C’est que la pandémie a laissé sa trace dans les salles de spectacles, alors que plusieurs employés à statut plus précaire se sont réorientés. Les reports des représentations ont également fait en sorte de condenser le calendrier qui a été très chargé au cours des dernières semaines.
Cette situation survient alors que les mois de mai et de juin sont déjà très occupés en temps normal avec des activités de fin d’année des écoles et des organismes, en plus des spectacles à reprendre et des festivals qui commencent.
«Ça fait en sorte que les ressources humaines sont sollicitées de toutes parts. C’est juste beaucoup trop, plaide Mélanie Brisebois, la directrice des arts de la scène de Culture Trois-Rivières. Nos équipes sont épuisées et il faut prendre soin des employés. Ils font des semaines surchargées et il faut leur donner de l’air un petit peu pour s’assurer qu’ils restent avec nous. On veut être bienveillant avec eux. On veut qu’ils aient une belle qualité de travail. C’est pour ça qu’on a fait le choix d’annuler quelques spectacles.»
Devant ce constat, Culture Trois-Rivières a pris la décision d’annuler les spectacles de Marie-Mai (11 juin) et l’une des deux représentations de La face cachée de la lune de Robert Lepage (24 juin), alors que les représentations de Billy Tellier (21 mai) et de P-A Méthot (28-29 mai) ont été repositionnées sur des supplémentaires en 2023.
La chanteuse Marie-Mai s’est d’ailleurs dite très déçue de l’annulation de son spectacle à la salle J.-Antonio Thompson de Trois-Rivières. «J’avais hâte de venir jouer chez vous et de retrouver l’énergie qu’on vous connaît. Chaque show qu’on a fait sur place a toujours été mémorable», a-t-elle souligné sur son compte Instagram.
Des problèmes un peu partout dans la région
Il faut dire que les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre étaient déjà présents avant la pandémie. En 2019, les acteurs de la culture de la région avaient mis sur pied un réseau pour se partager du personnel occasionnel afin de prêter main-forte pour des productions plus importantes. Cette coopérative a toutefois beaucoup de pression en raison des besoins qui sont nombreux dans la région.
«Avec la pandémie, cette initiative-là a un peu écopé. Dans le sens où les gens qui en faisaient partie, ils ont décidé de se réorienter, de faire de la formation et de prendre d'autres genres d'emplois, précise Mélanie Brisebois. Ça fait en sorte que là, on est prêt à reprendre les spectacles, nos équipes permanentes sont en poste, mais tous ceux qui venaient bonifier les équipes selon les productions, qui venaient relayer, il n'y a plus personne de disponible.»
Du côté de Culture Shawinigan, le directeur général et artistique, Bryan Perro, admet qu'il n'est pas surpris d'apprendre que Culture Trois-Rivières doive annuler cinq spectacles. «Je comprends très bien leur situation. Je sais exactement où ils en sont. S'ils font ça, ce n'est pas de gaieté de cœur. C'est vraiment troublant. On n'a jamais vécu ça», commente-t-il.
S'il n'en est pas au point de rupture de son côté, il admet que la situation demeure fragile, alors que les équipes techniques sont sous pression. «On ne manque pas de personnel technique, mais on est à pleine capacité et le vase est à la veille de craquer, illustre Bryan Perro. Pour l'instant, il n'y en a pas [d'annulations], mais ce que l'on attend comme été, avec Objectif Terre qui commence, le festival de théâtre de rue qui va s'en suivre, il faut faire attention pour ne pas que le vase craque.»
«On va chercher du ponctuel, mais le ponctuel n'existe plus. C'est donc souvent l'équipe qui est obligée de pallier à ce manque de personnel et un moment donné, des semaines de 60 heures, on ne peut plus en faire, continue Bryan Perro. On ne sait pas vers quoi ça nous mène. On va régler les problèmes qui vont se présenter un à la fois, mais cette pénurie n'augure pas bien.»
Le directeur général de l'Amphithéâtre Cogeco, Steve Dubé, assure de son côté qu'il a encore de la marge de manœuvre en ce qui concerne le personnel technique. «C'est sûr qu'avec la période de festivals qui s'en vient, ça va devenir un enjeu majeur, mais pour l'instant on est correct, indique-t-il. On a nos opérations cirque qui sont planifiées depuis longtemps, donc ce n'est pas quelque chose qui est envisagé [l'annulation de spectacles], pas du tout.»
Mario Courchesne, qui a repris temporairement les rênes du Théâtre Belcourt de Baie-du-Febvre, après trois ans de retraite, admet lui aussi vivre une problématique pour ce qui est du personnel technique. Il a lui-même dû prendre le relais, en fin de semaine, lors du spectacle de Patrice Michaud. «D'une semaine à l'autre, quand il y a une grosse demande, on se prête du monde avec Trois-Rivières ou avec Sorel», indique-t-il.
Avec une plus petite programmation, le Théâtre Belcourt est toutefois en mesure de s'en tirer sans avoir à annuler de représentations. On vient toutefois de passer par une période assez intensive qui devrait se calmer avec l'arrivée du théâtre d'été, espère Mario Courchesne. C'est qu'en plus de la reprise des nombreux spectacles qui ont été reportés, il y avait aussi plusieurs locations à honorer au travers les spectacles professionnels.