Chronique|

Lampions et sauce à spaghetti

Louis Grondin est le coordonnateur de la boutique de souvenirs du sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

CHRONIQUE / C’était en 2019, avant la pandémie et le boom immobilier. Nouvellement en poste derrière son comptoir, Louis Grondin s’est étonné qu’au téléphone comme à la boutique, cette même question revenait régulièrement: «Avez-vous des Saint-Joseph? Ma maison est à vendre...»


Je m’en confesse. Comme lui, j’ignorais l’existence de cette tradition populaire voulant que si on enterre devant chez soi une statuette de Saint-Joseph la tête en bas et face à la rue, un acheteur sérieux pourrait se présenter rapidement.

Libre à chacun d’y croire ou pas. Avec la hausse actuelle des taux d’intérêt, on ne perd rien à poser un geste de dévotion dans l’espoir de trouver preneur. Gardons cependant à l’esprit que saint Joseph était un charpentier, pas un agent immobilier, rappellent les pères Oblats aux pèlerins qui ne savent plus à quel saint se vouer pour conclure une transaction.



Entre deux célébrations dans le cadre du Festival de l’Assomption qui se termine ce lundi 15 août au sanctuaire Notre-Dame-du Cap, à Trois-Rivières, une visite s’impose du côté du magasin de souvenirs où on trouve de tout... même de la sauce à spaghetti. Elle a mijoté dans les cuisines situées à deux pas de la basilique dédiée à la Vierge Marie.

C’est elle qui est principalement en vedette dans ce lieu «pas comme les autres», souligne Louis Grondin, coordonnateur de la boutique et de la mise en marché. Ses fonctions s’apparentent à celles d’un gérant de magasin, version moderne du marchand du temple. Designer d’intérieur de formation, l’ancien résident de Victoriaville a déjà travaillé dans un commerce de produits électroniques.

Ici, il est entouré de lampions, statues, chapelets et médailles à l’effigie de Notre-Dame. Plusieurs autres articles religieux font la joie des clients qui sortent rarement les mains vides. Je pense notamment à cette femme croisée avec ses deux fillettes visiblement ravies de faire la tournée du magasin avec elle. Le trio n’a pas oublié de rapporter un cadeau à grand-maman.

«Venez les filles, on va aller faire bénir nos articles!», leur a annoncé la mère de famille avant de prendre la direction de la réception du monastère afin de rencontrer le père de garde ce jour-là.



Pendant ce temps, un couple de retraités ralentissait le pas devant l’étalage de produits du terroir qu’on peut également se procurer à la boutique du sanctuaire, dont le «caramel velouté» de l’Abbaye Val Notre-Dame, les fromages de l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac et le chocolat des Pères trappistes. Ne me remerciez pas, ça fait plaisir. Je ne touche aucune quote-part pour cette publicité gratuite, d’autant plus que la boutique est sans but lucratif.

La mission de Louis Grondin consiste en ce moment à faire la transition entre une clientèle exclusivement religieuse, ou presque, et celle qui est davantage touristique, toutes croyances confondues. Il a raison de penser que visiter un lieu de culte est une belle façon de découvrir tout un patrimoine.

«On ne veut pas devenir une épicerie fine non plus, mais beaucoup de gens viennent au sanctuaire et ce sera le seul endroit qu’ils verront au Canada.»

Alors aussi bien leur proposer de goûter aux biscuits à l’érable de North Hatley...

«J’ai aussi des grands murs vides pour y exposer des tableaux», suggère encore Louis Grondin qui souhaite éventuellement ouvrir les portes de la boutique à des artistes et artisans d’un peu partout au Québec.

La pandémie des deux dernières années a forcément ralenti le va-et-vient dans le commerce où l’ambiance est décontractée. Il n’y avait pas foule lors de mon passage, en début de semaine, mais on pouvait néanmoins constater la présence de plusieurs «têtes grises», si je peux me permettre cette expression, en tout respect.



Une boutique en ligne a vu le jour dès la première vague de COVID-19 et le confinement qui s’en est suivi.

«Ça n’a pas été un succès instantané. Notre clientèle est plutôt âgée», explique Louis Grondin qui aide des aînés à compléter leurs achats au téléphone. «Il y en a qui nous envoient encore des chèques par la poste», sourit le commerçant qui entend profiter des prochains mois pour améliorer le site web. Des articles pourraient même être livrés à l’extérieur du Canada, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Ici ou à l’international, il y a une demande pour les produits portant l’image de Notre-Dame-du-Cap.

«On vend énormément de lampions, surtout depuis le début de la pandémie. Ça représente 10% de notre chiffre d’affaires.»

Louis Grondin n’a pas poussé plus loin l’analyse, mais ce constat a aussi été fait ailleurs sur la planète. La crise sanitaire mondiale a eu un certain impact sur la ferveur religieuse. Pour des croyants, la lumière d’une bougie est une forme d’antidote contre la morosité ambiante.

«Un lampion, c’est porteur d’espoir», renchérit Louis Grondin avant de mentionner qu’il est possible d’acheter un lampion en ligne. Quelqu’un l’allumera pour vous, en prenant soin de noter votre intention de prière.

Mais l’idéal, c’est encore de venir sur place, au sanctuaire et à la boutique. Louis Grondin croise des clients qui n’avaient encore jamais franchi les portes de la basilique et, à l’inverse, des hommes et des femmes qui reviennent depuis qu’ils sont enfants.

«Grand-papa les amenait manger des frites au restaurant après avoir allumé un lampion», raconte celui qui rencontre également des gens pour qui ce pèlerinage est l’occasion de prier avec les autres, de ressentir leur solidarité.



Tant qu’à y être, ils s’arrêtent, eux aussi, à la boutique où il est possible de se procurer une médaille miraculeuse pour moins de 3$. Pas obligé de l’acheter non plus. Ici, aucune vente ne se fait sous pression.

Lors de ma tournée des lieux à l’improviste, Louis Grondin était néanmoins fort occupé à servir son prochain.

«C’est sûr que la neuvaine, c’est notre période de très grande affluence. Si on ne l’avait pas, ça ferait mal», a-t-il dit en ajoutant que le pourcentage des ventes durant ces neuf jours est «assez appréciable».

Personnellement, après avoir flâné entre les livres, les CD de musique, des casse-têtes et bijoux en émail, je me suis finalement laissée tenter par le pot de sauce à spaghetti dans le congélateur. Louis Grondin me la conseille.

«Je l’achète chaque semaine, ce n’est pas une blague!»

La recette n’est pas bénie, mais c’est tout comme.