Âgé de 29 ans, le Trifluvien d’origine marocaine a été sélectionné parmi divers talents culinaires d’Europe, d’Asie et d’Afrique pour présenter un plat signature dans cette compétition qui juge autant les habiletés techniques, la créativité que les croyances personnelles guidant la vision de chaque participant. Chaque chef sélectionné constitue la relève de demain et se trouve sous la barre des 30 ans.
Samy Benabed, lui, est derrière les fourneaux depuis la moitié de sa vie et il a spontanément reposé le choix de son plat sur la préparation d’un... poulet rôti. Plus qu’un classique québécois, le mets permet à son créateur d’exprimer l’enjeu du racisme à travers l’histoire derrière le plat. «Je travaille en cuisine depuis que j’ai 16 ans. Mon premier emploi a été à la pizzéria 67 de Saint-Boniface. Mon père, lui, travaille chez Ti-Coq depuis des années et je pense que le spécial du chef fait partie intégrante de la culture culinaire québécoise», explique celui qui promet de revisiter le classique à sa façon.
Il ajoute que, bien que détenant un diplôme universitaire en administration, son paternel a travaillé la grande majorité de sa carrière au sein de la célèbre rôtisserie de la famille Benny à titre de cuisinier et livreur plutôt qu’en finances. «Pour moi, l’histoire de mon père est liée au racisme systémique», soutient celui qui tente de créer un pont entre la culture marocaine et la culture québécoise à travers sa cuisine.
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«Un spécial cuisse svp!»
Abdelaziz Benabed ne s’en cache pas, trouver du travail après ses études à l’UQTR a été un parcours difficile. «J’étais désespéré de trouver un emploi. La famille Benny a été la première à me donner une chance. À l’époque, j’étais le premier livreur d’une autre culture à faire de la livraison en ville, vous savez!», se souvient le diplômé universitaire. S’il a déjà eu son commerce de traiteur, le Trifluvien d’adoption n’a jamais complètement rompu ses liens avec la rôtisserie. «Ça fait plus de 30 ans que j’y travaille. J’ai touché à tout! Je connais bien la famille des propriétaires.»
M. Benabed parle de son fils comme d’un jeune homme travaillant, mais aussi en quête d’identité. «Samy s’est cherché beaucoup. À travers ses études en analyses biomédicales, puis en philosophie : je pense qu’il a finalement trouvé son créneau avec la cuisine. C’est un passionné, quelqu’un qui se questionne beaucoup», dépeint-il. «Je lui souhaite d’accomplir tout ce que je n’ai pas réussi de mon côté», lance-t-il.
«Tout le monde ici connaît le poulet de rôtisserie!», soutient le jeune chef. «Je vais proposer chaque élément : le poulet rôti bien sûr, le pain brioché, la salade de choux, les patates et la sauce.» Disons toutefois que la présentation sera loin de la boîte de carton alors que la cuisse de poulet sera recouverte de pétales de chrysanthème rouge et jaune, notamment. «Un clin d’oeil aux couleurs de Ti-Coq!», explique celui qui disposera de cinq heures pour préparer ce mets de façon gastronomique afin d’impressionner le jury.
«Cette compétition c’est une façon pour moi de voir où je suis rendu en cuisine. C’est prestigieux dans le domaine et les juges sont des sommités en cuisine. Déjà, j’ai accès à du mentorat, du contenu en ligne et des offres de stage», se réjouit celui qui fait partie des deux seuls Québécois en compagnie de Pierre Olivier Pelletier (Kebec Club) a avoir réussi à se faufiler à cette étape de la compétition.
Le principal défi selon Samy Benabed repose sur le respect du temps et l’enchaînement des étapes de préparation qui doivent se succéder à la minute près. «Je veux tester ma recette et me pratiquer deux à trois fois par semaine. Je suis en recherche d’un local pour le faire», indique le Trifluvien.
C’est cet automne que le chef saura s’il accède à la prestigieuse finale à Milan l’été prochain. «Nous sommes 10 Canadiens pour l’instant, puis on n’en gardera qu’un à la prochaine étape.» D’ici là, il est possible d’aller goûter à la table du jeune gastronome du côté de l’Auberge Saint-Mathieu du lac.