Toutes les trois minutes, à la gare, la voix de l’interphone annonçait l’arrivée d’un nouveau train. On n’attendait jamais vraiment pour commencer à se déplacer dans Dubaï. Les wagons presque toujours pleins, remplis de touristes et de travailleurs en habits, laissaient croire que la pandémie n’avait pas découragé les milliers à avoir saisi l’occasion de visiter les Émirats. Ou peut-être commençaient-ils seulement à affluer, quelques jours après la levée des restrictions pour entrer au pays.
À l’approche du site d’Expo 2020, on voyait se dessiner quelques pavillons notoires au loin. Les couleurs du bâtiment russe se détachaient. L’espèce de gramophone du pavillon anglais aussi. C’était comme arriver à Disney World dans le monorail surplombant les parcs thématiques, à la différence qu’on savait qu’Expo prendrait fin plus tôt que tard. L’immensité du site me happait. Immense. Innovant. Éphémère.
Il fallait montrer patte blanche pour qu’on nous donne le droit de participer à l’événement : billet d’accès, passeport vaccinal et détecteur de métal étaient au rendez-vous. Rapidement, on voyait le dôme de la place Al Wasl, cette espèce de sphère à la Epcot Center, point central de toutes les animations et oasis d’ombre souvent bienvenue sous la chaleur émiratie.
D’emblée, la plupart des visiteurs se procuraient le passeport d’Expo 2020, ce carnet jaune aux allures des vrais documents de voyage. On pouvait y accoler sa photo et y collectionner les tampons exclusifs de tous les pays représentés, une fois leur pavillon visité. S’il était estampillé plus de 100 fois, on pouvait l’échanger contre une version réservée aux assidus. Et si on avait de la chance, on pouvait l’encrer des insignes temporaires marquant les 10 M, 15 M ou 20 M de visiteurs. À la fermeture des barrières, le 31 mars, nous avions été plus de 24 M à fouler le site.
J’y aurai passé trois jours, le temps minimum, selon moi, pour apprivoiser toutes les merveilles de cette foire internationale aussi rare que les Jeux olympiques. Elle se tient une fois tous les cinq ans. On s’y perd un peu, au début, dans une foule dense qui semble, elle, savoir sur quel pied danser. On réalise vite que les pavillons loués, des cubes de béton ornés des oriflammes des pays représentés, rassemblent les nations moins en moyens. Elles y exposent vêtements, œuvres d’art ou autres objets traditionnels. Les pavillons thématiques, ceux à l’architecture originale, exploitaient pour leur part un concept mis de l’avant par le pays l’ayant construit. Les files d’attente s’y formaient tôt le matin et ne se fatiguaient que rarement.
Si la peur de manquer quelque chose, la FOMO (fear of missing out), vous paralyse, il ne faut pas visiter une exposition universelle. On ratera un peu de tout à la fois. Les spectacles, trop nombreux à se synchroniser dans les places publiques, ne pourront pas tous être vus. Les animations, qui varient selon les moments de la journée, nous donneront envie de repasser au même endroit des dizaines de fois. On finit par lâcher prise. Et les restaurants, qu’on croit complètement dissimulés au début, nous apparaissent tous comme par magie quand il est trop tard pour goûter la cuisine traditionnelle qui nous faisait envie.
Expo 2020, c’était aussi un tas de curiosités. La fameuse fontaine imitant des vagues énormes aura été un des éléments phares du paysage.
Tous les visiteurs s’y sont assurément pris en photo. Les robots, qui pour amuser les petits, qui pour rappeler l’importance du port du masque, auront aussi bien amusé le public en arpentant les rues en pleine autonomie.
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Par-dessus le marché, on ajoutait des fontaines nombreuses pour remplir les bouteilles d’eau, question de réduire le gaspillage et d’éviter les diaboliques bouteilles de plastique. Belle idée, par ailleurs, d’offrir des navettes gratuites vers des sites d’importance de Dubaï, de manière à faire découvrir d’autres facettes de la ville aux touristes.
Comme à Disney, souvent, on devenait irritable à cause de la chaleur, du temps d’attente ou des ampoules qui nous couvraient la plante des pieds à force de trop marcher. Comme à Disney, on devient capricieux après avoir été soufflé par l’ingéniosité de quelques présentations. Nos attentes frôlent rapidement le firmament.
Des concepts marquants
Par exemple, les deux heures pour enfin voir l’exposition de l’Allemagne auront sans doute valu le coup. Des jeux présentaient de façon ludique l’importance de calibrer la production et la consommation d’énergie, de retirer les particules de plastique des cours d’eau ou même de collaborer dans le développement de nouvelles technologies. Au bout du parcours, sur des balançoires, nous dodelinions tous au même rythme pour unir métaphoriquement nos forces vers un monde plus propre.
Le pavillon de la Suisse nous faisait gravir une petite montagne artificielle dans un brouillard tout aussi artificiel.
Le Kazakhstan présentait un spectacle alliant le cirque et une main géante robotisée. La Grande-Bretagne nous proposait de choisir un mot que l’intelligence artificielle intégrerait au plus long poème jamais écrit. Les vers s’affichaient quelques minutes plus tard sur des écrans en façade. Mon mot, « ornithorynque », n’aura même pas pris l’ordinateur en défaut.
Singapour avait construit une forêt verticale, comme il est parfois nécessaire de le faire dans ce micro-État pour préserver un peu de nature. Apaisant.
Les Émirats avaient opté pour un bâtiment en forme d’aigle qui survivra à Expo 2020. Et dans le district de la mobilité, un pavillon thématique comportait en son cœur des géants hyperréalistes de neuf mètres rappelant trois personnages importants de l’histoire arabe. La texture de la peau, les poils des sourcils et de la barbe, les rides sous les yeux laissaient croire que les mastodontes s’animeraient. Un chef-d’œuvre en trois dimensions.
Et le Canada? Bof, le Canada. Son film à 360 degrés n’aura laissé aucun souvenir impérissable. Même pas certain que j’aie compris ce qu’on cherchait à mettre en valeur précisément. L’important, c’est de participer...
Dans les prochains mois, le site d’Expo 2020 doit être reconverti en quartier écoresponsable où il sera possible de vivre, de travailler et de se divertir au même endroit. Environ 80 % des infrastructures devraient être réutilisées. La plupart des pavillons architecturaux risquent toutefois de disparaître pour laisser la place à des bureaux et à des appartements. Demeureront le dôme Al Wasl, les énormes panneaux solaires du district du développement durable, la fontaine mythique et le pavillon des Émirats.
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Pour le reste, il fallait profiter de l’éphémère avant que le flambeau ne soit finalement passé à Osaka, au Japon.
Le journaliste était l’invité de Turkish Airlines.