Chronique|

D.B. Cooper est-il Québécois ?

Un demi-siècle plus tard, le vol inusité de D.B. Cooper fascine encore.

CHRONIQUE / Le crime parfait existe-t-il ? Ce qui semble s’en approcher le plus dans l’imaginaire collectif, du moins aux États-Unis, est le crime du célèbre et tristement anonyme D.B. Cooper. On en sait d’ailleurs très peu sur ce personnage, sinon qu’il s’est invité dans un avion commercial reliant Portland à Seattle en novembre 1971.


Une fois à bord, il s’est contenté de remettre un bout de papier à une hôtesse de l’air, un petit mot qui laissait entendre qu’il avait amené une bombe avec lui dans l’avion.

Après une escale où l’ensemble des passagers a été troqué pour la somme de 200 000 $ US (environ 1,3 million en dollars d’aujourd’hui), l’équipage a repris la route des nuages avec le pirate à son bord. Celui-ci, qui avait exigé quatre parachutes, a par la suite sauté du haut des airs dans un ciel noir avec son butin pour ensuite s’évanouir dans la nature.

Un demi-siècle plus tard, l’affaire fascine encore et toujours. Un documentaire sur le sujet a d’ailleurs fait son apparition sur Netflix il y a quelques semaines. Pour citer l’un des intervenants qui y prennent la parole, la passion, l’intérêt et le dévouement que portent certaines personnes à la résolution de ce crime sont aussi captivants, sinon davantage, que le vol lui-même.

Au fil de la minisérie de quatre épisodes, le mythique D.B. Cooper demeure au cœur de la trame narrative, mais les personnages principaux de l’intrigue sont plutôt ceux qui, depuis des années, investissent des efforts incalculables, aussi bien en temps, qu’en argent et en énergie, pour éclaircir ce mystère auquel un congrès y est d’ailleurs consacré chaque année !

La minisérie présente plusieurs individus qui, au fil des années, ont pris sur eux-mêmes de résoudre l’énigme. Certains sont convaincus d’avoir réussi à identifier ce mystérieux pirate de l’air, allant même jusqu’à pourchasser un ex-détenu dans ses derniers retranchements pour lui faire avouer qu’il vit depuis des décennies avec ce lourd secret.

Entre vous et moi, c’est pas mal plus probable, bien que beaucoup moins glamour, que le principal intéressé soit décédé de sa belle mort il y a déjà des années, emportant avec lui toutes les réponses que des centaines de personnes cherchent encore en vain.

Pourquoi donc une telle fascination, voire une telle obsession ? On l’ignore. Est-ce la gloire d’être celui ou celle qui aura percé un mystère vieux d’un demi-siècle, là où le FBI a échoué ?

Fait cocasse, le célèbre passager se serait inscrit sous le nom de Dan Cooper, un nom qui fait référence à un pilote canadien-français fictif œuvrant pour l’Aviation royale canadienne, personnage vedette d’une bande dessinée belge... « Et si D.B. Cooper était un Québécois ? », vient-on à se demander, alors qu’on tisse dans le film des liens minces, voire très minces, avec la crise d’Octobre, entre autres...

En tant que journaliste, j’ai grimacé face aux techniques d’entrevue boiteuses d’un de ces protagonistes qui tente de mettre les mots qu’il souhaite entendre dans la bouche de sa source afin de corroborer sa version des faits. Un peu plus tard, on assiste même à la démonstration d’un pseudo-expert en numérologie, où en associant des lettres à des chiffres, il allègue pouvoir prouver « hors de tout doute » la théorie d’un des enquêteurs maison.

C’est hallucinant, rien de moins. Ce qui l’est encore plus, c’est de constater à quel point ces gens sont convaincus de ce qu’ils avancent et que tout nouvel élément obtenu par leurs recherches est interprété de manière à appuyer leur théorie, peu importe si tous les autres faits ont tendance à réfuter celle-ci...

L’intérêt du documentaire, mis à part celui de nous en apprendre davantage sur l’un des plus célèbres crimes du 20e siècle, c’est la réflexion sur la nature humaine que le tout suscite chez celui ou celle qui le visionne.

À partir de quand le résultat de nos recherches devient-il teinté par notre biais de confirmation ? À partir de quand sommes-nous trop personnellement impliqués dans une affaire pour cesser d’y voir clair ? Comment peut-on devenir obnubilé par une histoire datant de plusieurs décennies et qui ne nous concerne pas, au point d’en faire le centre de notre vie ?

Ça nous apprend aussi que, dans certaines situations, plus on a l’impression d’y voir clair, plus on devient aveugle.