétuité.