L’Occident a été contraint à exhiber à la face du monde sa mollesse.
L’armée de Poutine est aux portes de Kiev et, en dépit de l’héroïque résistance dont font preuve les Ukrainiens, la mainmise russe est déjà acquise.
Les principaux leaders d’Occident, en concurrence entre eux dans une enflure verbale pour tenter de masquer leur inertie militaire, n’ont même pas gagné sur ce plan de la tonalité contre le chef du Kremlin, qui se sent plus autorisé à être plus hargneux que jamais.
Et ce ne sont pas les présumées mesures de rétorsion économique, presque présentées comme si c’était des armes de destruction massive envoyées contre la Russie, qui offrent le moindre potentiel d’ébranler Poutine.
On peut bien fermer en Allemagne un gazoduc venant de Russie qui n’était pas encore en opération (quelle réplique!), de nombreux pays d’Europe tremblent déjà en calculant les représailles qui pourraient leur être infligées en contrepartie si justement, la Russie coupait leurs approvisionnements en gaz et en pétrole. Ce qui jetterait aussitôt à terre une partie de leurs économies nationales et un niveau de vie citoyen déjà compromis par l’oppression fiscale et une nouvelle inflation.
Même sur le plan banquier, on est nerveux à l’idée de devoir se résigner à verrouiller – entre autres au Canada – l’important flux monétaire qui circule dans nos institutions avec les oligarchies russes.
On se demande qui aura le plus mal aux genoux.
On ne peut par de gros mots, une profusion de menaces et des alliances de surface, qu’entretenir l’illusion dans nos populations que Moscou va regretter amèrement son invasion de l’Ukraine et devoir payer cher, sur le plan de ses relations internationales, ses frasques de conquérant.
La vérité c’est que Poutine, qui veut se forger une stature de Pierre Le Grand, empereur de toutes les Russies, n’a que peu de souci de son peuple et des souffrances qui pourront découler de ses visées hégémoniques. Les Russes y sont habitués. Comme tous les dictateurs qui ont façonné l’histoire de leur pays, des tsars jusqu’à Staline, l’aisance n’est jamais descendue jusqu’au peuple.
Après 25 ans d’un pouvoir que l’on pourrait sans trop exagérer qualifier d’impérial, Vladimir Poutine n’a démontré aucune compétence en développement économique pour son peuple.
L’économie nationale de la Russie est à peine comparable à celle de l’Espagne. À cette différence que la Russie compte plus de 140 millions d’habitants et l’Espagne, près de 45 millions.
Le Russe est pauvre. Mais pas Poutine, qui est honteusement riche et qui a outrageusement enrichi ses complices oligarques. Là, il est fort.
En ramenant l’Ukraine dans sa «mère patrie», comme il le prétend et s‘en justifie, Poutine fait avant tout main basse sur un pays extrêmement riche qui pourrait contribuer à masquer un peu son incurie économique.
Qu’on en juge.
Il a beaucoup circulé sur différents réseaux un tableau de données sur l’importance stratégique européenne, mais souvent mondiale, de l’Ukraine, tant sur le plan agricole que de ses richesses naturelles:
- 1re réserve européenne de minerai d’aluminium;
- 2e réserve européenne de minerai de titane (10e mondiale);
- 2e réserve mondiale de manganèse (12% des réserves mondiales);
- 2e réserve mondiale de minerai de fer (30 milliards de tonnes);
- 2e réserve européenne de minerai de mercure;
- 3e réserve européenne de gaz de schiste (22 milliards de mètres cubes) et 13e réserve mondiale;
- l’Ukraine peut répondre aux besoins alimentaires de 600 millions de personnes;
- la plus grande superficie de terres arables d’Europe;
- 3e plus grande surface de terre noire dans le monde (25% des réserves mondiales);
- 1er exportateur mondial de tournesol et d’huile de tournesol;
- 2e producteur mondial d’orge et 4e exportateur au monde;
- 3e producteur mondial de maïs et 4e exportateur mondial;
- 4e producteur mondial de pommes de terre;
- 5e producteur mondial de seigle;
- 5e place mondiale en production apicole (miel, cire, gelée royale…);
- 8e exportateur mondial de blé;
- 9e producteur mondial d’œufs de poule;
- 16e exportateur mondial de fromages;
- 1er producteur européen d’ammoniac;
- 3e plus grand parc nucléaire européen;
- 3e réseau plus long réseau ferroviaire d’Europe;
- 4e exportateur mondial de titane.
On pourrait continuer… Comme on s’en doute, l’Ukraine est aussi fortement industrialisée.
On ne se surprendra pas qu’elle puisse faire l’objet de grandes convoitises, dont celles de sa voisine, la Russie… et de la complicité silencieuse d’une alliée de cette dernière dans ce conflit : la Chine.
À défaut de relever le niveau de vie du citoyen russe, incorporer les chiffres de l’Ukraine gonflerait de façon significative le bilan économique de la Russie de Poutine.
Mais, succès aidant et prix peu élevé à payer, dans une perspective de conquête élargie, en spoliant les ressources agricoles, minières et industrielles de l’Ukraine, on en privera ses adversaires, mais on s’assurera de moyens essentiels en ressources stratégiques pour la suite de l’affrontement.
Poutine a invoqué la nécessaire «dénazification» de l’Ukraine.
C’est curieux, mais en 39-45, il y avait l’Allemagne d’un côté et le Japon de l’autre.
On peut présentement avoir l’impression que l’histoire se répète avec la Russie du côté de la mer Noire et de l’Atlantique et la Chine, qui a aussi quelques idées hégémoniques à court terme sur Taïwan, et qui pourrait s’occuper de la mer de Chine et de la zone Pacifique.