Sur l’avis de son médecin, et parce qu’elle réalisait qu’elle n’avait plus d’énergie, de concentration, de motivation, de patience, de plaisir et j’en passe, Stéphanie a dû s’absenter du travail pour cause d’épuisement à force de chercher, jour et nuit, de l’aide pour sa fille de 8 ans.
Or, pour prendre soin de l’aînée de ses trois enfants, il lui fallait aussi prendre soin d’elle, la maman et la femme. Un silence radio s’est avéré nécessaire pour l’animatrice qui ne pouvait plus faire semblant d’avoir un sourire dans la voix.
Qu’arrive-t-il à sa grande? Stéphanie consulte et a des débuts de réponses, mais le problème de base persiste et la quête de solutions se poursuit.
Retour en arrière, en décembre 2021. Tout allait relativement bien pour la fillette, tant sur le plan scolaire que social, jusqu’à ce qu’elle se mette à répéter à sa mère: «Je n’ai plus d’amies. Plus personne ne veut jouer avec moi. Tout le monde me déteste.»
Surprise, la maman en a parlé à l’enseignante également étonnée d’apprendre que l’écolière se sentait laissée pour compte. Ce n’était pas du tout ce qu’elle constatait en classe et durant la récréation. «Ben voyons, je la vois jouer avec ses amies dans la cour de l’école.»
Tout lui semblait au beau fixe.
Puis est arrivé le long congé des Fêtes... suivi de trois semaines d’isolement à la maison pour toute la famille. À tour de rôle, parents et enfants ont contracté la COVID. Ils ont pris le temps de se remettre sur pied avant de reprendre la routine qui ne s’est pas cependant déroulée comme prévu.
Ça n’allait plus pour la fille de Stéphanie.
«Elle faisait beaucoup d’anxiété, elle avait peur de tout. Le soir, elle faisait de grosses crises d’angoisse et ne voulait plus se coucher toute seule. Jusqu’à la semaine dernière, Vincent et moi devions alterner les dodos avec elle», relate l’animatrice avant d’ajouter que sa fille tenait de plus en plus des propos qui ne correspondaient pas à la réalité.
Stéphanie me raconte la fois où, durant le cours de gymnastique, elle a vu et entendu sa fille rire de bon coeur avec les autres enfants, mais qui, une fois seule avec sa mère, a repris le même discours selon lequel personne ne voulait être son amie, qu’on la rejetait...
Lorsqu’un samedi d’hiver, la fillette est revenue à la maison en pleurant à chaudes larmes avant de laisser tomber qu’elle ne voulait plus exister, Stéphanie a éclaté en sanglots.
Elle avait besoin d’aide pour aider sa fille dont les crises étaient de plus en plus rapprochées. «Le soir, elle me criait de lui dire qu’elle était laide, grosse, qu’on ne voulait pas qu’elle soit là...»
Stéphanie a profité de la semaine de relâche pour multiplier les appels et les courriels auprès de psychologues pour enfants établis à Trois-Rivières et dans les environs. Ses démarches sont demeurées vaines. Aucun rendez-vous disponible. Ici aussi, on observe une pénurie de ressources.
«Des psychologues me disaient qu’ils n’avaient plus de liste d’attente, qu’ils l’avaient fermée.»
Soir après soir et même au beau milieu de la nuit, la fillette a continué de réclamer de dormir avec l’un ou l’autre de ses parents, à commencer par sa mère qui doit se réveiller aux aurores pour être en studio dès 5h30.
Dépassée par une situation qui ne faisait qu’empirer, Stéphanie s’est tournée vers son médecin de famille pour une demande de consultation au Pavillon Arc-en-Ciel, un centre pour les enfants et les adolescents qui présentent des problèmes de santé mentale.
«Quand je suis allée la voir, j’étais complètement à terre...»
Son médecin l’a remarqué. Une semaine plus tard, l’animatrice a dû se résigner à mettre son micro sur pause. Stéphanie Guérette adore son travail, mais la maman qu’elle est aussi n’avait plus la force de concilier ses deux rôles. Cet arrêt de travail était rendu nécessaire pour retrouver son énergie. Parce qu’il en faut beaucoup pour accompagner son enfant dont les difficultés ont un impact sur toute la famille.
«Ma fille est très rigide. C’est le mot qui est revenu le plus souvent de la part des intervenants», indique Stéphanie à qui on a donné des trucs et conseils pour soutenir celle dont les vives réactions ne sont pas un caprice, mais vraisemblablement l’expression d’une problématique plus complexe.
La grande soeur d’un garçon de bientôt 6 ans et d’une bambine de 2 ans a des bonnes et de moins bonnes journées. «Il n’y a rien de réglé, mais nous sommes un peu mieux équipés. Un jour à la fois», rappelle Stéphanie dont la fillette, qui se laisse encore submerger par ses émotions, sera prochainement évaluée par des professionnels d’une clinique spécialisée dans le développement de l’enfant.
«On veut l’aider à retrouver une vie normale. Elle est une bonne petite fille, attentionnée et à l’écoute», soutient l’animatrice qui a repris le micro en abordant d’entrée de jeu la dynamique familiale des derniers mois.
Dans les heures qui ont suivi son témoignage de quelques minutes, Stéphanie Guérette a reçu de nombreux messages de personnes qui se sont reconnues à travers ses confidences partagées en direct, sans filtre et sans tabou.
Leurs réactions empreintes de bienveillance ont eu l’effet d’un baume pour celle qui invite au non-jugement lorsqu’une personne doit prendre le temps de s’arrêter pour prendre soin d’elle-même et, comme dans son cas, de son enfant.
On peut penser qu’un jour, la petite fille devenue grande de Stéphanie lira cette chronique. Sa maman sourit avec confiance à l’idée qu’elle retiendra l’essentiel.
«Elle est entourée d’amour. Tout le monde est là pour l’aider. C’est notre combat en ce moment. On veut qu’elle soit bien.»