Si vous avez des enfants, vous pourriez être tenté de les prévenir : on se dirige peut-être vers une troisième guerre mondiale et un conflit nucléaire. La pandémie, c’est loin d’être fini. Et d’ici quelques années, on fonce tout droit vers la catastrophe climatique.
D’ailleurs, les enfants devraient savoir la vérité : le monde est dangereux; la vie est difficile. Il faut leur dire, sinon ils vont vivre dans un monde de licornes, mal préparés pour la vie adulte. Pas vrai?
On verra dans un instant. Mais, avant, j’aimerais que vous vous demandiez à quel point vous êtes d’accord avec ces trois affirmations :
1) Dans la vie, vaut mieux ne pas trop avoir d’attentes, sinon on risque d’être déçu.
2) Penser que le monde est sécuritaire, c’est s’exposer aux prédateurs, aux accidents, aux maladies.
3) Pour réussir au travail, il faut avoir le couteau entre les dents.
Dans la tête de bien des parents, c’est le genre de croyances qui revient souvent, ont constaté deux chercheurs américains dans une étude parue à la fin 2021.
En fait, selon l'étude, près de la moitié des parents souhaitent enseigner à leurs enfants que le monde est fondamentalement mauvais — ingrat, injuste, dangereux, impitoyable — et que ça risque d’empirer. Et presque tous estiment qu’il ne faut surtout pas leur inculquer que le monde est très bon — ah, ça non, ça peut nuire aux enfants!
«L’idée sous-jacente ici est assez simple : si vous voulez que vos enfants réussissent et trouvent le bonheur dans la vie, apprenez-leur que le monde est assez horrible — il vaut mieux s’y habituer et garder des attentes faibles», explique l’auteur principal de l’étude, Jeremy Clifton, chercheur à l’Université de Pennsylvanie, dans Psychology Today.
Mais est-ce que cette stratégie fonctionne? Pour le savoir, M. Clifton et son collègue Peter Meindl ont interrogé 4500 personnes de 50 professions différentes et ont vérifié comment leurs croyances se traduisaient dans leur vie.
Les pessimistes ne seront pas rassurés. L’étude montre que ceux qui entretiennent une vision négative du monde se portent beaucoup moins bien. Ils sont moins en santé, plus déprimés et moins satisfaits envers leur vie en général. Ils ont aussi tendance à aimer moins leur travail et à performer moins bien par rapport à leurs collègues.
Au contraire, plus les gens pensent que le monde est fondamentalement bon, plus ils vont bien mentalement et physiquement.
Il ne s’agit pas ici d’un plaidoyer pour les lunettes roses. Il ne s’agit pas non plus de faire semblant que la souffrance, dans ses innombrables déclinaisons, n’existe pas.
Jeremy Clifton croit que les parents devraient mettre en garde leurs enfants contre des dangers spécifiques, mais ne pas leur transmettre une vision globalement négative du monde.
Nos croyances fondamentales ont un impact majeur sur nos émotions et nos comportements. C’est un des constats les plus robustes des dernières décennies en psychologie.
Plus vous avez confiance en vous, plus vos objectifs seront élevés et plus vous vous engagerez dans leur poursuite. Plus vous pensez que votre avenir est sombre, plus vous êtes susceptible d’être déprimé. Plus vous pensez que vous pouvez changer, plus vous ferez des efforts en ce sens. Ça, ça vaut pour les croyances que vous avez envers vous-mêmes. Mais les croyances que vous avez envers le monde qui vous entoure sont aussi d’une énorme importance, comme le démontre l’étude de M. Clifton et son collègue.
Si vous voyez le monde négativement, vous serez peut-être plus à l’affût des menaces, note Jeremy Clifton. Mais vous risquez aussi d’être rongé par l’anxiété et de manquer des occasions parce que vous avez trop peur de plonger.
Comme papa d’une fille, le chercheur en tire lui-même une leçon pratique. Il compte inculquer à son enfant que les bonnes choses de la vie éclipsent les mauvaises.
«Chaque fois que vous perdez ça de vue, écrit-il dans Psychology Today, il vous suffit de regarder autour de vous et de redécouvrir l’incroyable beauté qui vous entoure.»
Je sais, ça peut sembler un peu gaga comme prescription. Mais quand le monde est secoué à la fois par une guerre et une pandémie, c’est peut-être notre meilleur rempart contre le découragement.