Chronique|

La députée qui ne voulait pas être une plante verte

Marie-Louise Tardif

CHRONIQUE / Et si la députée sortante de la CAQ Marie-Louise Tardif était venue dire tout haut ce que bien des députés, hommes et femmes, pensent tout bas?


Et si c’était vrai que bien des députés, tout comme elle, ont souvent l’impression de faire office de simples figurants?

Chose certaine, en déclarant sur les ondes du 106,9 Mauricie, mercredi matin, qu’elle n’a pas la latitude qu’elle aurait si elle était indépendante, l’ingénieure forestière est allée au bâton.



Pas certain, toutefois, que l’équipe des communications de la CAQ – une équipe formée pour contrôler le message – a apprécié.

Une députée qui vient dire à la radio qu’elle a «choisi de faire partie d’un parti, et le parti, à quelque part, pour quelqu’un comme moi, c’est quand même assez restrictif et contrôlant», avouons que ça change de la langue de bois de nos politiciens qui nous font rejouer la même cassette.

Marie-Louise Tardif est loin d’être la seule à ressentir de la frustration. Mais elle, elle parle. Elle s’exprime. Un peu plus et elle aurait mentionné qu’à Québec, les ministres n’ont pas tous les mêmes priorités et que dans certains ministères, on a tendance à se traîner les pieds...

Mais puisqu’elle ne l’a pas dit, on va s’en tenir aux propos qu’elle a tenus à la radio.



Le patron est pas content

Des propos, faut-il le préciser, qui ont égratigné l’épiderme sensible de son «patron» François Legault.

Appelé à commenter ce dossier, il s’est senti obligé de ramener «sa» députée dans le droit chemin caquiste.

«Ceux qui connaissent Marie-Louise savent que, a-t-il commencé à dire, avant d’ajouter, sur un ton qui en dit long sur sa façon de diriger le parti: «S’il commence à y avoir des députés qui ont des positions différentes, ben ça devient difficile.»

Bang!

Le chef a dit avoir eu des «discussions avec Marie-Louise».

Des discussions?



«Je pense qu’elle comprend bien, c’est comme ça dans tous les partis politiques», a-t-il dit, encore à la radio de Cogeco.

Re-bang!

Le cas Claire Samson

On a bien ri lorsque Claire Samson a quitté la politique en juin 2022 en déclarant, sans détours, qu’elle s’était sentie comme une «plante verte» dans son rôle de députée, tout particulièrement au cours des deux années de pandémie.

Elle disait alors avoir jamais aussi peu travaillé depuis qu’elle est en âge... de travailler. Ce qui avait contrarié ses collègues qui font du terrain, chacun dans leur circonscription, pour faire avancer leurs dossiers.

Rappelons que Claire Samson, aujourd’hui à la retraite, avait d’abord été élue sous la bannière de la CAQ, en 2014, avant de passer dans le camp d’Éric Duhaime, il y a un an à peine, après avoir fait un don au parti de son nouvel ami...

D’ailleurs, durant son séjour au sein de l’équipe Legault, la politicienne avait déploré le fait qu’on ne lui ait pas «donné» un ministère à la hauteur de ses talents et de ses ambitions. Elle voulait être nommée à la Culture. Elle avait plutôt pris place au Salon bleu, dans la section réservée aux députés d’arrière-ban.

La «plante verte», de toute évidence, avait besoin de plus de visibilité. Et elle ne se sentait pas écoutée par François Legault.

Les ruines de la Belgo

Revenons à la sortie publique de Marie-Louise Tardif. La députée sortante n’a pas remis en question la ligne de parti. Elle n’a pas critiqué son chef, bien au contraire. Elle a simplement laissé entendre qu’elle voulait – qu’elle souhaitait – en mener plus large. Elle a tenu à ce qu’on sache qu’elle a beaucoup travaillé, très souvent dans l’ombre, au cours de son dernier mandat. On aura compris qu’elle ne veut surtout pas qu’on la considère comme une «plante verte» à la manière de Claire Samson.



Pas étonnant qu’elle soit sortie de ses gonds – avec sa voix posée – lorsqu’on a suggéré qu’elle a été une députée invisible.

«Je mets mes bottes, je vais sur le terrain. C’est une mission, être députée. Ceux qui critiquent ne savent pas», a-t-elle eu comme réaction.

Il y a une semaine, lorsque j’ai appelé à son bureau de circonscription pour qu’elle commente le dossier des ruines de la Belgo – et afin qu’elle réagisse aux propos du maire Michel Angers, qui montrait des signes d’impatience –, c’est plutôt Marylène Le Houillier, responsable des communications de la CAQ pour la Mauricie pendant la campagne électorale, qui m’a rappelé.

Simple formalité? On voulait savoir pourquoi je voulais lui parler...

Une heure plus tard, j’ai pu poser mes questions à la députée sortante. Elle a dit comprendre les frustrations du maire de Shawinigan. Elle n’a dénigré personne.

Mercredi après-midi, j’ai appelé au bureau d’Éric Lefebvre, député d’Arthabaska et whip en chef du gouvernement depuis octobre 2018, pour savoir si les propos de Marie-Louise Tardif avaient suscité un malaise.

Réponse de son attaché politique: «Mme Tardif a clarifié sa pensée [dans Le Nouvelliste] et n’y a rien d’autre à ajouter».

Fin de la citation.

Ce parti-là a fait élire 74 députés – sur 125 – à la dernière élection. On a dit à tout ce beau monde qu’il fallait travailler en équipe et qu’il n’y avait pas de place pour la dissidence.

La députée sortante de Laviolette–Saint-Maurice vient cependant de contrarier le grand patron...