Retour en arrière…
J’ai dix-sept ans et je suis déjà en appartement. J’habite un cinq pièces et demie que je partage avec quatre autres étudiants. Avec mon amoureux, le même qu’aujourd’hui, j’occupe une des deux grandes chambres. L’autre accueille deux garçons et la toute petite, une fille. On est tous des amis, mais pour combien de temps ?
Les tâches ménagères, l’argent et le rythme de vie de chacun sont souvent source de conflits.
On a pourtant établi des règles claires. J’ai d’ailleurs dessiné deux affiches pour se rappeler des plus élémentaires ; une est exposée dans la salle de bain et l’autre, est directement apposée sur le réfrigérateur. La première invite à ne pas abuser du rouleau de papier hygiénique et le remplacer lorsqu’il est terminé. La deuxième évoque le fait que les aliments entreposés n’appartiennent pas automatiquement à tous les colocataires et encore moins aux amis de ceux-ci.
Les ustensiles, les bols, les assiettes, les tasses et les verres, quant à eux, sont mis en commun et utilisés par chacun d’entre nous, sans restrictions des propriétaires.
Cinq personnes qui mangent des repas différents à toutes heures, ça salit énormément de vaisselle. Trop pauvres pour acheter un appareil électroménager pour s’en occuper, c’est à tour de rôle qu’on s’acquitte de cette tâche.
Les seules fois où l’on voit la couleur des comptoirs sont les lendemains des jours de grand lavage. Avant de retrouver les surfaces de travail, il peut se passer quelques heures. L’évier doit être rempli et vidé plusieurs fois tant la quantité à nettoyer est énorme. Les items propres sèchent ensuite à l’air tout en occupant l’espace des comptoirs précédemment libéré. Même la table est mise à profit.
C’est justement la veille de nos «opérations vaisselle» qu’un phénomène inévitable se produit. Le chaos dans les conventions sociales s’opère.
Des couvercles de chaudron servent d’assiettes, de grands couteaux dentelés sont utilisés pour tartiner une tranche de pain et… les quelques pots Mason de nos mères et grand-mères servent joyeusement de verre aux chanceux qui les trouvent en premier. Tout pour procrastiner. Mais le dernier à salir un pot Mason peut alors mettre la pression, c’est définitivement l’heure de la plonge!
C’était en 1994. Bien avant que le pot Mason ne soit tendance.
Depuis, la maturité acquise par l’âge et l’expérience m’a fait comprendre que la seule façon d’éviter de boire dans un pot Mason est de ne pas accumuler autant de vaisselle sale.
C’est pareil pour les tracas du quotidien.
Il ne faut jamais accumuler les petites bibittes noires qui tournent dans sa tête. Aussitôt qu’il est possible de les évacuer, il est impératif de s’en occuper. Vider son esprit des éléments négatifs qui s’entassent de jour en jour n’est pas une tâche facile.
Comme pour attaquer l’horrible pile de vaisselle encrassée, il faut d’abord se motiver. Le sommeil, l’activité physique et une bonne alimentation sont de très bons moyens pour se recharger en énergie. À l’instar d’un évier rempli d’items à nettoyer, il n’y a pas d’autres façons que de prendre chacune des problématiques, une à la fois, pour ensuite les purifier. Aussi bien que pour passer au travers de la vaisselle à récurer, s’en charger à plusieurs accélère le processus. Parler, verbaliser, aller chercher de l’aide ne peut qu’être profitable pour celui ou celle qui vit avec les tourbillons.
Et lorsque la tâche ardue est terminée, on apprécie «ses comptoirs» vides, tout comme l’entourage qui en bénéficie. La vie redevient alors limpide, aussi claire que le verre utilisé pour fabriquer le pot Mason… jusqu’aux prochains soucis à laver.
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Inventé par l’Américain John Landis Mason, le célèbre contenant transparent a été breveté en 1858. Bien qu’on conservait déjà les aliments dans des pots semblables, l’innovation du produit en fit la marque la plus populaire. En effet, le couvercle de métal, vissant et en deux parties, permet de vérifier l’étanchéité d’un seul doigt.