Le marché noir du cannabis s’accroche

«Après une hausse marquée de ce type d’infraction suivant la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis en octobre 2018, le taux des infractions à la Loi est plutôt stable en Estrie depuis 2020. Ces tendances suivent celles de la province», détaille le ministère de la Sécurité publique (MSP).

Bien que le cannabis soit légal au Canada, plusieurs trafiquants continuent d’œuvrer en marge du système. Au fil des ans, les interventions pour enrayer la culture illégale se sont multipliées, et désormais, plusieurs acteurs participent conjointement à la lutte contre la production et distribution illicite de marijuana.


Lors de la première année où la Loi sur le cannabis est entrée en vigueur, le ministère de la Sécurité publique rapporte que 416 infractions en lien à celle-ci ont été enregistrées pour l’ensemble de la province, et ce, en excluant les résultats de la Gendarmerie royale du Canada, et les corps de police autochtones.

Or, les années suivantes ont été marquées par des nombres beaucoup plus élevés : 1 918 pour 2019, 1 851 pour 2020, et 1 769 pour 2021. Et en ce qui concerne la région de l’Estrie, le ministère de la Sécurité publique (MSP) pointe que le portrait est similaire.

«Après une hausse marquée de ce type d’infraction suivant la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis en octobre 2018, le taux des infractions à la Loi est plutôt stable en Estrie depuis 2020. Ces tendances suivent celles de la province», détaille le MSP.

Le ministère de la Sécurité publique rapporte officiellement 1 918 infractions à la Loi sur le cannabis pour 2019, 1 851 pour 2020, et 1 769 pour 2021.

La région a ainsi connu une fluctuation prononcée des interventions policières en lien avec la Loi sur le cannabis, passant de 21 infractions, en 2018, jusqu’à 119, en 2021.

Malheureusement, le MSP explique qu’il est difficile d’évaluer les quantités totales qui sont saisies durant ces interventions, car «les statistiques policières dont le ministère dispose n’incluent cependant pas les quantités de cannabis saisies lors de la commission de ces infractions. […] Ces données sont compilées et conservées au sein des corps de police.» Pour résumer, les données ne sont pas centralisées.

Les règles du jeu

Depuis la légalisation du cannabis au Canada en 2018, les provinces ont respectivement adopté diverses réglementations sur sa production et sa mise en marché.

Au Québec, le gouvernement Legault a décidé d’interdire possession et la culture à des fins personnelles, pourtant autorisées par le gouvernement fédéral. Le Québec et le Manitoba sont en fait les deux seules provinces à avoir interdit de cultiver du cannabis à domicile.

Cela n’est pas devenu un acte criminel pour autant, mais plutôt un geste passible d’une amende pouvant varier de 250$ à 750$ au Québec et jusqu’à plus de 2500$ au Manitoba.

La Cour d’appel du Québec a confirmé l’an dernier que le gouvernement du Québec pouvait interdire aux Québécois de posséder des plants de cannabis pour des fins personnelles. Toutefois, la Cour suprême a décidé en mars dernier d’entendre la cause de Janick Murray-Hall qui estime que la réglementation fédérale devrait avoir préséance à ce niveau. L’audience est attendue à une date ultérieure.

La possession et la culture à des fins personnelles est interdit et passible d’une amende pouvant varier de 250$ à 750$ au Québec.

Dans la province, ce n’est donc que par le biais de la Société québécoise du cannabis (SQDC) que la distribution est autorisée. Opérer en dehors de celle-ci devient dès lors illégal.

«Le cannabis récréatif légal étant très réglementé, tous les produits de cannabis sont soumis à de nombreuses analyses en laboratoire exigées par Santé Canada avant de se retrouver sur les tablettes de la SQDC. C’est ce qui nous permet d’assurer la protection de la santé de nos clients», affirme le département des relations médiatiques de la SQDC.

Testé et approuvé

Les restrictions ne s’appliquent pas seulement aux consommateurs de cannabis, mais également aux producteurs et distributeurs. Dès lors, non seulement il faut confirmer avoir 21 ans et plus afin de magasiner dans une SQDC, mais il faut aussi que ceux qui fournissent l’entreprise gouvernementale respectent un lot de normes.

La succursale de la SQDC, à Granby. La société d'État estime avoir capté plus de la moitié des parts du marché noir de la marijuana à travers la province depuis son lancement en 2018.

«La vente de cannabis ne peut pas se faire tant que les tests n’ont pas été réalisés avec des résultats concluants et ces tests sont réalisés par les fournisseurs eux-mêmes, qui doivent d’abord et avant tout, passer par un processus d’accréditation et d’habilitation sécuritaire mené conjointement par la GRC et l’Autorité des marchés publics.»

«Pour être en mesure d’être commercialisés à la SQDC, les produits doivent donc provenir d’un fournisseur détenant une licence de Santé Canada de distribution, car une taxe d’accise doit être apposée sur chaque produit par le producteur avant sa commercialisation», indique la société d’État.

Tous les produits qui peuvent aboutir sur les tablettes de la SQDC sont analysés, approuvés, et bien sûr taxés.

Pour ainsi dire, tous les produits qui peuvent aboutir sur les tablettes de la SQDC sont analysés, approuvés, et taxés, qui eux-mêmes proviennent de fournisseurs qui détiennent une licence gouvernementale officielle.

Pour ces raisons, il serait impossible de voir un producteur quelconque essayer de vendre ses récoltes à la SQDC. Cela enlève aussi la possibilité de voir les quantités perquisitionnées lors d’opérations policières aboutir en vente libre dans une des succursales de la société d’État.

Le marché noir de la vente de cannabis s’accroche malgré les parts perdus au profit de la distribution légale.

Des ventes légales en hausse

En plus de l’augmentation des exigences gouvernementales et des efforts des corps policiers pour resserrer la vis aux producteurs illégaux, la présence de la SQDC fait, elle aussi, passer un mauvais quart d’heure au marché noir de la vente de cannabis qui s’accroche malgré tout.

Non pas en raison d’offres spéciales pour attirer les consommateurs, mais plutôt, car elle s’impose comme monopole légal… et car elle rapporte gros. Très gros.

«Les ventes totales de la SQDC ont atteint 600,5 millions de dollars au cours de son exercice financier clos le 26 mars 2022, soit 109 351 kg de cannabis», indique la société d’État.

Une augmentation par rapport à l’année précédente, où les ventes de cannabis avaient été de 91 529 kg, pour un total de 537,2 millions. Ces chiffres excluent les produits et accessoires divers qui sont en vente dans les succursales – papiers à rouler, égreneuses, huiles, etc.

Plusieurs producteurs illégaux de cannabis continuent de sévir dans la province notamment pour le crime organisé.

La SQDC estime avoir capté plus de la moitié des parts du marché noir de la marijuana à travers la province depuis son lancement en 2018 et a même lancé un projet-pilote de livraison «instantanée» en juillet dernier.

Cependant, plusieurs producteurs n’embarquent pas dans ce manège légal, et essaient de tirer un maximum de profit en restant en marge du circuit de la SQDC. Dès lors, pour des raisons qui leur sont propres, les producteurs illégaux de cannabis continuent de sévir notamment pour le crime organisé, et les opérations policières pour les contrer semblent loin de vouloir diminuer.