Chronique|

Un si bon quart-arrière

Deshaun Watson a reçu une suspension de six matchs pour avoir eu 24 poursuites civiles contre lui pour avoir pendant quinze mois attouché et agressé des femmes qui lui prodiguaient des traitements de massothérapie.

CHRONIQUE / On a beaucoup parlé de cette histoire de viol collectif impliquant huit hockeyeurs alors qu’ils jouaient dans le junior et, surtout, la façon dont Hockey Canada a réglé ça à l’interne, en catimini. On ne connait toujours pas l’identité des joueurs, sinon qu’il y en aurait qui évoluent aujourd’hui dans la Ligue nationale.


On sait que Sport Canada était au courant et n’a pas réagi.

On a donc beaucoup parlé de cette culture de banalisation des agressions sexuelles dans le hockey, dans d’autres sports aussi. Juste à voir comment Hockey Canada a réagi, du bout des lèvres quand l’organisme a été acculé au pied du mur et montré du doigt pour avoir payé les victimes à même un fonds spécial, une «petite caisse» du viol.

On y a pigé 7,6 millions $ pour régler neuf dossiers.

Hockey Canada a été convoqué devant un comité parlementaire, les dirigeants ont dû s’expliquer, s’excuser et surtout présenter une série de changements qui seront apportés pour que ces comportements ne soient plus tolérés, pour que ceux qui commettent des crimes sexuels en subissent les conséquences.

Chaque fois qu’une histoire comme celle-là sort, on se dit “ça y est, la société évolue, on n’accepte plus ce genre de choses”. 

Et puis Deshaun Watson.

Je ne connaissais pas ce joueur de football professionnel jusqu’à lundi, quand j’ai lu qu’il avait reçu une suspension de six matchs pour avoir, tenez-vous bien, eu 24 poursuites civiles contre lui pour avoir pendant quinze mois attouché et agressé des femmes qui lui prodiguaient des traitements de massothérapie.

Tout ça était connu l’année dernière alors que le quart-arrière de 26 ans évoluait pour les Texans de Houston, il a d’ailleurs manqué la saison à cause de ses déboires judiciaires. Mais ce qui est embêtant, semble-t-il, c’est que Watson est un sacré bon joueur, un des meilleurs de la ligue en fait, les Browns de Cleveland n’allaient donc pas lever le nez sur l’occasion de l’embaucher en mars, contre 230 millions $US pour cinq ans.

C’est le contrat entièrement garanti le plus généreux de la NFL.

Mais reste que la ligue a dû se pencher inévitablement sur les allégations à l’endroit de l’Américain accusé d’avoir les mains et le pénis baladeurs. De la trentaine de femmes qui se sont manifestées, seulement quatre ont été appelées à témoigner, les autres n’ont donc pas été entendues.

Fait à noter, depuis 2020, les sanctions sont déterminées par un ou une juge nommé conjointement par la NFL et l’Association des joueurs, la ligue ne peut donc pas imposer les sanctions qu’elle souhaiterait. Dans le cas de Watson, la NFL plaidait pour une suspension d’au moins un an et une amende de cinq millions $US et l’Association des joueurs, rien.

Rien.

Eh oui, aujourd’hui encore, avec tous les #metoo du monde, l’Association des joueurs de football des États-Unis estime que Deshaun Watson ne méritait pas un match de suspension pour ses inconduites sexuelles, qu’il ne fallait pas enquiquiner ce quart-arrière de grand talent.

C’est Sue L. Robinson, une femme, qui a été choisie pour entendre cette cause, pour écouter les quatre femmes raconter comment le joueur les embrassait et les touchait avec son pénis contre leur gré. Le joueur a nié en bloc les allégations, cela même s’il a réglé hors cours 23 des 24 poursuites.

Quand on a de l’argent, ça va.

La juge a imposé une suspension de six matchs. «Bien qu’il s’agisse de la peine la plus importante jamais infligée à un joueur de la NFL pour des allégations de conduite sexuelle non violente, le comportement de M. Watson est plus odieux que tout autre examiné auparavant par la NFL», a-t-elle écrit dans son jugement de 16 pages.

Odieux, mais non-violent.

Au salaire qu’il fait et avec les conditions qui sont stipulées à son contrat, une suspension de six matchs le privera de moins de 350 000 $US.

Une suspension de six matchs, c’est ce dont a écopé DeAndre Hopkins des Cardinals du Minnesota en mai pour avoir consommé une substance visant à améliorer ses performances sportives, selon le réseau ESPN. C’est aussi ce qui pourrait être imposé à Alvin Kamara des Saints de La Nouvelle-Orléans, pour s’être battu dans un hôtel de Las Vegas le 6 février dernier.

Son audience vient d’être repoussée de deux mois.

Si une suspension de six matchs pour Deshaun Watson a semblé appropriée pour la juge Robinson, elle ne l’est clairement pas pour un très grand nombre d’observateurs qui en ont dénoncé la clémence. Un feu nourri de critiques qui n’est pas sans rappeler celui provoqué par les agissements de Hockey Canada ou par l’absolution accordée par le juge Matthieu Poliquin à Simon Houle, qui a plaidé coupable à des gestes indécents.

Il y a des choses qui ne passent plus.

La NFL a d’ailleurs annoncé mercredi soir qu’elle portait la décision de la juge Robinson en appel, ce qui pourrait mener à une suspension plus longue et à une amende salée comme le souhaitait la ligue. L’Association des joueurs a jusqu’à vendredi pour réagir à la demande d’appel, bien hâte de voir ça.

Souhaitons, cette fois, qu’elle n’échappe pas le ballon.