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La maison où Guy Lafleur a grandi, à Thurso, m’a semblé toute petite. Peut-être parce qu’il y avait beaucoup de monde à l’intérieur. Les deux soeurs de Guy, plus une nièce et son copain avec un joli petit chien. Le téléphone sonnait sans arrêt, des gens venaient et repartaient après avoir laissé des bocaux de nourriture…

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On s’est assis dans la cuisine, Pierrette Lafleur au bout de la table, mes collègues Julien et Simon à l’autre bout. Quand elle a vu qu’on avait encore nos manteaux sur le dos, la mère de Guy Lafleur s’est relevée d’un bond. «Donnez-moi vos manteaux, allez…» Elle m’a fait penser à ma grand-mère qui nous accueillait avec la même chaleur hyperactive quand on allait la visiter à Noël.

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En la voyant si pleine de sollicitude pour nous, à 90 ans, alors qu’elle vient de perdre un fils, je l’ai arrêtée d’un geste. «Ne vous en faites pas pour nous, madame Lafleur. Avez-vous seulement réussi à dormir, la nuit dernière?» Non, elle n’avait pas dormi. La nuit avait été longue. En la voyant nous accueillir dans son foyer, si ouverte, si accueillante, malgré les circonstances, je me suis dit que Guy Lafleur ne retenait pas du voisin.

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En montant à Thurso en voiture, j’écoutais la radio. Des gens «ordinaires», si je puis dire, témoignaient de leurs rencontres marquantes avec Guy Lafleur. Ils l’ont croisé au golf, au resto, dans les couloirs d’un aréna, dans un banquet… Ils en parlaient comme d’un gars simple, sans cérémonie. D’une vedette pas fuckée par la gloire, comme tant d’autres. Apparemment, Guy ne refusait jamais un autographe ou de se faire prendre en photo par un fan. Lorsqu’il participait à un banquet, il préférait s’asseoir parmi le bon peuple plutôt qu’à la table d’honneur. Mon collègue Benoît Sabourin, neveu du Démon blond, nous a dit que Guy Lafleur appartenait davantage à la communauté qu’à sa propre famille…

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C’est vrai, cela, M^me Lafleur?

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Mais oui, c’est vrai, a-t-elle acquiescé. Même elle, sa propre mère, devait attendre son tour lorsqu’un fan s’approchait pour quémander un autographe à Guy. Elle ne dit pas ça pour se plaindre. Au contraire, je l’ai sentie très fière qu’on parle de son fils de telle manière. «C’est ce qui faisait sa légende à Guy, non? ai-je dit à M^me Lafleur. Le fait qu’il soit une immense vedette, une légende vivante, tout en restant quelqu’un d’accessible?»

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Pierrette nous a raconté que lors d’une visite au forum de Montréal, elle a vu un jeune garçon demander un autographe à un joueur. Le joueur a ignoré le jeune, sans lui accorder cette faveur. «Jamais Guy n’aurait fait cela!», a-t-elle dit, scandalisée.

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Elle nous a raconté les visites de Guy à Thurso. Quand il stationnait son hélicoptère au garage municipal, au coin de la rue. «Il offrait des «rides» à tous les membres de la famille», dit-elle en souriant. Elle nous a parlé des restaurants Mikes de son fils à Berthierville et Rosemère. De la fois où Guy a appelé de Dubaï. Il essayait de joindre, sans succès, le gérant d’un des restos. Sa mère n’a fait ni une ni deux. Elle est partie demander des comptes au gérant. «Eh, pourquoi ne réponds-tu pas à mon fils?»

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Pierrette Lafleur n’était pas au chevet de Guy quand il est décédé. «Mais j’aurais aimé ça», dit-elle. Elle dit que Guy était moins conscient sur la fin, à cause des médicaments. L’ancienne vedette du tricolore réclamait parfois son père, emporté quelques années plus tôt par le même cancer du poumon. «Je leur avais dit d’arrêter de fumer», dit Pierrette.

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Après coup, j’ai réalisé qu’on n’avait pas parlé de hockey. Pas du tout.

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Peut-être parce que ce que je voyais devant moi, c’était surtout une mère qui venait de perdre son fils. Des soeurs qui venaient de perdre leur frère. Des neveux, des nièces qui venaient de perdre un oncle.

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J’avais le même sentiment en écoutant la radio. J’entendais témoigner des gens, d’ex-coéquipiers de Lafleur, des animateurs, des journalistes…

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Ils faisaient leur deuil autant d’un homme d’exception que d’une vedette de hockey. Ce mélange qui forge les vraies légendes.

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