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Je me trouve dans un fast food, dans le coin de Rivière-du-Loup. Dans un McDo du Bas-du-Fleuve.

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Derrière le comptoir, un enfant. De beaux grands yeux intelligents.

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«C’est comment, travailler par un beau dimanche après-midi?», que je lui demande.

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«J’aime ça. Je gagne de l’argent», me répond-il poliment, en souriant.

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Il s’appelle Alex. Je lui demande quel âge il a.

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«Douze ans», me répond-il de sa petite voix.

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C’est lui qui prend ma commande. C’est lui qui se chargera de conclure la transaction payée avec ma carte de crédit.

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Il est à son affaire. Les autres employés du resto ont 18-20 ans. Un enfant parmi les grands.

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Ça s’est passé par un beau dimanche après-midi du début juillet. Tandis que ses amis allaient à bicyclette ou nageaient dans la piscine creusée de papa-maman, Alex faisait ses heures avec le sourire.

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Un petit travaillant payé dans les 15 dollars de l’heure. Un préado qui, visiblement, a de l’ambition et le cœur à l’ouvrage.

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Trop jeune?

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Les clients derrière moi ont eu la même réaction que moi en voyant sa petite tête dépasser à peine le comptoir.

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«Mais c’est en enfant... Me semble que c’est bien trop jeune pour commencer à travailler», a lâché une jeune grand-maman qui accompagnait son petit-fils âgé de... 12 ans.

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Et vous savez quoi? Quand son petit-fils a commandé son «trio», le jeune employé lui a demandé: «Si tu veux venir travailler ici, ils engagent.»

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Il n’a pas répondu à l’invitation. Mais, de toute évidence, il n’avait pas envie de faire carrière dans l’empire de Ronald McDonald.

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Au Québec, il n’y a pas d’âge minimal à respecter pour commencer à travailler. Toutefois, si le jeune a moins de 14 ans, il lui faut obtenir l’autorisation, par écrit, de ses parents. Ce qu’ont dû faire les parents d’Alex pour lui permettre de bosser pour cette multinationale qui en est rendue à recruter dans le bassin de nos jeunes pour «vendre» ses hamburgers.

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Pas étonnant que l’entreprise affiche sous sa grande arche dorée, en certains endroits: Salaires compétitifs.

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Elle pourrait ajouter: «Venez-vous-en, les enfants! Y a du travail pour vous autres!»

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Cette chaîne de restauration rapide n’est pas la seule, oh que non!, à recruter des 11-14 ans pour combler ses besoins criants de main-d’œuvre.

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Les jeunes, ces très jeunes-là, on les voit à l’œuvre dans les fast food, les supermarchés, les dépanneurs, aussi.

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Ils sont volontaires, ils travaillent le dimanche, ils ont pour clients des adultes qui ont l’âge de leurs parents et de leurs grands-parents. L’été dernier, à Saint-Donat, dans les Laurentides, j’ai poussé mon panier d’épicerie jusqu’à la caisse où se trouvait un p’tit gars âgé de 13-14 ans tout au plus.

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Des questions

Est-ce acceptable? Est-ce dans ce Québec que nous voulons évoluer? Sommes-nous en train de faire un retour dans le passé en faisant travailler des enfants au salaire minimum?

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Mais il s’en trouvera pour plaider en faveur du travail amorcé très tôt dans la vie permettant de se responsabiliser et d’apprendre à gérer ses finances.

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Ce sont là bien des questions, toutes pertinentes, toutes d’actualité, auxquelles il faudrait trouver des réponses, dans un contexte bien particulier. Un contexte où on s’arrache les employés pour pourvoir des postes laissés vacants par les nombreux – et de plus en plus nombreux – départs à la retraite.

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N’oublions pas qu’à l’heure actuelle, un Québécois sur cinq est âgé de 65 ans et plus. Dans un texte paru le mois dernier, le journal Le Monde titrait: «Le Québec met les enfants au travail pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre».

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Beau titre accrocheur...

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La correspondante à Montréal, Hélène Jouan, citait le cas du jeune Adrien qui, et je cite: «À l’âge ou certains jouent encore au Lego, il empile les boîtes de conserve au bout de son rayon.»

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Fin de la citation.

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Elle citait une enquête de l’Institut de la statistique du Québec [2016] où on rapportait qu’«un écolier sur trois avait un emploi rémunéré pendant l’année scolaire».

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Elle ajoutait que cela faisait en sorte que le Québec, et plus généralement le Canada, étaient «des figures d’exception au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière de travail des enfants».

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Nous serions donc des «figures d’exception». Si tel est le cas, on fait quoi pour ne plus faire partie des «exceptions» qui confirment la règle?

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On garde nos enfants à la maison jusqu’à ce qu’ils aient l’âge de travailler?

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En Colombie-Britannique, on a légiféré afin de porter l’âge minimum de 12 à 16 ans.

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Chez nous, faudra-t-il réglementer le travail des enfants?

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Le ministre du Travail, Jean Boulet, s’est avancé sur cet enjeu social au cours des dernières semaines. Fin mai, il a dit trouver «pas normal» que des enfants aussi jeunes que 11 ans bossent pour un employeur. Il disait alors vouloir envisager adopter une loi pour mieux encadrer le travail de cette jeune catégorie de travailleurs.

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Il avait été interpellé par la députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy. Il était notamment question que le Comité consultatif du travail de la main-d’œuvre remette ses recommandations. On attend la suite des choses.

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Le Québec se veut une société distincte. Bien. Mais il ne faudrait pas que la Belle Province se distingue de la mauvaise façon en oubliant d’encadrer le travail de nos jeunes qui vont un jour assurer la relève.

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