Je me suis questionné sur cet étrange sentiment qui m’habitait, pour finalement réaliser que vous en êtes la raison. Oui, vous, lecteurs et lectrices. Mais, soyez sans crainte, vous n’y êtes absolument pour rien. C’était plutôt la pression que je m’imposais pour vous plaire qui me paralysait. Chaque semaine, mon désir profond est de vous offrir un billet comportant des propos pertinents, une opinion tranchée, un angle différent. Mon défi est de vous livrer une information ou un point de vue qui me tient à cœur, tout en m’assurant de capter votre attention et votre intérêt, semaine après semaine.
Puis, j’ai repensé à cette fameuse soirée du 21 avril dernier alors que District 31 tirait sa révérence. Pendant que mes pensées étaient envahies par l’idée de trouver un filon pour une chronique de quelques centaines de mots à peine, j’ai songé au travail colossal de Luc Dionne au cours des dernières années.
Je sais bien que depuis une semaine tout a été dit sur la fin de District 31. Mais on ne le répétera jamais assez: l’auteur Luc Dionne a réussi un véritable exploit olympien, celui d’offrir six saisons d’une quotidienne qui a toujours su maintenir l’intérêt constant du public, mais surtout, qui a su garder sa pertinence, saison après saison. Alors que les séries télévisées américaines qui ont perduré pouvaient compter sur une horde de scénaristes, le phénomène District 31 est redevable au travail d’écriture d’un seul homme. Un auteur qui mérite d’ailleurs amplement une place de choix au panthéon de la télévision québécoise.
Il a su faire preuve d’un talent d’écriture hors du commun durant ces six années. Sept cent vingt épisodes d’intrigues brillamment ficelées, mettant en scène des personnages auxquels nous nous sommes profondément attachés. Mais par-dessus tout, il a su y mettre fin au bon moment. Il a su le faire dignement. Il a compris que lorsque tout a été dit, on ne gagne rien à étirer la sauce inutilement. Un reproche que l’on entend d’ailleurs de plus en plus fréquemment envers les séries de Netflix. Savoir écrire c’est faire preuve de talent, savoir quand s’arrêter c’est faire preuve de jugement.
Les futurs scénaristes ont assurément de bien grandes leçons à tirer du travail exceptionnel et de la longue carrière de Luc Dionne, mais également du geste précis qu’il vient de poser. En prenant la décision de mettre fin à cette série marquante, il a su imposer ses limites pour protéger à la fois sa santé et son intégrité artistique. Je ne sais pas s’il en est conscient, mais par le fait même, il a surtout su faire preuve du plus grand respect qui soit envers son public.