Devant la pluie de millions qui tombe actuellement sur les contribuables québécois, par diverses promesses électorales, les maires de plusieurs municipalités québécoises ont fait le saut depuis le début de la campagne. Eux, qui réclament depuis longtemps qu’on revoie le modèle qui leur permet de générer des revenus ou encore d’obtenir davantage de compensations de l’État à travers le pacte fiscal, ne peuvent se résoudre à accepter que le parti qui formera fort probablement le prochain gouvernement leur tourne ainsi le dos.
En entrevue éditoriale au Nouvelliste, le premier ministre sortant François Legault est catégorique: avant d’ajouter davantage d’argent aux compensations versées aux municipalités, elles devront elles aussi faire leur effort.
«En moyenne, les municipalités paient leurs employés 30 % plus cher que pour le même poste au gouvernement du Québec. Ils ont peut-être de la pression, mais moi, j’ai une négociation au 31 mars 2023, ça s’en vient. Ce que les 500 000 employés du gouvernement du Québec me disent, c’est: comment ça se fait qu’on gagne 30 % moins cher que dans les municipalités», indique François Legault.
Ces statistiques sont directement tirées d’une étude menée par l’Institut de la statistique du Québec publiée à la fin de 2021. Un chiffre que répète depuis François Legault lorsqu’il s’adresse aux municipalités qui souhaitent voir rehausser leur financement pour faire face à l’inflation et aux défis de renouvellement des infrastructures municipales en lien avec les changements climatiques.
Ce sont toutefois des chiffres qui sont contestés et nuancés par la plupart des élus, dont la mairesse de Nicolet Geneviève Dubois. «C’est peut-être quelque chose qui se vit dans quelques grandes villes, mais pour la majorité des quelque mille autres municipalités, dont Nicolet, c’est loin d’être la réalité», précise la mairesse Dubois. Visiblement exaspérée d’entendre ces arguments pour éviter le débat de fond, elle rappelle à son tour que les municipalités canadiennes doivent gérer 60 % des infrastructures pour à peine 10 % de ce qui est prélevé en impôts et en taxes.
De son côté, le maire de Shawinigan Michel Angers ajoute que cet écart salarial peut effectivement exister dans certaines villes et pour certaines catégories d’emplois, mais qu’il faut aussi remettre en perspective que le gouvernement provincial a décrété énormément de conditions de travail au cours des dernières années, ce que les élus municipaux n’ont pas le pouvoir de faire, eux qui doivent respecter à la lettre les conventions collectives. Ainsi, le provincial aurait abaissé les conditions de travail de ses employés, creusant cet écart.
L’union des municipalités remet aussi ce calcul en doute, qui ne tiendrait pas compte de la réduction des coûts associés aux régimes de retraite dans les municipalités, ou encore du fait que les études aient été menées au moment où plusieurs municipalités venaient de consentir à des augmentations en lien avec les conventions collectives, alors que celles qui seront octroyées par Québec au moment de la prochaine signature de convention seront rétroactives à mars 2020.
Une guerre de chiffres qui ne sert donc personne pour l’instant puisque la question de la fiscalité municipale ne se règle pas. Récemment, l’Union des municipalités du Québec estimait à près d’un milliard les coûts supplémentaires que doivent assumer les municipalités seulement en 2022 pour lutter contre l’inflation. Des montants qui se traduisent sur le terrain par des projets qui ne se concrétisent pas, des services aux citoyens qui sont amputés ou encore, des choix déchirants qui doivent désormais se faire dans les services essentiels.
François Legault assure toutefois qu’il sera là pour aider les plus petites municipalités qui rencontreraient des défis importants, spécialement en ce qui concerne l’eau potable. «On va travailler en collaboration avec les municipalités. Il y a des cas précis. Il y a des municipalités qui ont des montants très élevés à payer pour l’eau, et qui n’ont pas nécessairement l’assiette fiscale pour être capable d’y arriver. Tous les cas aussi de ceux qui ont besoin de plus de terrains industriels. C’est du cas par cas. On a bien travaillé depuis quatre ans avec les municipalités. On a notre pacte fiscal, on en aura un nouveau avec la FQM et l’UMQ», affirme-t-il, ajoutant avoir hâte de présenter son cadre budgétaire équilibré, et de pouvoir le comparer à celui des quatre autres principaux partis.
Mais visiblement, ce n’est pas au courant de cette campagne électorale que les municipalités obtiendront ce qu’elles demandent, du moins de la part de François Legault. Reste à voir si les autres partis accepteront de prendre des engagements qui permettront de mieux répondre aux aspirations de ces gouvernements de proximité pour qui les défis sont nombreux. Pour qui l’état actuel de la fiscalité force bien souvent à choisir entre le développement économique ou la protection de l’environnement, entre le développement touristique ou les services de proximité aux citoyens, entre ce qui paraissait autrefois essentiel et qui, par la force des choses, est en train de ne plus le devenir.