Des écologistes manifestent contre le Grand Prix

Une vingtaine de manifestants s’étaient donné rendez-vous à 10h dimanche matin afin de protester contre cette kermesse mettant en vedette l’automobile, en bonne partie responsable du réchauffement de la planète selon ces derniers.

Si le Grand Prix de Trois-Rivières (GP3R) réussit à attirer un grand nombre de spectateurs et crée de nombreuses retombées économiques pour les commerçants de la ville, il demeure un événement controversé. En effet, une vingtaine de manifestants s’étaient donné rendez-vous à 10h dimanche matin afin de protester contre cette kermesse mettant en vedette l’automobile, en bonne partie responsable du réchauffement de la planète selon ces derniers.


Pollution, émissions de gaz à effet de serre, îlots de chaleur, bruit, perte d’accès à la piscine de l’Exposition ou promotion de la «culture du char»; les raisons étaient nombreuses de s’opposer à la tenue de l’événement selon les manifestants. Principalement constitué d’écologistes inquiets par les changements climatiques, le rassemblement se tenait sur la rue des Forges à l’angle de Papineau, directement devant le site du GP3R.

Alors qu’une chaleur accablante frappait la ville, donnant un argument supplémentaire aux protestataires, de nombreux véhicules de luxe circulaient dans les rues avoisinantes, faisant parfois vrombir leur moteur pour narguer les opposants aux courses automobiles. Ceux-ci scandaient «Stop au Grand Prix! Arrêt aux subventions», armés de panneaux octogonaux rouges.



«Ouvrir la discussion»


«L’important, c’est d’ouvrir la discussion, d’ouvrir le débat, qu’on en parle, que ce ne soit pas un tabou, que ce ne soit pas considéré comme quelque chose de sacré. Il faut pouvoir en discuter, il faut pouvoir le remettre en question, il faut des échanges par rapport à ça», souligne le manifestant Emmanuel Aubin Protz, secrétaire à Mobilisation Climat Trois-Rivières (MCTR).

Les manifestants scandaient «Stop au Grand Prix! Arrêt aux subventions», armés de panneaux octogonaux rouges.

«Déjà, on le sent en ce moment, il fait chaud et il va continuer de faire toujours plus chaud si ça continue à s’empirer. Il y a un contexte d’urgence climatique et l’événement du Grand Prix, autant sur le plan concret en termes d’émissions de gaz à effet de serre que sur le plan symbolique, il y a un sacré décalage par rapport à la direction qu’on devrait suivre dans une optique de transition énergétique.»

«C’est clair que sur le plan du symbole, le GP3R pose vraiment un problème et va à contresens du message qu’on devrait donner. Pourtant, dans l’événementiel, il y aurait plein d’activités qui pourraient être créées ou bénéficier de plus de subventions. On pense au FestiVoix, qui reçoit bien moins de financement que le Grand Prix, aussi étonnant que cela puisse paraître, alors que l’événement est bien plus rassembleur. Sur le plan du symbole, le FestiVoix envoie un bien meilleur message que le GP3R, celui d’encourager nos artistes locaux du Québec», poursuit l’écologiste qui a participé à l’organisation de la manifestation en compagnie de la citoyenne Christiane Bernier.

«[Le GP3R] renforce la prédominance de l’automobile. Déjà que ce n’est pas évident de faire ses déplacements à Trois-Rivières quand on est piéton ou cycliste. Même le transport en commun, on sait que c’est déficient. Avec cet événement, on sacralise davantage l’automobile.»



«Reprendre le momentum»

«On parle de canicules dans plusieurs pays, ici présentement, on est dans une vague de chaleur, on parle de sécheresses, etc. C’est comme s’il fallait continuer à revenir comme avant. C’est comme si le Grand Prix voulait devenir aussi gros qu’avant, et peut-être même devenir plus gros à l’avenir, alors que ce qu’on devrait faire, c’est mettre tout à l’arrêt et réfléchir», affirme pour sa part Marc Brullemans, l’un des Trifluviens participant à la manifestation.

Emmanuel Aubin Protz, secrétaire à Mobilisation Climat Trois-Rivières (MCTR).

«La pandémie nous a servi un peu à ça, à un moment donné, on nous a dit qu’on allait mettre le «breaker à off», on va tout arrêter parce que la situation l’exige. Le climat, c’est la même chose, la situation exige qu’on arrête de brûler toutes sortes de combustibles et qu’on établisse des paramètres pour bâtir une société qui va être viable», ajoute celui qui est biophysicien et membre du Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec.

«Il faut éventuellement qu’il y ait une mobilisation de masse, il n’y a pas de doutes là-dessus. Emmanuel [Aubin Protz] a parlé tout à l’heure de voter du bon côté, en quelque sorte, de choisir nos candidats pour les élections. Mais il faut quand même qu’il y ait une mobilisation citoyenne, il faut qu’il y ait suffisamment de gens qui soient convaincus qu’il y a une urgence climatique», mentionne le vétéran des luttes environnementales dans la région.

«Ça peut partir tranquillement. Je me rappelle des premières manifestations qu’on faisait au centre-ville de Trois-Rivières contre les gaz de schiste. On était cinq ou six. Un moment donné, on a été des centaines de milliers à Montréal. Ici, il y a eu une manifestation sur le climat en 2018 à Trois-Rivières, on était 4000. On aimerait reprendre ce momentum-là»

Cesser de subventionner le GP3R?


«Ce qu’on demande, au minimum, ce qui devrait être d’un commun accord, ce serait une diminution progressive des subventions au Grand Prix. On sait que la Ville de Trois-Rivières subventionne le GP3R à hauteur de plus de 800 000$ par année. Ce qui est quand même assez étonnant quand on y pense, parce que pour une activité qui est censée aller si bien sur le plan économique, on s’étonne qu’ils aient besoin de subventions. Ça, c’est sans compter les subventions du provincial», continue M. Aubin Protz.

Marc Brullemans, biophysicien et membre du Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec.

«On sait que la Ville a des difficultés financières, on ne se le cachera pas. Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire des économies en coupant dans les subventions au Grand Prix? D’autant que la Ville de Trois-Rivières n’est même pas capable d’assurer des services essentiels comme l’accès aux piscines. Parlant de piscines, le GP3R lui-même, mobilisant l’espace, empêche l’accès à la piscine qui est juste à côté. C’est quand même assez étonnant qu’on priorise cet événement-là, qui amplifie le problème de chaleur, d’îlots de chaleur, de réchauffement.»

Rien pour calmer les protestations, le GP3R profitait de la matinée pour annoncer l’ajout d’un événement hivernal à sa programmation: une compétition de rallycross à venir en janvier, mais avec des voitures électriques. «À cet égard, précisons que ceux qui évoquent un potentiel Grand Prix électrique, ce n’est pas forcément une solution plausible. Selon les données de la Fondation Trois-Rivières durable provenant d’un bilan fait en 2018, le gros des gaz à effet de serre provient du transport des véhicules d’un peu partout à travers le monde vers le site», signale le secrétaire de MCTR.