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PCC: les cailloux d’Yves Lévesque

CHRONIQUE / Même s’il appuie Pierre Poilievre à la direction du Parti conservateur du Canada, Yves Lévesque a dû éprouver un certain soulagement à la décision de l’UPAC rendue cette semaine d’abandonner sa fameuse enquête Mâchurer qui risquait de mettre en cause l’ex-premier ministre du Québec.


Après huit ans d’investigations, de fuites stratégiques, de controverses et de faits non concluants, l’enquête sur les responsabilités possibles de Jean Charest dans certains aspects du financement illégal reproché au Parti libéral du Québec avait perdu beaucoup de pertinence et de crédibilité.

Certes, Yves Lévesque est un chaud partisan de Pierre Poilievre qu’il a appuyé avec conviction dès les premières heures du lancement de sa campagne pour devenir le prochain chef du Parti conservateur du Canada.

On peut dire que l’ex-maire de Trois-Rivières et candidat du PCC aux deux dernières élections générales n’a vraiment pas tergiversé. Il est même à ce jour l’un des rares appuis, parmi les personnalités connues du PCC au Québec, à s’être aligné sans hésitation sur le candidat franco-albertain.

Alors même que s’est rapidement forgé au Québec un courant qui apparaît dominant en faveur de Jean Charest pour qu’il devienne le nouveau patron du PCC. Sur les six députés qui l’appuient, au moins quatre sur les dix du Québec, parmi les plus influents, ont déjà fait connaître leur préférence à l’endroit de celui-ci alors qu’on soupçonne que la plupart des autres pourraient éventuellement leur emboîter le pas.

On peut donc se demander en quoi la fermeture de l’enquête Mâchurer, qui dégage Jean Charest de toute poursuite criminelle possible, peut apporter le moindre soulagement à Yves Lévesque.

Simplement parce que l’ex-maire avait prévenu que peu importe qui sera élu comme chef du PCC, il allait être le candidat du parti dans Trois-Rivières.

Il avait cependant expliqué sur plusieurs tribunes médiatiques qu’une campagne avec Jean Charest comme chef serait hypothéquante parce que l’homme traîne beaucoup de cailloux dans ses souliers… en raison des allégations qui pesaient contre lui.

Cela lui apparaissait comme un gros handicap difficile à surmonter et qui allait beaucoup faire ombrage à la campagne québécoise du Parti conservateur, s’il en était le chef.

Certes, Yves Lévesque avouait qu’il connaissait bien Jean Charest, qu’il avait eu de bonnes relations avec lui et lui concédait de bonnes qualités, mais, se plaisait-il à rappeler, «en politique, c’est la perception qui compte.»

Tout reste à être joué. Mais dans la perspective où Jean Charest serait devenu le chef du PCC, avec le poids encombrant d’une enquête policière sur le dos, il aurait été compliqué pour Yves Lévesque, devenu son candidat, d’inviter les électeurs à faire abstraction des embarras dont il avait tant fait état.

Un peu comme son équipe avait ressorti durant la dernière campagne des analyses sévères qu’avait faites contre Justin Trudeau son adversaire libéral Martin Francoeur, alors qu’il était éditorialiste, on ne peut même pas douter que ses éventuels adversaires se seraient appliqués à lui remettre à son tour son petit change en le citant haut et fort.

L’enquête Mâchurer étant maintenant close, s’il advenait qu’Yves Lévesque soit effectivement candidat conservateur dans Trois-Rivières et que son chef soit un certain Jean Charest, il pourra plus facilement faire valoir que les appréhensions qu’il entretenait ne sont plus ni fondées, ni justifiées.

Le plus ironique dans ce dossier, c’est qu’Yves Lévesque aurait certainement plus de chances de se faire enfin élire dans Trois-Rivières si c’était Jean Charest qui devenait chef du PCC que Pierre Poilievre.

On peut même se demander qu’advenant une telle éventualité, si le clan québécois des supporteurs de Jean Charest ne réagirait pas en multipliant les réserves ou les contraintes à la candidature de l’ex-maire de Trois-Rivières.

Il y a parfois des rancoeurs tenaces.

Il s’est déjà bien peinturé en faveur de Poilievre. Il faudra quand même voir s’il rajoutera de grosses couches et jusqu’à quel niveau Yves Lévesque va s’impliquer dans la campagne de son favori et surtout, sur quel ton.

Car advenant une lutte Charest-Poilievre, on la prédit féroce et même de bas étage… de ruelle. Probablement irréparable.

L’avantage de Lévesque, peu importe l’organisation qui dirigera le PCC, c’est le potentiel bien réel de celui-ci d’en arriver à finalement pouvoir arracher le comté de Trois-Rivières. Il a été à moins de cent voix l’été dernier d’y arriver.

Même si on peut penser qu’avec Jean Charest à la tête du PCC, les conservateurs seraient en position nettement meilleure au Québec qu’avec Poilievre pour remporter davantage de circonscriptions qu’ils n’en détiennent, il resterait trop périlleux d’en risquer une en se privant d’une candidature aussi prometteuse que celle d’Yves Lévesque.

Mais, comme on dit, il ne faudra quand même pas qu’il aboie trop fort durant la campagne à la direction du parti.

Yves Lévesque a le droit de s’impliquer en faveur d’un candidat, mais il doit éviter d’atteindre l’irréconciliable… ce qui ne sera pas facile pour un sanguin comme lui.

Il reste qu’entre-temps, il faudra avoir les réponses à deux questions: Jean Charest va-t-il être candidat à la chefferie du PCC et ensuite, va-t-il remporter cette investiture vivement contestée?

On a une bonne idée de la réponse à la première question. De toute évidence, il sera de la lutte pour être chef. La réponse à la seconde est moins acquise.

Mais l’ultime question, compte tenu des valeurs fondamentalement tellement éloignées qui opposent les «tories» de ces deux clans, c’est: le Parti conservateur du Canada pourra-t-il éviter l’éclatement… peu importe qui l’emporte?

Et Yves Lévesque pourra-t-il enlever… tous les cailloux de certains souliers et se faire équilibriste? Hum...!