Un plan pour sonner la fin de l'éducation à trois vitesses

Le <em>Plan pour un réseau scolaire commun</em> mise sur une mixité socioéconomique, afin que chaque enfant ait droit à des chances égales de réussite.

L’organisme École ensemble propose une refonte en profondeur du système scolaire, fortement critiqué pour ses inégalités. Son plan mise sur une «mixité socioéconomique», afin que chaque enfant ait droit à des chances égales de réussite.


Selon un sondage CROP commandé par l’organisme de l’Outaouais, la moitié des Québécois croient que le système d’éducation s’est détérioré depuis trois ans. Plus de neuf répondants sur dix (91 %) voudraient que le gouvernement priorise une refonte du système de l’éducation. Ils aimeraient par ailleurs que cette refonte soit calquée sur le modèle finlandais.

C’est justement sur ce modèle de structure institutionnel que s’est basé le groupe créé par des parents pour écrire son plan. À la veille de la campagne électorale provinciale, le coordonnateur de l’organisme, Stéphane Vigneault, souhaite que le marché de l’éducation à trois vitesses – école publique ordinaire, école publique sélective et école privée subventionnée – soit complètement revu.

Pour ce faire, École ensemble a fait appel à différents experts, notamment des chercheurs de l’Université de Zurich et de la firme suisse Ville juste. Dans leur cas, le mandat était de développer un modèle de carte scolaire équitable.

Le coordonnateur d'École ensemble, Stéphane Vigneault, souhaite que le marché de l’éducation à trois vitesses – école publique ordinaire, école publique sélective et école privée subventionnée – soit complètement revu.

Le plan propose de redécouper les cartes scolaires, de sorte que la mixité sociale soit assurée. Les élèves iraient à l’école de leur quartier, dont les bassins seraient créés pour optimiser la distance entre l’école et la maison, ce qui diminuerait les besoins en transport scolaire. On tiendrait compte de la capacité d’accueil des établissements scolaires, semblables sur le plan socioéconomique.

Stéphane Vigneault ne veut plus que des parents souhaitent éviter certaines écoles. Le découpage permettrait, idéalement, que la moitié des élèves proviennent d’un milieu défavorisé.

L’idée est de faire en sorte que les bassins scolaires d’un même territoire soient semblables entre eux socioéconomiquement. Ça permet de montrer aux parents que leur école est comme les autres.

Il serait parfois impossible d’assurer une mixité sociale. Pour ces cas, École ensemble propose de mettre en place des compensations, comme des investissements dans les infrastructures, des budgets spéciaux pour renflouer la bibliothèque de l’école, l’achat d’équipements pour les classes ou encore des sorties spéciales.

Les avantages d’une mixité socioéconomique sont nombreux, selon le professeur émérite de l’Université de Montréal, Claude Lessard, qui s’intéresse aux fondements de l’éducation.

«Il y a les apprentissages scolaires et les apprentissages socioaffectifs, évoque-t-il. Sur le plan des valeurs et des aptitudes, du vivre ensemble, les recherches sont incontestables. Sur le plan académique, les recherches penchent de ce côté aussi, mais il y a des données variables.»

Il ajoute qu’il est «faux de prétendre que les élèves doués vont pâtir de se retrouver dans une classe diversifiée». Selon lui, beaucoup dépend de la façon d’enseigner. «Si les élèves doués donnent un coup de main aux autres, ils vont finir par maîtriser encore davantage leurs aptitudes.»

Des options gratuites pour tous

Selon le plan proposé, les écoles ne seraient plus en compétition, puisqu’elles ne pourraient plus sélectionner les élèves les plus payants financièrement et qui ont les meilleurs rendements scolaires.

Les écoles de quartier proposeraient une cinquième période chaque jour, en diminuant la durée des quatre autres, pour que les élèves puissent assister à des cours d’option qu’ils auront choisis selon leurs intérêts. Cette période pourrait aussi être utilisée comme moment d’étude, si l’élève en a besoin ou s’il fait partie d’un sport fédéré.

Les écoles de quartier proposeraient une cinquième période chaque jour.

L’ajout de cette période coûterait en moyenne 100 $ de plus par élève.

«On recommande au législateur de couvrir ces frais parce qu’il n’y a pas de libre choix sans gratuité, réitère Stéphane Vigneault. Quand on parle de choix, un vrai choix, c’est entre les options gratuites pour tout le monde.»

Le privé intégré

Les écoles privées seraient quant à elles subventionnées à 100 %, à condition de mettre fin à la sélection des élèves. Elles auraient également l’option de renoncer aux subventions et de ne pas intégrer le réseau scolaire commun. Elles pourraient alors continuer d’être sélectives et devraient facturer le plein prix aux parents.

L’organisme a également fait l’exercice d’évaluer les coûts de cette transition, sur six ans, avec l’aide de l’économiste François Delorme, de l’Université de Sherbrooke.

«La fin du financement public pour les écoles privées non conventionnées changerait de façon significative les frais de scolarité. On croit que plusieurs élèves quitteront l’école privée. Cette diminution de la demande, qui est une évaluation très intuitive, constitue le point de départ de nos calculs, explique M. Delorme. Pour estimer combien d’élèves du Québec fréquenteraient les écoles privées non subventionnées, on a utilisé les chiffres de l’Ontario. En 2018-2019, 6,3 % des élèves fréquentaient l’école privée.»

En calculant l’augmentation du coût des subventions aux écoles privées conventionnées, et en retirant le coût des subventions à celles qui ne veulent pas se joindre au réseau commun, François Delorme calcule qu’à terme, il y aurait des économies de 100 millions de dollars de fonds publics sur une base annuelle.