Le contexte de l’affaire est l’examen de la question de la validité d’une loi du Mississippi. L’État du Mississippi souhaite limiter le droit à l’avortement aux cas d’urgence médicale ou d’anomalie sévère du fœtus.
La Cour souligne que pendant 185 ans avant la décision de Roe c. Wade les États américains réglementaient le droit à l’avortement selon les vues de leurs citoyens. La Constitution des États-Unis ne faisant pas mention de l’avortement, les juges qui ont décidé l’affaire Roe ont à tort conclu à l’existence d’un droit général à l’avortement. La Cour adopte l’argument de l’état du Mississippi selon lequel l’avortement relève de la compétence des États. L’arrêt Roe est répudié parce qu’il conclut faussement que les États ne peuvent pas protéger le fœtus avant que celui-ci ne devienne viable.
Au Canada, l’avortement a longtemps été un acte criminel dont se rendaient coupables la femme qui se faisait avorter et celui ou celle qui l’aidait. Dans R. c. Morgentaler, les juges Dickson et Lamer de la Cour suprême du Canada statuent que la procédure et les restrictions pour avoir un avortement, établies par l’article 251 du Code criminel, constituent une ingérence profonde à l’égard du corps de la femme et par conséquent violent le droit de celle-ci à la sécurité de la personne tel que garanti par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Les juges Beetz et Estey préconisent une approche plus restrictive. À leur avis, l’intérêt que représente la vie ou la santé de la femme enceinte l’emporte sur celui qu’il y a à interdire les avortements. L’article 7 de la Charte inclut le droit au traitement médical d’un état dangereux pour la vie ou la santé de la femme.
Pour la juge Wilson, le droit à la liberté énoncé à l’article 7 de la Charte garantit à chaque individu une marge d’autonomie personnelle sur les décisions importantes touchant intimement à sa vie. L’article 251 du Code criminel est invalide parce qu’il enlève à la femme une décision personnelle et privée pour la confier à un comité. De plus, cette disposition enfreint la liberté de conscience de la femme garantie par l’article 2 a) de la Charte parce que dans une société libre et démocratique la conscience de l’individu doit primer sur celle de l’État.
Au Canada, la question de qui du fédéral ou des provinces a la compétence de réglementer l’avortement ne se pose pas. La prohibition de l’avortement relève de la compétence du fédéral en droit criminel et la mise en œuvre du droit à l’avortement est une question de santé qui sied d’abord aux provinces.
Le raisonnement de la Cour suprême des États-Unis ne peut donc pas s’appliquer au Canada. De plus, l’arrêt Morgentaler s’appuie sur une analyse très rigoureuse de l’article 7 de la Charte alors que le raisonnement des juges dans l’affaire de Roe est déficient à de nombreux égards comme le souligne fort à propos le projet de jugement.
René Duval, juriste
Nicolet