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Son texte s’intitulait «La culture, c’est de la m…».

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Il citait un homme qui disait ceci: «Moé j’couperais ça la culture et les esties de subventions. Ça serait important de parler des vraies affaires dans c’te campagne-là.»

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REGARDS SUR LA CAMPAGNE / Le gars me dit: «moé, je couperais ça la culture et les esties de téteux de subventions! Ça çarait important de parler des vraies affaires dans c’te campagne-là!» Et je suis d’accord avec lui! Pour celui qui n’a jamais fréquenté la culture, comprendre le concept même de cette chose est tout un défi. Rien ne sert de se perdre en arguments, il est fermé le type, même devant les rendements économiques spectaculaires de notre industrie culturelle. Mais oui, 19% des Québécois sont analphabètes et 34,3% éprouvent de grandes difficultés de lecture. Ce qui veut dire, pour la plupart, qu’ils sont incapables de comprendre des enjeux complexes et de faire la part des choses. Voilà pourquoi on parle peu de culture pendant les élections, c’est trop difficile à saisir pour un peu moins de la moitié des Québécois. Alors les candidats se fixent sur des enjeux simples et des slogans caricaturaux. Puis on joue de sa personnalité, de son charme, de sa répartie.

On s’adresse peu à l’intelligence pour charmer l’incroyable quantité de personnes qui ne liront pas ce texte, parce qu’ils ne lisent jamais. On s’adresse à l’émotion! Des émotions simples, l’amour de la nation, la haine des injustices, le bonheur par l’importance d’avoir plus d’argent dans nos poches, l’angoisse par l’accès à un médecin de famille… et ainsi de suite! La même chose encore et encore. On nous propose des solutions simplistes à des problèmes complexes. Et on tourne autour du pot sans jamais attaquer le véritable problème, notre misère intellectuelle.

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La misère intellectuelle est cette chose incroyable qui crée la pauvreté matérielle dont le résultat est à son tour d’engendrer la misère intellectuelle. C’est l’oeuf ou la poule. Un cercle vicieux impossible à guérir sans deux remèdes importants: l’éducation et la culture. Il faut être éduqué pour éviter le trompeur dans ses analyses, il faut être cultivé pour savoir mettre en perspective la complexité du monde. Guérir la misère intellectuelle et permettre à tous l’accession au bonheur ne se fait pas d’une petite réforme à une autre, d’une élection à l’autre, elle doit prendre racine dans un projet de société capable de relier, par son bon sens, tous les partis politiques. Et de grands projets, nous en avons réussi plusieurs! Mais en culture, nous manquons parfois un peu de vision.

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Le secret d’une réussite commune en culture se trouve dans l’accroissement. Je prends ici l’exemple de Michel Serres, philosophe et historien. Par exemple, vous faites des croissants, ceux-ci coûtent un dollar. J’achète un croissant, je vous donne un dollar. Vous avez votre dollar et j’ai mon croissant, l’équilibre est parfait, la transaction est terminée. Maintenant, j’ai un poème de Gérald Godin que j’aime et je connais les propriétés du triangle isocèle, deux choses qui vous sont inconnues. Je vous les enseigne, vous partez avec l’enseignement, mais moi, je les possède toujours ce poème et ce triangle. Dans le premier cas, c’est de la marchandisation, dans le deuxième c’est de l’accroissement, c’est ça la culture! De l’accroissement! Et c’est dans l’accroissement que nous réussirons à vaincre la misère intellectuelle. Voilà pourquoi il faut démocratiser encore plus la culture et la rendre accessible au plus grand nombre, toujours et le plus souvent possible, pour les riches et pour les pauvres. Mais pour réussir cette chose, il faut une vision à long terme qui se déploie sur vingt ou trente ans, pas sur quatre ou huit ans.

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J’en reviens à ce type qui, fièrement, m’annonce que la culture c’est de la m... Encore une fois, je réponds qu’il a bien raison, car c’est bien dans cette substance que se déploient les plus beaux jardins, les plus luxuriantes plantations. Et si nous pensions aux moyens de répandre davantage ce fumier afin qu’il y pousse des générations de gens cultivés? Ne serait-ce pas un bon projet de société dont il faudrait parler pendant ces élections?

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Peut-être, mais ça n’arrivera pas...

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Combien de fois avons-nous entendu de telles phrases lors de campagnes électorales? Beaucoup trop souvent.

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Pourtant, les campagnes électorales devraient faire plus de place à la culture. Mais peu de partis en font. Et pourtant, de la culture, on en consomme au quotidien. Bien plus que l’on pense.

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Bryan Perro nous présentait des chiffres préoccupants dans sa chronique mardi. Au Québec, 19% des Québécois sont analphabètes et 34,3% éprouvent de grandes difficultés de lecture. Avec un pourcentage aussi élevé, comment voulez-vous que la culture soit mise de l’avant?

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La pandémie a aussi été révélatrice. Les arts vivants ont été les plus malmenés durant deux ans. Ils se relèvent à peine de ce contexte peu enviable.

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Il est essentiel pour moi que les acteurs du milieu se fassent entendre. Mais il est surtout primordial que les candidats ne fassent pas la sourde oreille. Les enjeux culturels nous appartiennent à tous et chacun.

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Mais pourquoi donc la culture devient souvent le sujet fantôme d’une campagne électorale? Est-ce que nos artistes se font suffisamment entendre?

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Certains répondront pas suffisamment et d’autres beaucoup trop.

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Nous sommes un drôle de peuple, je trouve parfois.

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Autant nous aimons nos artistes sur scène, à la télé, sur les planches, au cinéma et dans les livres et autant nous tentons de les faire taire lorsque vient le temps de les entendre se prononcer sur l’avenir de notre société. Ça se résume parfois à: «chante pis ferme ta y….e!»

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Il y a pourtant une longue tradition d’engagement politique des artistes au Québec.

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Souvenons-nous dans les années 70, des Robert Charlebois, Paul Piché et autres, qui manifestaient leur enthousiasme devant le projet souverainiste. Certains osent le faire encore. Mais pas trop fort pour ne pas déranger.

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Et je ne parle pas seulement de ceux en faveur d’un Québec souverain. Je parle de tous et ceux et celles qui ont le goût de parler de projets d’avenir, de nouveaux défis, de langue et de poèmes.

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Le problème est plus large que la prise de position des artistes. Combien de régions au Québec sont sous-financées lorsque vient le temps de parler de culture? Pratiquement toutes les régions du Québec.

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Je lisais les recommandations de Culture Montréal en vue de la campagne électorale. On pourrait l’appliquer chez-nous également. La présidente de Culture Montréal, Liza Frulla, y allait de ses propositions. Lancer une campagne de promotion sociétale visant à favoriser la rencontre et la fréquentation des œuvres artistiques et des produits culturels québécois. Deuxième proposition: lancer un grand chantier de travail, ayant pour objectif l’actualisation de tous les programmes en arts et culture financés, administrés par toutes les instances publiques, en concertation avec le milieu.

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Et celle qui m’a pratiquement interpellée est celle où l’on propose de faire une plus grande place aux œuvres culturelles dans les écoles, en multipliant les situations d’apprentissage en classe et en dotant les bibliothèques d’un budget d’acquisition conséquent et également favoriser les sorties culturelles.

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Parce que l’intérêt de la culture se développe en bas âge. Ça part de la maison et de l’école.

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Amener les jeunes dans les musées, leur offrir la possibilité de former une chorale, de leur faire lire des livres d’auteurs québécois, qui rejoignent leurs intérêts, leur faire écouter de la musique québécoise, de plusieurs générations, pour qu’ils connaissaient les grands de chez nous.

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Il faut développer leur intérêt de la culture. Pas seulement celle de la culture américaine.

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Parce que la culture, c’est aussi notre fierté.

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C’est sur ce dernier mot que je passerai du temps. Le mot FIERTÉ. Je l’écris en majuscules parce que je trouve qu’il a été malmené.

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Sommes-nous fiers encore au Québec? Sommes-nous fiers de ce que nos ancêtres ont bâti, de l’héritage qu’ils nous ont laissé?

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J’en doute parfois.

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Connaître notre histoire, nos bâtisseurs, nos acteurs de changements mais également nos artistes, font de nous un peuple qui voit grand, un peuple créatif, innovant, un peuple qui ose et un peuple fier.

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Fier de ce que nous sommes, fier de notre culture.

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J’aimerais qu’un jour, on retrouve ce sentiment au Québec. Peut-être suis-je naïve? Mais je crois que nous en sommes capables.

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Reste maintenant à le prouver.

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