«De façon individuelle, c’est petit, une PME, mais de façon agrégée, c’est majeur. Elles représentent en effet 40% du PIB. Il faut donc s’en préoccuper. C’est beaucoup par elles que va passer l’atteinte des cibles de l’Accord de Paris», affirme-t-il.
Le chercheur avait déjà réalisé une étude auprès de 350 PME, en 2014.
Il s’était alors penché sur la question du développement durable dans les PME, une notion qui englobe l’environnement, «mais aussi le social, les relations avec les employés et les relations avec la collectivité», des volets qu’il vient à nouveau de scruter à la loupe dans son nouveau rapport de recherche intitulé Portrait de l’engagement des PME québécoises envers le développement durable et la boussole TD de la durabilité pour les PME au Québec.
«Je voulais voir s’il y avait eu une forme d’évolution depuis», explique-t-il «parce qu’entre les deux, il y a eu l’Accord de Paris.»
Le professeur Labelle s’est penché tout particulièrement sur les pratiques environnementales, les pratiques sociales à l’interne avec les employés et les relations avec la collectivité. Il a voulu savoir si les PME emploient localement, favorisent des stages pour les étudiants et font des contributions pour des activités sociales dans leur région, par exemple.
«Dans les deux volets sociaux, que ce soit auprès des employés ou les collectivités, les PME sont plus avancées», a-t-il constaté dans sa nouvelle recherche effectuée entre décembre 2019 et février 2020.
Au niveau environnemental, toutefois, il voit un retard. «Je n’observe pas d’évolution depuis les 5 dernières années», dit-il.
C’est le cas, notamment, au chapitre des pratiques de type économie circulaire, comme la récupération des produits en fin de vie, de leurs clients, l’utilisation de matériel usagé, la valorisation des déchets et la réintégration de certains éléments dans leur propre chaîne de valeurs.
«Sur ces aspects-là, c’est très peu avancé», constate-t-il. «On a beaucoup de chemin à faire», dit-il sans blâmer, mais en constatant qu’il faudra mieux former et accompagner les PME.
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Pour atteindre les cibles nationales et internationales, «il faut que les PME emboîtent le pas», conclut-il.
Le professeur Labelle rappelle en effet que la question de l’environnement «est une autre courbe qu’il faudra aplatir. Elle est peut-être moins apparente que les courbes de la COVID, mais elle va nous frapper de plein fouet très bientôt», dit-il. «Il est vraiment temps de s’en occuper.»
Il existe des PME que le chercheur qualifie de stratégiques, car elles sont engagées dans le développement durable.
Leur approche, assure-t-il, ne les pénalise pas. «Au contraire, elles ont des avantages en termes de diminution des coûts parce qu’elles gèrent mieux leurs déchets et leur énergie et elles offrent des avantages en matière d’attraction des employés, une attitude importante dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre et de motivation des employés», explique-t-il.
«Les gens sont de plus en plus fiers de travailler dans des entreprises qui se préoccupent de ces enjeux. C’est une carte de plus à avoir dans son jeu pour attirer le capital humain que de s’engager dans de bonnes pratiques de développement durable», fait-il valoir.
Le chercheur prévoit que les «pressions sur les PME vont se faire de plus en plus grandes. Elles vont venir entre autres de leurs donneurs d’ordres. Les grandes entreprises qui font affaire avec les PME s’y mettent présentement. Elles vont dire : votre bilan a un impact sur le mien.»
Les gouvernements, selon lui, doivent jouer un rôle d’accompagnement et s’il le faut, de coercition ou imposer des incitatifs importants auprès des PME qui traînent de la patte.
En cette sortie progressive de la pandémie qui aura causé beaucoup de faillites et de disparitions de PME, François Labelle estime que «tant qu’à se réinventer, allons tout de suite vers des modèles qui vont être plus adaptés à la pénurie de main-d’œuvre», propose-t-il.
Le chercheur croit qu’il faudra aussi diffuser davantage les modèles de PME inspirants comme Le Temps d’une pinte, à Trois-Rivières qu’il cite en exemple. «Ils sont excellents. C’est un bel exemple d’entreprise qui valorise à la fois le social, l’esthétique, l’achat de bières locales et la valorisation de leurs déchets», souligne-t-il. Au lieu d’être jetées, leurs drêches, un résidu de brassage, sont en effet offertes à un artisan qui en fait du savon ainsi qu’à des producteurs agricoles qui les incorporent dans l’alimentation des animaux de ferme.
Ce genre d’entreprise a besoin de soutien et de la recherche, estime-t-il, mais pour les autres, plus résistantes à se lancer dans des pratiques de développement durable, «il faudra serrer la vis», assure-t-il.
Il est possible d’évaluer où en est sa propre PME en termes de développement durable en consultant la boussole mise en ligne par le professeur Labelle au www.vigiepme.ca. Il faut cliquer sur l’icône «La boussole.»