Dans cette étude, la chercheuse Anne Plourde relève que le ratio de patients inscrits par médecin en GMF «n’a augmenté que de 2% en six ans». Certaines données indiquent même que ce ratio a diminué de 8% entre 2014 et 2019, ajoute-t-elle.
De plus, alors que les GMF devaient contribuer à désengorger les urgences de la province, c’est plutôt le contraire qui se produit: 15% d’entre eux ont conclu des ententes avec des services d’urgence pour assurer une partie de leurs heures d’ouverture.
Enfin, le transfert de ressources professionnelles des CLSC aux GMF s’est traduit par une chute de 42% de l’offre de services de consultation sociale et de 52% de l’offre de services de consultation psychologique, évalue la chercheuse.
«Les GMF n’ont pas rempli leurs promesses, et cela, malgré le soutien indéfectible des gouvernements successifs et les fonds publics considérables investis dans ces cliniques en grande majorité privées», indique d’emblée Mme Plourde dans son bilan, rendu public jeudi.
Celle-ci dit d’ailleurs craindre les conséquences du développement d’une «médecine inc.» de première ligne, que le modèle des GMF contribuerait à consolider, selon elle.
«On tire des conclusions sans tenir compte de l’ensemble»
De son côté, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), explique que le problème d’accès à la première ligne est causé par des facteurs multiples, et non uniquement par le modèle même des GMF. Un avis que partage le Dr Pierre Martin, président de l’Association des médecins omnipraticiens de la Mauricie.
«Ce qui n’est pas mentionné, c’est la pénurie des effectifs en médecine de famille. On tire des conclusions sans tenir compte de l’ensemble de l’oeuvre», critique-t-il.
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Le Dr Martin rappelle que contrairement à la moyenne canadienne, le nombre de médecins omnipraticiens est inférieur au nombre de médecins spécialistes au Québec. Il en manquerait autour d’un millier actuellement pour répondre aux besoins de la population. Cette pénurie s’explique selon lui par la mauvaise image dont sont victimes les médecins de famille depuis plusieurs années.
«Ça s’est fait sous différents gouvernements, mais les années de gestion libérale, lorsque Gaétan Barrette était ministre de la Santé, en ont rajouté une couche de plus, alors qu’on a multiplié le mépris envers la profession de médecin de famille. Ça fait qu’on n’arrive pas à pourvoir les postes en formation pour la médecine familiale. Les médecins ne choisissent pas cette voie parce qu’il s’est dit tellement de choses négatives à son sujet que ça ne les intéresse pas, ils préfèrent prendre une autre spécialité», affirme-t-il.
Selon le Dr Martin, ce sont 70 médecins de famille par année qui ne sont pas formés en raison du manque de candidats.
«Il faut valoriser la profession de médecin de famille, mais surtout, arrêter de la dénigrer», soutient-il.
Entente pour améliorer l’accès aux soins
Le médecin voit par ailleurs d’un bon œil l’entente conclue entre la FMOQ et le gouvernement du Québec pour améliorer l’accès aux soins de première ligne. En vertu de cette entente, des patients sans médecin de famille auront accès à un suivi médical en étant inscrits à un groupe de médecins. Ceux-ci réserveront une partie de leurs heures de disponibilité à cette clientèle orpheline. Des incitatifs seront aussi mis en place pour les médecins qui réserveront 30% de leurs plages horaires à des rendez-vous pris dans un court délai. Enfin, avant de rencontrer un médecin, les besoins du patient seront évalués pour s’assurer qu’il a bel et bien besoin de ses services, et non de ceux d’un autre professionnel de la santé, comme un physiothérapeute, un psychologue ou un nutritionniste, par exemple.
«On a fait l’expérience dans le Bas-Saint-Laurent et pour 100 patients inscrits collectivement, 60 ont eu besoin de consulter et 30 d’entre eux n’ont pas eu besoin d’un médecin, ils ont été référés à un autre professionnel», illustre le Dr Martin.
Celui-ci estime enfin que la charge de travail administratif qui repose sur les médecins est sous-estimée par le gouvernement.
«Chaque fois qu’un médecin fait trois jours de soins, il doit investir une journée entière en travail administratif, pour remplir des formulaires, par exemple. C’est pas mal et il faut en tenir compte, le comptabiliser, parce que ça donne l’impression que le médecin ne travaille pas, alors que le quart de son temps de travail n’est pas reconnu», mentionne-t-il.
Avec La Presse