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Quand les arts donnent vie aux ruelles

On en est aux derniers préparatifs de la 5e édition d’Interzone, un projet grâce auquel différents artistes viennent annuellement concevoir des œuvres qui sont incorporées à l’architecture. Bien que l’activité se déroule officiellement cette année du 15 juillet au 30 septembre, des créations des plus diversifiées y sont visibles à longueur d’année.

CHRONIQUE / En dehors du regard affûté de talentueux photographes, les ruelles ont en général bien peu à offrir aux piétons de passage. C’est d’autant plus vrai quand celles-ci longent les arrière-boutiques d’une artère commerciale. Les visiteurs n’y trouvent habituellement qu’un décor délabré et des odeurs qui font rapidement regretter d’y avoir mis les pieds. La ruelle située entre la 4e et la 5e rue de la Pointe à Shawinigan n’échappait pas à ce portrait. Puis, il y a cinq ans, sous l’impulsion des artistes Louise Paillé et Josette Villeneuve, le triste passage a progressivement pris vie. Les arts s’y sont incrustés et nous permettent à présent de la redécouvrir sous un tout autre jour.


Dimanche dernier, je suis allé m’y balader. Attiré par des photos partagées sur les réseaux sociaux, j’étais curieux de voir les préparatifs de la 5e édition d’Interzone, un projet grâce auquel différents artistes viennent annuellement concevoir des œuvres qui sont incorporées à l’architecture. Bien que l’activité se déroule officiellement cette année du 15 juillet au 30 septembre, des créations des plus diversifiées y sont visibles à longueur d’année.

À mon arrivée au coin de l’avenue Mercier, c’est dans une franche ambiance de camaraderie qu’une dizaine de personnes s’affairaient à peindre le sol de couleurs vives qui détonnaient avec la grisaille habituelle de l’endroit. Les motifs multicolores qui s’étendent de l’avenue de la Station à l’avenue des Cèdres délimitent le parcours de l’exposition à ciel ouvert.

Ces journées consacrées au marquage du sol sont devenues une véritable tradition pour les artistes, dont certains y viennent maintenant accompagnés de leurs enfants. C’est un rendez-vous annuel, signe du retour de l’été et de la renaissance de la ruelle. «C’est la partie préparatoire pour remettre la ruelle belle avant que les œuvres arrivent», me lance avec enthousiasme l’artiste Myriam Fauteux, pinceau à la main.

En effet, les artistes réussissent l’exploit de rendre la ruelle plus belle. Celle-là même qui autrefois se devait, à juste titre, d’être gardée à l’abri des regards. Myriam ne cache d’ailleurs pas sa fierté de prendre part à cet effort collectif d’embellissement. «C’est rare au Québec un projet comme celui-là, qui se poursuit toujours au même endroit. Ça a complètement changé la face de la ruelle. Avant qu’on commence, c’était vraiment crade.»

En les regardant s’investir à la tâche avec cœur, j’ai pris conscience que l’impact de l’art est d’autant plus grand quand il s’immisce dans des lieux où on ne l’attend pas. Quand il s’invite dans des endroits mornes qui ont particulièrement besoin de renouveau. Comme ici. Heureusement, les artistes d’Interzone savent éperdument que la création artistique a tout autant sa place dans les ruelles et les quartiers populaires que dans les clinquantes places publiques.

Il y a plus d’une quinzaine d’années, le défunt Festival de théâtre de rue avait permis aux citoyens de se réapproprier la ruelle et de l’accepter comme faisant partie intégrante de leur environnement. Il aura fallu attendre la première édition d’Interzone en 2018 pour qu’on lui porte à nouveau attention.

En août prochain, cette ruelle sera également l’hôte d’une portion de la programmation des Escales fantastiques, l’événement qui marquera le retour fort attendu du théâtre de rue à Shawinigan. Cette nouveauté vient amplifier l’optimisme débordant de Myriam, qui en plus d’être d’artiste en arts visuels, œuvre au centre-ville. «Ça fait 12 ans que je travaille à la boulangerie Tous les jours dimanche et ça fait 12 ans que je vois que tout s’améliore. Je suis bien impliquée à Trois-Rivières et mon atelier s’y trouve, mais j’habite à Shawi et je n’ai pas l’intention de déménager parce que c’est dynamique. Parce qu’il se passe de belles choses.»

De bien belles choses auxquelles les artistes que j’ai croisés dimanche ne sont pas étrangers.