Juliette des sept allégresses pour le 100e du TNC: un hommage à la hauteur de l'accomplissement

La pièce <em>Juliette des sept allégresses</em> célébrant le centenaire du Théâtre des Nouveaux Compagnons regorge de trouvailles réjouissantes comme cette scène d’un tableau évoquant une pièce des premières années de la compagnie trifluvienne.

CRITIQUE / Il se sera fait attendre, ce retour en scène pour le Théâtre des Nouveaux Compagnons mais le public n’y aura rien perdu. Le spectacle Juliette des sept allégresses qui célèbre les 100 ans de la compagnie trifluvienne, la plus vieille compagnie de théâtre amateur francophone en Amérique, est un réjouissant hommage non pas strictement à l’organisme lui-même mais au théâtre dont il a été et continue d’être un très fier ambassadeur.


Le tout premier constat qu’impose ce spectacle, c’est que Patric Saucier à qui on a confié la création, tant pour l’écriture que la mise en scène, était le bon choix. Il apporte à cet hommage une intelligence, une sensibilité et une originalité qui lui confèrent une dimension assez brillante.

On aurait pu aborder les choses de façon plus convenue avec, par exemple, des extraits de pièces ayant marqué l’histoire de la compagnie et ça aurait été très bien. Saucier a préféré donner à son hommage un côté résolument créatif qui sied parfaitement à l’occasion tout en offrant une prometteuse perspective sur le futur des Nouveaux Compagnons.



Juliette des sept allégresses est un défi d’autant plus méritoire qu’il s’est buté aux contraintes pandémiques qu’on ne connaît que trop. Ce n’est pas par manque de planification qu’on célèbre son centenaire alors que la compagnie a 102 ans. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les conditions de création n’ont pas été optimales. Il régnait cependant sur la scène le soir de la première un enthousiasme qui a aisément fait oublier les imperfections que des répétitions assidues en présence auraient permis de gommer.

La formule des tableaux successifs offre une variété de genres qui témoigne autant des multiples formes que peut prendre le théâtre que des succès des Nouveaux Compagnons au cours des décennies. Le texte de Patric Saucier regorge de belles trouvailles. Le tableau naïf initial rappelant une production des années 20 fait sourire d’un bout à l’autre. Dans un autre tableau, la confrontation de personnages tirés de pièces connues du répertoire mais n’ayant rien à voir les uns avec les autres fait également rigoler franchement.

À l’inverse, l’introduction du spectacle comme sa conclusion sur un monologue rappelant la nature et les pouvoirs du théâtre font prendre conscience tant de la valeur de l’art lui-même que de celle de ses représentants. C’est très bien écrit et riche de sens.

Les emprunts à la grande dramaturgie de différentes époques sont judicieux et déclinent l’amour sur plusieurs tons puisque derrière ce choix de Juliette comme figure de proue du spectacle se dessine forcément l’idée de l’amour. De l’autre, du théâtre, de la vie. Ce détour pour rendre hommage au Théâtre des Nouveaux Compagnons n’était pas évident mais force est d’admettre qu’il est juste.



Il faut aussi louer la mise en scène de Patric Saucier, tout aussi riche que ses textes. On y sent un même souci de justifier chaque déplacement comme chaque idée, de leur donner du sens, même dans la simple évocation.

Chacun pourra trouver dans Juliette des sept allégresses ses moments préférés parce qu’ils sont nombreux et bien différents les uns des autres. Il reste que l’intervention de comédiens professionnels connus pour réciter en extraits successifs la scène du balcon de Roméo et Juliette est un moment très fort, ce dont tout le monde conviendra sans doute. D’accord, c’est en vidéo et non, ils n’ont pas joué avec les Nouveaux Compagnons mais ils célèbrent la vigueur de l’organisme. Et puis, ils rendent hommage au théâtre ce qui est bien la raison d’être des Nouveaux Compagnons depuis plus de cent ans. Personnellement, j’adhère sans restriction à l’idée.

Le spectacle est ponctué de plusieurs de ces flashes porteurs, pas aussi spectaculaires que celui que je viens d’évoquer mais remarquables néanmoins. Je pense à ce moment où, au début, plus d’une vingtaine d’interprètes déclinent en se dirigeant vers les coulisses l’année et la pièce dans laquelle ils ont joué chez les Nouveaux Compagnons pour la première fois. Ça commence en 1952 pour aller jusqu’à 2022. Simple et émouvant.

Juliette des sept allégresses est un spectacle touffu et forcément inégal mais il constitue assurément un digne hommage à la compagnie et un très précieux moment de théâtre pour quiconque se réjouit qu’on fasse encore et depuis si longtemps du théâtre amateur de qualité dans la région.

La pièce sera présentée encore ce samedi, 19h30, de même que dimanche, 14h00, pour être reprise les jeudi 14, vendredi 15 et samedi 16 avril à 19h30, toujours à la salle Anaïs-Allard-Rousseau de la Maison de la culture.