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Si c’est votre cas, félicitez votre enseignant! Car moi, qui ai étudié la grammaire jusqu’à l’université, je n’en ai rien su avant il y a une dizaine d’années environ. Du moins, je n’en ai aucun souvenir.

Et c’est un peu normal, car il n’est pas nécessaire de connaître les semi-auxiliaires pour bien écrire. Il suffit d’être capable de distinguer un infinitif d’un participe passé, et on est généralement en voiture pour le reste de sa vie.

Contrairement à « avoir » et « être », qui nous servent à former les temps composés, les semi-auxiliaires sont toujours suivis d’un verbe à l’infinitif. Leur particularité, c’est qu’ils peuvent perdre leur sens premier et ainsi modifier celui de la phrase.

Commençons par le verbe « aller ». Si je vous dis après une heure de réunion que « nous allons faire une pause », la notion de déplacement inhérente au verbe « aller » n’est plus obligatoire. Oui, nous pourrions aller prendre une pause à l’extérieur, mais nous pourrions également très bien rester assis et simplement faire autre chose pendant quelques minutes. Ici, le verbe « aller » est un semi-auxiliaire qui modifie le sens de la phrase pour donner ce qu’on appelle le futur proche.

Non, ce n’est pas un temps de verbe : on s’en sert pour exprimer un futur plus près dans le temps que le futur simple. Parce que le verbe « aller » est au présent dans cette construction, cela crée une forme de proximité et de certitude quant à l’action qui sera posée.

J’avais d’ailleurs déjà parlé du futur proche dans une ancienne chronique. J’avais donné comme exemple un homme qui annonce à sa conjointe « je vais déneiger l’entrée », par rapport à un autre qui dit plutôt « je déneigerai l’entrée ». On imagine très bien le premier qui a déjà mis ses bottes, alors que le second lit probablement encore son journal en prenant son café. À quel moment déneigera-t-il l’entrée? On n’en a pas d’idée précise. On n’est même pas certain qu’il le fera.

Avec « nous allons faire une pause », le futur proche est presque un futur immédiat. Dans ce contexte, recourir au futur simple (« nous ferons une pause ») n’aurait pas le même sens.

Futur proche et passé récent

Le contraire du futur proche, c’est le passé récent. On se sert de « venir de » comme semi-auxiliaire pour exprimer qu’un événement s’est produit il y a très peu de temps. Dans ce cas-ci également, le verbe « venir » perd son sens premier. « Elle vient de souper » n’a plus du tout la même signification qu’« elle vient de la ville ».

Vous voulez d’autres exemples de semi-auxiliaires?

Le verbe « devoir » est normalement synonyme d’« avoir à payer » ou d’« être redevable ». Mais si j’écris qu’« elle devrait arriver vers 17 h », « devoir » indique plutôt une probabilité.

Le verbe « pouvoir » est presque toujours suivi d’un infinitif, et selon le contexte, il servira à exprimer la capacité (« elle peut faire le grand écart »), la probabilité (« il pourrait pleuvoir »), le souhait (« puisse-t-il gagner une médaille! »), la permission (« vous pouvez entrer, elle est prête à vous recevoir »), etc.

Et quand « savoir » est suivi d’un infinitif, il n’exprime généralement plus la connaissance mais la compétence : « Je sais chanter. »

Factiquoi?

Dans une grammaire traditionnelle, il se peut que vous tombiez sur un chapitre énonçant qu’il y a sept semi-auxiliaires : « aller », « venir », « devoir », « pouvoir », « savoir », « vouloir » et « faire ». Ce sont effectivement les plus courants, mais la plupart des ouvrages modernes en font une liste beaucoup plus longue, divisée en quatre catégories.

En fait, on ne parle plus de semi-auxiliaires, mais plutôt d’auxiliaires de conjugaison (« avoir » et « être »), d’auxiliaires d’aspect (ceux qui donnent une indication sur le déroulement temporel, dont « aller » et « venir »), d’auxiliaires de modalité (ceux qui indiquent un caractère) et d’auxiliaires factitifs.

« Factiquoi? », entends-je... Seulement deux semi-auxiliaires entrent dans cette catégorie : « faire » et « laisser ». On y recourt lorsque le sujet est la source de l’action ou de l’état (exprimé par l’infinitif), sans poser cette action lui-même.

Et c’est à cause du factitif que la tournure « faire faire », cette bizarre de répétition, est tout à fait acceptée en français.

« Je me suis fait faire une robe. »

« Elle a laissé dormir les enfants. »

« Nous sommes devenus très bons pour faire pousser des légumes. »

« Les forces policières ont laissé passer les manifestants. »

Donc, quand vous entendez un animateur de radio dire qu’il va jouer telle chanson, il commet une faute de factitif : il prend un raccourci calqué sur l’anglais (« to play a song »). Mais en français, on doit maîtriser un instrument de musique pour jouer une chanson. Dès qu’une machine s’en charge, il faut dire « faire jouer ».

Et même si « faire faire » est une tournure acceptée, il est quand même possible de recourir à un autre verbe pour éviter la répétition et gagner un peu de lustre.

« Elle s’est fait confectionner une robe. »

« Il s’est fait blesser par son ami [plutôt que \"il s’est fait faire mal\"]. »

Comme nous parlons du verbe « laisser », j’en profite pour répondre à une question qui m’a été posée récemment : doit-on faire l’accord du participe passé « laissé » lorsqu’il est suivi d’un infinitif? C’est déjà le cas pour « faire » : dans les phrases « les livres que j’ai fait tomber », « les plantes que j’ai fait mourir », « l’amie que j’ai fait rire », « fait » est toujours invariable.

Dans le cas de « laisser », on devrait faire l’accord. On écrirait donc « les livres que j’ai laissés tomber », « les plantes que j’ai laissées mourir », etc. Mais la réforme de l’orthographe étant passée par là, il est désormais accepté de laisser « laisser » invariable.

Perles de la semaine

On souligne cette année les 400 ans de la naissance de Molière. Gageons que, si les réponses d’examen ci-dessous venaient du Québec, Jean-Baptiste Poquelin se ferait rebaptiser Jean-Baptiste Poliquin.

« Sa pièce la plus rigolote, c’est \"Le malade imaginaire malgré lui\". »

« Dans \"Le misanthrope\", Alceste explique qu’il n’est pas l’ami des gens humains. »

« C’est malgré lui que Molière écrivit \"Le médecin\". »

« Le personnage principal de \"L’avare\" s’appelle Aragon [Harpagon]. »

« Molière se moque des hypocrites dans \"La tarte aux truffes\". »

Questions ou commentaires?

steve.bergeron@latribune.qc.ca

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