Une femme identifiée comme F. fait partie de la centaine de victimes alléguées du recours, autorisée en mai 2022 par la Cour supérieure. Dans la requête introductive d’instance déposée aujourd’hui à la cour, la femme nomme le cardinal Marc Ouellet, homme d’église influent originaire d’Abitibi, comme l’un de ses agresseurs.
F. a commencé un stage comme agente de pastorale du Diocèse de Québec en août 2008. Elle avait alors 23 ans.
Elle rencontre pour la première fois Marc Ouellet, à ce moment archevêque de Québec, à un dîner chez les Soeurs de la Charité, à Beauport.
Elle allègue qu’au cours de la soirée, le cardinal Marc Ouellet se serait placé derrière elle et lui aurait massé les épaules «avec force», allègue-t-elle. «Le cardinal Marc Ouellet lui sourit et lui caresse le dos avant de repartir», ajoute-t-on dans la requête.
F. affirme avoir été troublée et avoir eu un sentiment de malaise.
Elle aurait revu le cardinal Marc Ouellet plus tard durant l’automne, lors d’un cocktail de nomination. Selon les allégués de la requête, le prêtre «embrasse F. avec familiarité, même s’ils ne s’étaient vus qu’une ou deux fois auparavant, et la retient fermement contre lui en lui caressant le dos avec les mains», allègue-t-on
Lors d’une troisième rencontre ce même automne 2008, F. soumet que le cardinal est venu s’asseoir à côté d’elle. Elle dit avoir eu l’impression d’être «pourchassée» et avoir ressenti «un profond malaise».
F. croisera Marc Ouellet en février 2010 à la Basilique Notre-Dame de Québec.
Le prêtre se serait avancé pour l’embrasser de nouveau disant, selon la requête, «qu’il n’y a pas de mal à se gâter un peu». F. soumet avoir trouvé ce commentaire «complètement inapproprié».
Selon la requête, le cardinal Ouellet l’aurait alors embrassé et aurait glissé sa main le long du dos de F. jusqu’à ses fesses.
F. dit avoir par la suite fui la présence de Marc Ouellet.
La femme dit avoir confié son malaise à son entourage et s'être fait répondre que Marc Ouellet est «tellement chaleureux» et qu'elle n'est pas la seule femme «à avoir eu ce genre de problème avec lui».
Marc Ouellet quitte ses fonctions d’archevêque de Québec en juin 2010.
La femme a dénoncé les gestes en 2020, après avoir suivi une formation sur les agressions sexuelles.
F. se confie d'abord à son conjoint, à des amies et écrit au comité-conseil sur les abus sexuels envers les personnes mineures et vulnérables de l'église catholique.
En janvier 2021, à la suggestion des membres de ce comité, F. écrit une lettre au pape François concernant le cardinal Ouellet. Elle sera informée un mois plus tard que le père Jacques Servais aurait été nommé «pour enquêter sur le cardinal Marc Ouellet». F. dit n'avoir pas reçu d'informations supplémentaires concernant cette enquête.
À l’heure actuelle, le cardinal Marc Ouellet, 78 ans, est membre de la curie romaine au Vatican et occupe les fonctions de préfet de la Congrégation pour les évêques. Il a récemment accompagné la pape François lors de sa visite au Canada.
«Comme sa femme»
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Dans la requête en action collective, F. dénonce aussi un deuxième prêtre, l’abbé Léopold Manirabarusha, qu’elle a connu en 2016 lorsqu'elle a été engagée par la fabrique de la paroisse St-Augustin, du diocèse de Québec.
L’abbé Manirabarusha aurait commencé par dire à F. qu’il voulait qu’elle soit «comme sa femme» et lui aurait touché les bras et les genoux.
F. dit avoir été troublée par cette proximité grandissante et avoir songé à quitter son emploi. Elle aurait informé le prêtre de son malaise.
L’abbé Manirabarusha aurait imposé à F. de multiples contacts sexuels, au presbytère et dans un hôtel. F. dit s’être sentie obligée de répondre aux exigences.
Selon la requête, les agressions sexuelles ne vont cesser qu’au printemps 2018, lorsque l’employée change de paroisse.
F. se dit avoir été «manipulée psychologiquement, sexuellement et spirituellement par l’abbé Léopold Manirabarusha».
Elle a porté plainte contre lui aux autorités du diocèse de Québec le 25 janvier 2022. Selon la requête, l’abbé Manirabarusha a été suspendu de son ministère en avril 2022 et ce pour une durée indéterminée.
Cinq autres plaignants, des hommes et des femmes, ont accepté de livrer leur récit dans la demande introductive d’instance.
A., un homme de 72 ans, allègue avoir été agressé sexuellement à plus de 500 reprises par l’abbé Jean-Marie Bégin. Le garçon était placé dans un orphelinat de Black Lake, dans la région de l’Amiante. Les agressions auraient duré 14 ans.
B., âgé de 60 ans, soumet aussi avoir été agressé sexuellement par l’abbé Jean-Marie Bégin alors qu’il agissait comme servant de messe.
Un recours imposant
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L’action collective contre le diocèse de Québec s’annonce comme l’une des plus imposante du genre dans la province. En 1960, le diocèse de Québec était constitué de 230 paroisses pour une population catholique de 647 300 personnes et de 1 415 prêtres séculiers et religieux.
Lors du procès à venir, les avocats du cabinet Arsenault Dufresne Wee veulent démontrer «le caractère systémique des agressions commises sous leur gouverne sur une période de plus de 40 ans».
Gaétan Bégin et Pierre Bolduc, victimes à répétition de deux curés alors qu’ils étaient adolescents, agissent comme demandeurs pour les autres plaignants. Ils réclament chacun 600 000$ en dommages pour les souffrances subies.